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MessagePosté: Dim 14 Mai, 2006 19:53
de jakes
complice peut etre mais le vieux Tal a l'argument solide et ne se laisse pas faire.
c'est comme çà qu'on l'aime! Tal houarn, penn kaled!

MessagePosté: Dim 14 Mai, 2006 20:08
de Pierre
Muskull,


Pourquoi complice ? Rien dans le profil de Jakes n'indique qu'il est Osisme :lol:


@+Fourbos Dyteutos

MessagePosté: Dim 14 Mai, 2006 20:55
de Muskull
P'têt bien osisme du Nord :wink:

MessagePosté: Dim 14 Mai, 2006 20:56
de Taliesin
Juste en passant, à propos de Gloucester : c'est à Robert de Gloucester, fils naturel de Henri 1er et soutien de Mathilde, qu'est dédiée la première mouture de l'HRB. Robert de Gloucester, qui fut aussi le mécène de Guillaume de Malmesbury, serait à moitié gallois. Il serait le fils de la princesse galloise Nesta, elle-même fille du roi de la Galles du Sud Rhys ap Tewdor.

"Hervé Brito, comte du Wiltshire et fils de Guiomar III de Léon, fut banni en 1139-1140 à la suite d'une révolte de paysans" (Noël-Yves Tonnerre, la Bretagne féodale, p. 79)

"le roi Pant avait un principe qu'il appliquait volontier, car c'était un redoutable guerrier : il entendait traiter sur le même pied, petits ou grands, qui étaient amenés à recourir à sa justice." (Ulrich von Zatzikhoven, Lanzelet, v. 50sq)
c'est ce souci d'égalité qui est la cause de la révolte de ses vassaux, excédés d'être traités sur le même pied que les paysans, qui eux, n'avaient donc pas de raison de se plaindre. Il y a contradiction avec la cause du bannissement de Hervé Brito.

Est-il possible que vous citiez vos sources concernant le mariage d'Hervé II avec la fille naturelle Etienne de Blois ? Car dans les miennes (qui sont loin d'être complètes), je n'ai aucune mention de ce mariage, ni même de l'existence de la bâtarde d'Etienne.

Une petite question pour finir : quel est l'intérêt d'écrire au début du 13ème siècle une geste contre Henri II alors qu'il est mort depuis 1187, et que le dernier de ses fils, Jean sans Terre, ne règne plus que sur l'Angleterre et un petit bout de l'Aquitaine ?

MessagePosté: Dim 14 Mai, 2006 23:15
de jakes
c'est donc que le bannissement d Hervé britto est politique:
Il représente le pouvoird' Etienne de Blois qui indispose les féodaux du Wiltshire, et non les villani qui pouvait s'attendre à une justice locale tempérée par le représentant du pouvoir royal.

Les sources, difficiles à retrouver rapidement:
L'expension territoriale des vicomtes de Leon à l'époque féodale par André-Yves Bourgès
Ou Les vicomtes du Leon par Guillotel MSHAB 1971
ou Le Leon, ses villes et Morlaix au Moyen age par Jean Pierre Leguay BSAF 1924
Il faudrait que je relise l'ensemble.

Pourquoi un roman du XIIIème siècle ferait t'il le procès d'Henri II Plantagenet alors que les enjeux politiques sont dépassés?
Il ne le fait pas, et je n'ai jamais parlé d'un tel message dans le Lancelot en prose de 1221, peut etre meme pas present dans Lanzelet.
Je parle du message que soutend la trame" Penn Ge(n)wiissei- Castel an trebes- l'enfant Lancelot" qui s'élabore entre 1174 et 1186 à la cour du Léon et qui se diffuse chez des féodaux mis à mal par Henri Plantagenet en 1173.

Dès le début du XIIIième siècle, les personnages, lieux et évenements réels sont sortis du contexte, leur force subversive n'a plus d'enjeu et n'est plus investie, sinon comprise.
Mais le thème fossilisé , tranformé en Ban de Benoic- Chateau de Trèbes- Lancelot est bel et bien là dans Lancelot en prose, seule forme écrite issue d'un tissu romanesque dont on a connaissance actuellement.

