Le trésor de Thetford est une découverte archéologique célèbre en Angleterre, effectuée en novembre 1979. Il s'agit d'un important ensemble de bijoux en or et d'ustensiles en argent, découverts dans une zone boisée de Gallows Hill, située près de Thetford (comté de Norfolk, Angleterre), sur le territoire qui fut celui des Icènes. Cette découverte a été faite dans le cadre de prospections illégales effectuées à l'aide d'un détecteur de métaux, dans une zone fraichement défrichée pour préparer un chantier de construction. Le découvreur agissait dans la pénombre et a retiré les objets découverts à la hâte, laissant très certainement des artefacts sur place. Hélas, les archéologues n'ont pris connaissance que tardivement de ces découvertes, lorsque plusieurs mois plus tard, le pilleur a tenté de les vendre aux plus offrants. Ainsi, lorsqu'ils sont enfin allés sur le terrain, les archéologues n'avaient plus rien à observer, puisque le site était déjà construit, et qu'en outre, la mémoire du pilleur était plus que défaillante (il était gravement malade). Ainsi, il est presque certain que ce trésor soit en réalité incomplet. En outre, il est probable que le prospecteur ait eu le temps de vendre une partie de ses découvertes (des rumeurs persistantes indiquent qu'il y aurait notamment des monnaies, etc.), si bien que la nature précise et le contexte du dépôt demeurent incertains. Différents éléments suggèrent une datation tardive, à la fin du IV^e s. ap. J.-C., une période de grande instabilité dans cette partie de l'Empire romain (Johns & Potter, 1983).

Le site de Gallows Hill n'était pas inconnu des archéologues avant la découverte du trésor. De nombreuses découvertes isolées y ont été effectuées dans les années 1950-1970, et notamment des enclos pouvant suggérer la présence d'un sanctuaire britto-romain, qui pourrait avoir été actif jusqu'à l'époque du dépôt du trésor. Aussi, deux tumuli réputés datés de l'âge du bronze (dont un supportait un gibet au XVIII^e s.) ont fait l'objet d'investigations en 1978-1979. La découverte du trésor a relancé les recherches sur cette éminence, et notamment sa portion sommitale. Entre 1980 et 1982, les archéologues ont effectué d'importantes recherches sur les portions encore inoccupées de Gallows Hill, au niveau de l'hypothétique sanctuaire. Il est apparu que ce site avait été occupé de manière discontinue entre la fin du Néolithique et le début de l'âge du Bronze et la fin de l'époque romaine. Des enclos, des inhumations et des monnaies laténiennes y ont été observées (La Tène II-III), témoignant d'une occupation dont la densité n'a cessé d'augmenter jusqu'à la transition entre le I^er s. av. et le I^er s. ap. J.-C. Ce site a été interprété comme un sanctuaire pré-romain, ayant laissé place à un sanctuaire britto-romain, ayant été occupé jusqu'au IV^e s. ap. J.-C. (Gregory, 1991). Naturellement, il est tentant de penser que le trésor de Thetford ait pu être constitué des offrandes provenant de ce sanctuaire.

La composition du trésor

Le trésor de Thetford est constitué d'une variété d'objets précieux. On y relève de nombreux objets manufacturés britto-romains, dont plusieurs utilisent une iconographie bachique ; trente-trois cuillères d'argent (dix-sept cochlearia et seize ligulae), trois passoires en argent, quatre bracelets en or, quatre pendentifs, vingt-deux bagues en or, cinq chaînes de collier en or et deux paires de fermoirs pour colliers, une exceptionnelle boucle de ceinture en or représentant un satyre dansant, une amulette d'or, une intaille non-montée, quatre perles (une en émeraude et trois en verre), et une boîte cylindrique en schiste avec son couvercle. La plupart des bijoux étaient conservés dans la boîte en schiste, tandis que les cuillères semblent avoir été dépôsées en pleine terre, ou dans un matériau périssable (ou dans un contenant non-repéré par le pilleur). Ces différents objets semblent avoir été des offrandes, consacrées à diverses divinités dans un sanctuaire. D'après leurs caractéristiques stylistiques, ces objets sont datés de la période comprise entre 380 et 400 ap. J.-C. (Johns & Potter, 1983).

La mention de nombreux dieux indigènes inédits et la persistance tardive du paganisme

Outre les richesses matérielles révélées par ce trésor, une partie notable des trente-trois cuillères (cochlearia et ligulae) portent des inscriptions votives faites à l'adresse des dieux Andicrosa, Ausecus, Blotugus, Cranus, Medigenus, Medugenus, Narus et Saternius, tous inédits. La plupart de ces théonymes semblent celtiques, impliquant qu'il s'agissait très certainement de divinités rurales locales. Autre aspect inédit, ces différentes divinités sont assimilées au dieu romain Faune, qui n'était jusqu'alors pas attesté sur l'île de Grande-Bretagne.

Bien que le trésor soit tardif, aucune oeuvre n'y évoque le Christianisme, religion officielle de l'Empire du temps du dépôt. Tout juste note-t-on une représentation d'un poisson sur l'une des cuillères, sans certitude sur le sens à lui donner. Ainsi, ce dépôt témoigne de la survivance tardive de cultes païens dans la région. Parmi toutes les causes possibles ayant justifié la dissimulation de ces objets, C. Johns & T. W. Potter (1983) observent que ce dépôt est contemporain des six édits anti-païens de Théodose, promulgués entre 380 et 394 ap. J.-C. D. J. Watts (1988) a tenté de démontrer que ce dépôt pourrait au contraire être partiellement chrétien, en soulignant le fait qu'à la fin de l'Empire, l'iconographie bachique a été réinterprêtée à l'aune du christianisme. L'auteur n'est cependant pas parvenue à expliquer pourquoi les Chrétiens de cette époque n'auraient pas assumé une iconographie et des inscriptions incontestablement chrétiennes (ce que leurs coreligionnaires faisaient ailleurs).

Portée de la découverte

La découverte du trésor de Thetford a eu un grand impact dans le monde de l'archéologie, de part son caractère fort inhabituel. L'association de vaisselle en argent et de bijoux en or est assez courante dans les trésors de métaux précieux contemporains de Grande-Bretagne. Ce qui rend la découverte extraordinaire, ce sont les inscriptions votives qui y ont été relevées et les allusions aux cultes païens, fournissant un témoignage exceptionnel de ces pratiques religieuses à l'époque de leur déclin.

L'ensemble des quatre-vingt-trois objets trouvés a été classé comme trésor national et a été acquis par le British Museum pour y être préservé et étudié. Certaines pièces ont également été exposées au Musée de Norfolk.