Tout les signes d'apaisement existe en Léon ( Le comte est fidèle au duc Arthur, les eveques de Dol ne contestent plus la préeminence de Tours, Philippe Auguste imposera bientot son autorité) et c'est peut etre pourquoi une tradition lié à Lancelot ne s'est pas perpétué ici .

Au moment ou ce personnage réapparait dans la littérature, il est tellement délocalisé en Europe, Ban de Benoic n'est pas reconnu, les ruines de Castel an Trébe n'ont tellement rien à voir avec les fiers chateaux de pierre qui pullulent qu'il ne saurait etre le prestigieux chateau de Trèbes.

Castel an Trébes reste attaché au vieux comte du Leon Hervé II dont on ne comprend plus très bien pourquoi il s'est battu.

Si les comtes de Leon s'identifient encore à Lancelot, il lui dédient le chateau de joyeuse Garde contruit en 1260 à la forest Landerneau.
Les Rohan tissent des alliances avec ce qu'il reste de la famille du Leon et impose le personnage de Conan Meriadec, leur ancètre reconnu dès 1188.

On leur attribuera Castel Meriadec en Plougoulm, Traon Meriadec en Plougasnou probablement des lieux anciens, bien plus tardivement quand les historiens auront compris qu les chateaux anciens ne devaient pas ressembler aux chateaux contemporains.
Mais si un ancien vieux roi s'avère etre complètement mytique au XVIIe siècle?
Dom Lobineau devra se mordre les doigt d'avoir nié l'historicité de Conan Meriadec.

c'est pourquoi Albert le Grand admet et associe le personnage historique Hervé II à Castel an Trébes mais n' aurait pas osé se discrédité en évoquant le chateau de Trèbes du roi Ban y eu t'il songé une seconde.

MessagePosté: Lun 15 Mai, 2006 13:33
de Taliesin
Hello tout'n dud !

merci pour vos sources, Jakes, j'irai y jeter un oeil à ma prochaine visite au CRBC. Il me faudrait juste l'année et la revue pour l'article d'André-Yves Bourges.

Résumons :
on a dans la Lanzelet un château sans nom qui appartient à Pant Genewis. Le Lancelot en prose parle du château de Trèbes, appartenant à Ban de Benoïc.
Première remarque : Pant Genewis et Trèbes ne sont pas associés ensembles dans le même texte.
deuxième chose : pour aller de Pant Genewis à Hervé II de Léon, il faut démontrer que :
1 - Pant Genewis dérive de Penn Gewissei
2 - le titre de Penn Gewissei fut donné à Hervé II en tant que seigneur de Wiltshire

si le premier point n'est déjà pas évident à démontrer, le second est encore plus hypothétique. On a vu que le terme de Gewissei était assez flou, et qu'il pouvait désigner aussi bien des Gallois que les anciens princes saxons du Wessex. Supposons un instant que le titre de Penn Gewissei ait été employé (ce qui n'est nullement attesté) en référence à ses princes saxons qui régnaient sur une part importante de l'ouest de l'Angleterre. Ce titre aurait-il pu être donné à un seigneur du Wiltshire - qui n'est qu'une partie de l'ancien Wessex - qui ne tint cette terre en fief que quelques années, et qui de tout façon la tenait comme vassal d'un seigneur anglo-normand. En fait, seul ce seigneur anglo-normand - peut-être Robert de Gloucester à l'époque - aurait pu se prévaloir de ce titre.

Autre chose : si les vicomtes de Léon avaient voulu utiliser à leur profit un récit sur Lancelot et le transformer en une oeuvre de propagande littéraire à la gloire de leurs ancêtres, ils auraient marqué leur présence bien plus clairement, comme ils l'ont fait pour le lai de Guigemar, qui est situé géographiquement, et dont le nom du héros se rapporte au fondateur de la lignée. Pas de guiomarc'h ni de Hervé dans les romans de Lancelot...

D'ailleurs, le nom de Lancelot ne fait pas partie du patrimoine onomastique des seigneurs de Léon. lancelin, abbé de Landévennec au début du 12ème siècle, n'était sans doute pas de cette famille. Vu son état ecclésiastique, on peut penser qu'il s'agissait d'un cadet de famille, dont le nom a été choisi dans le stock onomastique maternel, comme c'était la coutume.
Un autre Lancelin, mab Budoer, est témoin dans une charte de Quimperlé vers 1060.

En fait, à ma connaissance, la seule lignée qui ait utilisé de nombreuses fois, et sur plusieurs siècles, le nom de Lancelin, est celle des Lancelin de Beaugency, où ce nom était donné au chef de famille à chaque génération ou presque.
Les Lancelin de Beaugency ont été en contact avec des Bretons, notamment avec Engelbaud le Breton, un des plus importants barons du Vendômois au 11ème siècle.

Mon sentiment est que le nom de Lancelot, dérivé de Lancelin, est venu remplacer celui d'un personnage mythologique beaucoup plus ancien, dans une histoire où se trouvait déjà Mabuz / Mabon, sa mère la Dame du Lac, soit un avatar de Modron, et aussi Bran Vendigeit. J'ai une petite idée aussi sur Iweret, seigneur de Dodone.

un autre point intéressant concernant la transmission de l'histoire : le nom de lanzelet ou Lanselet est connu assez tôt en Occitanie, en tout cas avant que la traduction de Ulrich.

MessagePosté: Lun 15 Mai, 2006 15:33
de jakes
Salud an tud!

me donnant un peu de temps pour repondre (mon dernier message est truffé de fautes, je m'en excuse!) j'en profite pour donner les références demandées:
Il s'agit des pages 371, 372, article"L'expansion territoriale des vicomtes du Léon" d'André-Yves Bourgès paru dans le bulletin de la Société Archéologique du Finistère , Tome CXXVI,1997.

Voir également à la page 365 quelques lignes sur Guiguemar-Guyomarc'hIII et le commentaire qui renvoie à une hypothèse de parenté entre Marie de France et l'épouse d'Hervé II, formulé par Glyn S.Burgess et Keith Busby, The lais of Marie de France,s.l.(Londre), s.d.(I986)p.19.

MessagePosté: Sam 27 Mai, 2006 17:08
de Taliesin
Après lecture des articles d'André-Yves Bourgès et Hubert Guillotel (je n'ai pas trouvé celui de Leguay, la réference semble erronée :( ), il en ressort que :

1 / concernant la forteresse incendiée par Henri II :
nom inconnu pour Guillotel
Beuzit en Lanmeur pour Bourgès, soit de l'autre côté de la rivière de Morlaix, les seigneurs léonards contrôlant à l'époque ce pagus aujourd'hui en Trégor.
Auncun d'eux ne mentionne le château de Trebes (peut-être chez Leguay ?)

2 / Marie de France = Marie de Boulogne ?
pour moi, l'hypothèse ne tient pas la route, d'abord parce que Marie dit bien qu'elle est "de France", ce qui, pour l'époque, ne peut correspondre qu'à l'Ile-de-France. Or, Marie de Boulogne est blésoise par son père, qui en plus est roi d'Angleterre, et de Boulogne par sa mère. Aucune raison de se dire "de France".
deuxième raison de rejeter cette hypothèse : Marie de Boulogne passa la plus grande partie de sa vie dans un couvent, dont elle fut sortie par Henri II pour être mariée à Mathieu de Flandres, lequel lui fit une fille puis la renvoya aussitôt au couvent pour épouser la comtesse de Nevers. On sait que Marie de France écrivait à la cour de Henri II, et qu'elle récitait ses lais devant public après les avoir écrit (il suffit de lire les introductions et les épilogues des lais pour s'en rendre compte). Je vois mal une religieuse faire la même chose...
troisième raison : Marie de Boulogne mourut en 1182, elle n'aurait donc pu traduire l'Espurgatoire seint Patrice en 1184 (voir Yolande de Pontfarcy, "Si Marie de France était Marie de Meulan. » Cahiers de Civilisation Médiévale, 38, 4ème fasc. 1995, p. 353-354)

3 / Hervé II a bien épousé une fille naturelle d'Etienne de Blois, mais personne n'est foutu de savoir son nom. J'ai trouvé d'autres mentions de cela dans d'autres articles, mais rien de plus précis, sinon qu'Hervé II ne fut comte de Wiltshire qu'à peine plus d'un an, de 1139-1140 à 1141.

MessagePosté: Dim 28 Mai, 2006 20:21
de jakes
Réponse à Taliesien. Peut on se tutoyer comme celà parait etre la règle dans l'arbre celtique à la branche petite Bretagne ?

Merci pour ton érudition et ta démarche critique.
La localisation à Beuzit près de Lanmeur de la principale forteresse du Léon rasée en 1167 est une hypothèse qu’André Yves Bourgès n’étaye pas beaucoup. D'ailleurs il fait cette supposition pour confirmer (s’il était nécessaire car sa thèse peut amplement se passer de cet argument) que l’autorité des vicomtes du Léon s’est étendu au pagus Castelli qui lui doit son nom.
« Le plus puissant donjon est brûlé, pris et détruit de fond en comble. On n’a pas retrouvé sa trace » dit Pocquet du Haut Jussé.
Robert de Torigny ignore son nom.
En 1636, Albert le grand cite Lesneven , St Pol et Trebes sur la rivière de Morlaix, un lieu désert et inconnu ailleurs:Seule une tradition solidement établie dans la région permettrait de mettre ceci par écrit sans se faire assassiner par la critique du temps.
Castel an Trebes, le château du trépied ne revendique aucun lien avec le prestigieux château de Trèbes, mais s’affirme comme une forteresse des comtes du Léon brûlée par Plantagenêt. C’est assez modeste pour être crédible.


Sur l’affirmation que Marie de France puisse être Marie de Boulogne plutôt que Marie de Meulan-Beaumont, je doit dire que je n’ai lu ni Glyn S.Burgess et Keth Busby 1986, ni Yolande de Pontfarcy 1995.

L’affirmation que le prototype de Guigemar du Leonnois doit être le seigneur du nord de la Bretagne qui s’opposa à Louis Le Pieux plutôt que Guiomarc’h III ? Il est certain qu’un lignage qui cherche a consolider sa réputation au XIIe siècle se découvrirai avec bonheur une telle filiation, et ne manquerait pas de rappeler la valeureuse résistance de l’ancêtre contre le roi de France.
Or ce n’est pas le cas. Le récit de fondation dynastique ne cherche pas à s’enraciner dans l’histoire mais au contraire récupère le mythe intemporel de la rencontre entre le fondateur de la lignée et une créature surnaturelle, pour un usage précis : la propagande des comtes du Léon.
Guigemar ne serait pas né si les Guiomarc’h du Leon était restés des petits nobles de troisième zone.


Hervé II du Léon n’a été seigneur du Wiltshire qu’une année durant, avant même d’être comte du Léon. C’est pourtant de cette aventure anglaise qu’il tient le titre de comte alors que son père Guiomarc’h n’était que vicomte. Le fait d’avoir à un moment de sa vie pu revendiquer des possessions de part et d’autre de la Manche ajoute au prestige d’Hervé et la cour du Léon à toute les raison de rappeler ce titre de gloire à la postérités.
Pour les mêmes raisons, il aurait acquis le surnom de Penn Ge(n)ewissei, cette désignation littéraire (et bretonne) des comtes du Wiltshire.

Certes Pent Genewis le père de Lanzelet n’a jamais mis les pieds au château de Trèbes.
Mais comme Hervé II du Léon, il a été chassé de ses terres par ses vassaux révoltés, des seigneurs féodaux. Ses paysans pour qui le représentant royal adoucissait l’arbitraire féodal l'adoraient c'est sur?
On sait qu’Hervé a été chassé par les » simplici rusticorum plebe ». Il convient de légitimer tout bon coup d’état par la mobilisation spontanée des masses. Ses fidèles chevaliers armés jusqu’au dents n’ont pas levés le petit doigt ? Comme vassal et gendre, Hervé devait tout à Etienne de Blois, le roi d’Angleterre contre qui tous les féodaux du sud ouest britannique s’étaient ligués prenant le parti de Mathilde et des Plantagenêt.

S’il n’y a pas de lien direct entre cette révolte et l’incendie du Trebes, ces deux évènements encadre toute l’activité politique d’Hervé II résistant de première heure aux Plantagenêt, politique que poursuivront ses descendants jusqu’en 1181.
Elle a valeur d’exemple dès 1174 pour les seigneurs chassés, bannis, exilés en croisade par les mercenaires d’Henri Plantagenêt.

En 1173, Guillaumarc’h IV fait amende honorable pour l’assassinat de son frère l’évêque Hamon, ami de l’évêque de Dol, fidèle au duc Conan, protégé du roi d’Angleterre.
Avec son épouse Nobilis, il fonde l’Abbaye de Daoulas.
Daou Laz, les deux meurtres (Il existe une légende locale à ce propos.)
Henri Plantagenêt n’en a pas fait tant pour l’assassinat de Thomas Becket en 1170 et son homme de main de l’époque Hugues de Morville se trouve à son tour exilé en Terre Sainte en 1174 par son commanditaire de la veille.

En 1178, Lancelot apparaît sous la plume de Chrétien de Troyes qui ne dit rien de ses origines.
Il faut bienqu'à un moment ou un autre Lancelot a été associé dans le mythe à Pent Genewis avant 1194 puis à Ban de Benoic et au château de Trèbes avant 1221.Quand?
Cette association est déjà probablement ancienne en 1221 car le grand rempart en terre de Castel an Trebes n’est plus digne à cette époque du fabuleux château de Trèbes. On ne saurait l'imaginer différent des beaux châteaux forts en pierres taillées.
Seul Hervé du Léon hante le lieu, vieillard dont on a oublié les motifs de révolte et c'est assez.

Mais si cette association s’est fait entre 1174 et 1189 elle à une force connotation anti Plantagenêt en qui il faut reconnaître Claudas de la Terre Déserte dans sa forme terminale.

Est-ce à la cour du Léon qui connaît Lancelin, abbé de Lantevennec et donc seigneur de Locquenolé, au pied du Castel an Trebes, au temps ou cette enclave de l’arrogant évêque de Dol, s’appelait encore Lancolvet, Lann Ceuleut ?
Lancelot sera à nouveau le seigneur de Lan Ceuleut, au pied de son château de Trebes quand le Léon sera débarrassé des prétentions Doloise, Ducale et Anglaise.
Effectivement l'argument que tu avances est très valable, pourquoi une telle version n’aurait pas perdurée en Léon ?
Mais le Léon n’a pas plus revendiquer le personnage de Guigemar.
En 1221 quand Lancelot fils de Ban de Benoic prend réellement son essor, le comté du Léon à été démembré depuis 40 ans et seule une cour puissante était capable d’entretenir son image de marque auprès des autres cours européennes.

Est-ce dans l’entourage de Hugues de Morville que se transmet la tradition ?
Il rencontre en terre Sainte des chevaliers Léonards qui ne pouvait pas faire le lien entre le destin de ce personnage et celui de Guillomac’h IV et le lui ont rapporté.
Tout deux meurtrier d’un évêque, d’un parti opposé au départ, l’un a expié sa faute en fondant une abbaye, l’autre doit l’expier en exil, chassé par celui qui l’a poussé au crime abominable d’un évêque et qui le renie désormais.
Dans l’entourage d’ Hugues de Morville, la résistance d’Hervé et de Guiomarc’h a ainsi fort valeur d’exemple.
Mais en effet, pourquoi écrire cette résistance à la gloire du Léon quand l’histoire a valeur universelle.

La version que transmet Hugues de Morville connaît au moins un titre du père de Lanzelet, Pent Genewis et la révolte des ses vassaux.
D’autres versions circulant bien loin du Léon devaient transmettrent le détail de la mort du roi devant l’incendie du Trebes, sa forteresse entourée de marais sur deux cotés, située près d’une marche frontière, son alliance avec un puissant voisin contre un seigneur encore plus puissant et très maléfique.
Sinon comment expliquer que tous ces détails très précis et exacts réapparaissent en 1221 ?

Rien n’empêche que l’histoire se soit enrichie au passage d’autres noms de lieu et de personne.
Pourtant Iblis (Nobilis épouse de Guiomarc’h, an Iblis), Iweret (Hinvoret, évêque du Léon auquel Wurmonoc dédie sa vie de St Pol en 884) ne sont pas étrangers à la Bretagne.

Rien n’empêche également que l’histoire, qui n’est pas de l’Histoire, mais du mythe véhicule des mythes plus anciens du fond celtique. Hervé II a fait un passage en grande Bretagne et en a ramené un titre littéraire.

Et comme je suppose qu’elle a été transmise à Hugues de Morville en Terre Sainte, je ne m’étonnerais pas d’apports manifestement éloignés de la Grande et petite Bretagne.

La partie de Lancelot que je voudrait cerner n’est qu’une toute petite partie de l’œuvre.
L’épisode s’arrête à l’enlèvement de l’enfant par la Dame du Lac, que je me garderait bien de situer ou d’identifier.

Enfin j'avais donné les reférences de Leguay et Guillotel par manque de temps pour consulter mes sources. Mais c'es bien dans l'article de Bourgès qu'était la référence à Guiomarc'h et l'épouse d'Hervé.

Kenavo paotred!

MessagePosté: Dim 28 Mai, 2006 23:37
de Taliesin
bonsoir !

la volonté d'expansion des vicomtes de Léon a commencé bien avant Guiomarc'h III : vers 1025, Guiomarc'h 1er essaye déjà d'étendre son territoire au dépens du comte de Cornouaille Alain Canhiart.
Les comtes de Cornouaille ont eux aussi leur mythe fondateur, que l'on retrouve dans la lai de Graalent = Gradlon, et Gradlon a bien été enraciné dans l'histoire, puisque les traditions légendaires le donnent pour contemporain de Guénolé, fondateur de Landévennec, et les rapports entre cette abbaye et les premiers comtes de Cornouaille, dont le berceau est Châteaulin, ont été très intimes au 10ème siècle.

Lann Ceuleut est-elle une forme attestée pour Lancolvett ?
J'ai déjà dit ce que je pensais du Lancelin, abbé de Landévennec
Je ne reviens pas non plus sur Penn Gewissei

Chétien de Troyes ne s'étend pas sur les origines de Lancelot, mais il semble en connaître plus qu'il ne le dit : "cette dame était une fée qui lui avait donné l'anneau et qui l'avait élevé durant son enfance." Dans le Chevalier de la Charrette, il ne rapporte pas des traditions qu'il aurait entendues, il obéit à une commande de Marie de Champagne qui lui a fournit la matière et le sens. D'ailleurs, son Lancelot a peu à voir avec celui de Zatzhikhoven.

Nobilis, c'est tout simplement Noble, comme à l'époque il y avait aussi des prénoms féminins comme Comtesse ou Marquise. Rien à voir avec un hypothétique an Iblis

petite remarque : l'emploi quasi-systématique du présent est un peu gênant, surtout que tu exposes finalement un chapelet d'hypothèses à la suite l'une de l'autre.

MessagePosté: Lun 29 Mai, 2006 0:28
de jakes
il serait genant d'égrener un chapelet de croyances sans suite logique.
comment explique tu l'apparition ethymologique du chateau de "Trèbes "ex nihilo en 1221?
Attention, l'exercice n'est pas facile.

amicalement.

MessagePosté: Lun 29 Mai, 2006 21:41
de jakes
Réponse à Talésien. 2.

Premier postulat : Castel an Trebes est à l’origine étymologique du nom du château de Trèbes et lui a donné ses principales caractéristiques.
Si c’est faux, toute la suite s’écroule.

On peut toujours émettre un doute prudent, mais existe-t-il une alternative plus séduisante à l’origine du château de Trèbes ?
Si c'est le cas, il faut l'exposer.
Car tout ce que j’ai lu là-dessus est franchement décevant.
Y a-t-il du nouveau ?
Un simple doute n’est pas une contre preuve décisive.

Je regrette si l’utilisation du présent donne à mon texte un caractère péremptoire qui n’est ni dans mon propos ni dans mon tempérament. Evidemment que je doute aussi.
Si je déballe dans un forum toutes ses spéculations, c’est bien pour les exposer à la critique.

A laisser s’aligner les hypothèses sans les démonter radicalement point à point, tu peux avoir en effet l’impression que les perles s’enfilent toute seules.
Pour ma part, il est vrai que je suis imaginatif et je pourrai me faire des sous : Le genre historique est à la mode et se vend bien (Vinci code).
Mais je préfèrerai avancer pas à pas sur le sujet sans avoir dès la première hypothèse un zéro pointé sur le simple principe du doute.
(Sauf pour l’orthographe.)

Deuxième doute également sur l’étymologie que je propose de Pent Genewis.
Mais Gwynedd n’est pas plus convaincant que Gwened qui à le mérite de tenir comte de l’origine continentale des personnages.
Ah, si nous avions toujours la chance de trouver des formes intermédiaires attestées!

Et bien, la chance existe : D’autres que moi ont pensé (et je ne suis donc pas un original), que Pent Genewis est la forme attestée vers 1194 d’un nom qui est devenu Ban de Benoic en 1221.

Lann Ceuleut est il attesté ?
Non, je l’avoue.
Cartulaire de Lantevennec « De Villa Lancolvett trans flumen Coulut (le Queffleut) locum ubi postea monasteriolum fecerunt fratres » vers 1050 : Coulut devait se prononcer Kovlout.
Kevleut attesté en 1625.
Je suppose une forme écrite intermédiaire Ceuleut prononcée Kevleut.
De toute façon Lann Kevleut ne se confond pas avec Lan zelet à l’audition. Seule une forme écrite dont je n’ai aucune preuve aurait pu prêter à confusion.

Là donc, sérieux doute et doute très très partagé.
Lancelin de Lantevennec m’aurait bien fait l’affaire.
Au fait, à quelles dates exerçait t’il son activité ? Voilà une question que j’ai déjà posée et à laquelle je n’ai pas eu de réponse.

Hughes de Morville en relation avec des chevaliers bretons ? La similarité des deux meurtres d’évêques Thomas Becket en 1170 et Hamon en 1171 ? Pas assez banale quand même pour qu’on l’oublie dans les châteaux de Terre Sainte.
J’en profite pour rapporter une note tirée d’un « guide de la Bretagne mystérieuse » de 1966 (où sont t’ils allés chercher ça ?) :

« En breton moderne daou laz signifie deux meurtres. D’où la légende qui conte l’origine du village : Le seigneur du Faou, païen décidé à lutter contre le christianisme avait massacré deux prêtres. Plus tard converti par St Pol Aurélien, il aurait décidé de bâtir, en expiation de ses péchés un monastère qui reçu le nom de Mouster daou laz »

Je te renvoie pour la compréhension de ce saisissant raccourci populaire à la page 371 de l’article d’André Yves Bourgès dans le BSAF Tome CXXVI 1997.
Il y à dans cette légende tout le travail de condensation, de déformation, de réinterprétation, de déplacement de la mémoire collective autour d’évènements historiques.

Nobilis = Noble, d’accord.
Ai je dit que ce nom vient d’an Iblis ? Mais qu’Iblis peux provenir de Nobilis, ça oui !
Comment penser que Nobilis ou Hinvoret puisse apparaître tout cru dans Lanzelet !
Ou veut tu dire que le mot latin n’était utilisé que sur les chartes et que Nobl était le noms utilisé dans la vie de tout les jours?
Pourtant des mots latins font partie de l’onomastique bretonne sans traduction :
L’évêque du Léon Omnes 1040-1055 : le nom de famille Abomnès atteste qu’il était prononcé tel quel.

Au fait quelle est ta petite idée au sujet d’Iweret ?

MessagePosté: Mar 30 Mai, 2006 0:05
de Taliesin
bonsoir

je vais jeter un oeil prochainement sur le mémoire de maitrise de Pattrick Kernevez : Châteaux et fortifications du comté de Léon (XIème siècle - milieu de XIVème siècle.), il y a peut-être des éléments sur ce fameux Castel an Trebez.

le u et le v se confondent souvent dans les manuscrits. Exemple : Riuelen / Rivelen
par contre, la forme Kevleut est plus récente que Coulut. Mais ce qui nous intéresse, c'est Lancolvett. Il faudrait supposer une forme *Lancel(v)et(t). Mais Lanzelet / Lancelot est un nom d'homme et non un nom de lieu.

Lancelin fut le 21ème abbé de Landévennec, entre Guillaume, contemporain d'Alain Fergant (1084-1112), et Orscand. Cela le placerait à peu près dans le premier quart du 12ème siècle

de toute façon, il me semble que si Lanzelet et le Château de Trèbes avaient été liés à l'origine, ces deux noms auraient été transmis ensemble dans le récit traduit par Zatzikhoven. Cela annule aussi, à mon avis, l'hypothèse d'une rencontre entre Guiomarc'h et Hugues de Morville en Terre Sainte. Sinon, là aussi, les deux noms auraient été transmis. Jusqu'à preuve du contraire, je considère que le nom de Trèbes est un ajout tardif, indépendant de Lanzelet / Lancelot.

Pour Iweret, il est tard, j'en reparlerais plus tard. Juste quelques bribes en attendant : je mets le nom de côté pour l'instant, et je ne m'intéresse qu'au déroulement du combat entre Iweret, seigneur de Dodone et Lanzelet, comparé à celui entre Yvain et Esclados le Roux dans le Chevalier au Lion.

MessagePosté: Mar 30 Mai, 2006 2:43
de jakes
Nom de lieu ou de personne?
Le seigneur porte le nom de son fief: Le sieur de Lan ceuleut, ou le sieur de Lancel(v)et(t)?
C'est très bien vu, car rien ne dit que la forme originelle ai perduré.
J'ai vu que tu t'étais interrogé sur " ce " qui manque pour passer de Llen lleawc à Lancelot.

a wec'h all.

MessagePosté: Mer 31 Mai, 2006 9:05
de Taliesin
Mont a ra tudoù ? :D

voici quelques éléments décrits par Chrétien de Troyes lors du combat de Calogrenant, puis d'Yvain, contre Esclados le Roux :

- une fontaine qui bout
- un arbre - un pin - qui garde son feuillage par tous les temps
- de l'arbre pend un bassin en fer attaché à une chaîne qui va jusque à la fontaine
- à côté de la fontaine, un perron fait d'émeraude et de rubis
- lorsqu'on verse de l'eau sur le perron de la fontaine, un violent orage éclate
- Surgit alors Esclados le Roux et le combat s'engage
- Yvain, victorieux, épouse la veuve du chevalier, Laudine de Landuc, éponyme du Lothian

et dans le Lanzelet d’Ulrich :

- un tilleul qui reste vert toute l’année
- sous ce tilleul, un source dont l’eau jaillit du sol d’une gueule de lion et s’écoule dans un bassin fait de marbre précieux
- une cymbale d’airain est suspendue au tilleul
- lorsqu’on frappe dessus avec un marteau, Iweret apparaît au troisième coup
- le cheval d’Iweret est de couleur feu ; lui-même a un écu rouge sinople orné d’un lion d’or, aux couleurs de ses armes.
- Lanzelet, victorieux, épouse la fille d’Iweret, Iblis, éponyme de la ville sicilienne Hybla

Iweret est seigneur de Dodone, temple de l’ancienne Grèce (Epire), oracle de Zeus. La tradition mentionne aussi un bassin de cuivre associé à une statue représentant un homme tenant à la main un fouet dans lequel étaient sertis des osselets. Sous l’effet du vent, le fouet frappait le bassin, ce qui produisait des sons très prolongés.

Iweret est donc associé à Zeus, tout comme Esclados le Roux est associé au tonnerre : il s’agit probablement du même personnage, et aussi de deux versions de la même histoire. On sait par ailleurs qu’Yvain, ou plutôt le Owein historique, roi de Rheged, a pris la place du dieu celtique Maponos (voir Sterckx, éléments de cosmogonie celtique).