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Les batailles d'Arthur

MessagePosté: Lun 18 Sep, 2006 14:08
de Marc'heg an Avel
Salut à tous, preux, valeureux, et malheureux !

Certaines des batailles citées par Nennius ont donné lieu à des identifications.

En finissant de mettre en ligne les sites bretons, romains, et britto-romains de la G. Bretagne, je trouve chez Rivet & Smith un rappel d'un auteur britannique : O.G.S Crawford, qui identifie : in castello Guinnion avec la camp de Vinovia / Vinovium, aujourd'hui Binchester, sur le route de Cataractonium / Catterick, vers le nord, en direction du Mur d'Hadrien.

Je developpe cet envoi dans un article consacré à Binchester, dans le comté de Durham. Lien à suivre sous peu.

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Pour info, et proposition de discussion.

JCE :)

MessagePosté: Lun 18 Sep, 2006 14:26
de Taliesin
et voici les identifications proposées par Ferdinand Lot en 1934 dans son édition de l'Historia Britonum :

1 : embouchure du fleuve Glein ou Gleni = Glendale, aujourd’hui Beaumont Water, tributaire du Till.
2, 3, 4, 5 : sur le fleuve Dubglas in regione Linnuis : il s’agit de l’Upper ou du Lower Douglas, qui se jettent dans le Loch Lomond, tout près de Dumbarton, chef –lieu des Bretons de Strathclyde, et la regio Linnuis est le Lennox.
6 : sur le fleuve Bassas : ce nom rappelle celui du lac de Bassenthwaite en Westmoreland.
7 : cat coit Celidon : dans la forêt de Calédonie, qui couvrait la région allant du lac Lomond jusqu’à Dunkeld en Perthshire.
8 : in castello Guinnion : le Vinnivium antique, qui est aujourd’hui Binchester dans le comté de Durham.
9 : Urbs legionis,. Il s’agit de Chester (Caer Leon, Urbs Legionis).
10 : in litore fluminis quod vocatur Tribuit. Ce nom se présente aussi sous la forme ribroit, tractheuroit : il s’agit du Traeth gwerid, c'est-à-dire du Firth of Forth.
11 : in Monte Agned, ou qui nominatur Breguion, ou cat Bregomion, ou cat Bregion selon les manuscrits. Le Mons Agned est demeuré inconnu. Breguion est le château de Brougham en Westmoreland (à moins de 2 miles au Sud-Est de Penrith) qui représente le Brocauo ou Brouonacis de l’itinéraire d’Antonin.
12 : Mons Badonicus = Mont Badon.

MessagePosté: Lun 18 Sep, 2006 22:30
de Agraes
Je pense qu'on peut rajouter Camlann, même si non citée dans l'HB.

Je suis en train de lire Arthur's Britain de Leslie Alcock, et j'ai The Age of Arthur de John Morris qui attend derrière. Je prévois d'ailleurs bientôt d'inclure les batailles d'Arthur, ou du moins des reconstitutions de ce qu'elles auraient pu être, dans mon mod, et ça m'amère à rechercher sur le sujet. Les identifications sont très nombreuses, et bien sur il ne faut pas oublier ceux qui ne voient dans cette liste rien du tout d'historique (comme David Dumville) ce qui n'est pas mon cas :wink:

Pour Alcock, cette partie de l'HB qualifiée "d'Arthuriana" viendrait d'une liste de batailles comme on en trouve dans la tradition orale britonnique, comme les poèmes attribués à Taliesin consacrés à Cynan Garwyn ou à Urien.

Aucune identification n'est sure, si l'on excepte celle de Celidon qui reste relativement vague.

Des noms comme Glein ou Dubglas ont pu être très répandus et supplantés par des toponymes anglo-saxons.

Geoffroy de Monmouth a identifié Agned à Din Eydin, Edinburgh. Dans un poème gallois, "Pa Gwr y Portaur?", Arthur est dit avoir combattu les "têtes de chien" à Din Eydin - des pierres pictes comportent d'ailleurs des guerriers affublés de tête de chiens.

Beaucoup de batailles trouvent une localisation plausible dans le nord de l'île. Sauf Badon.

Les principaux candidats pour Badon sont Little Solsbury Hill, près de Bath, Badbury Rings et Liddington Castle, tous sont situés dans le sud-ouest de la Grande-Bretagne.

Les ennemis d'Arthur semblent avoir été avant tout les Anglo-Saxons, du moins pour Nennius. Or, fin du Ve et début du VIe siècle, les communautés germaniques les plus importantes se trouvent au sud de l'Humber.

Si l'on suit cette logique, Arthur aurait combattu de nombreuses batailles contre les Angles de Lindsey.

Et Badon ? Voilà mon hypothèse, toujours. Fin du Ve siècle, le plus puissant des royaumes anglo-saxons est le Kent des Jutes. Son roi est alors Aesc, ou Octha, que la légende dit être le fils d'Hengest.
En 491, si l'on se fie à la chronique Anglo-Saxonne, Aelle prend la forteresse d'Anderita (Pevensey) et fonde le Suth Seaxe, Sussex.

Ce serait donc, aux alentours de 500 (le Wessex n'est pas encore apparu), une campagne majeure des Jutes d'Aesc et des Saxons d'Aelle, visant à s'emparer du triangle Bath-Gloucester-Corinium, à fin de séparer la Dumnonie des autres royaumes bretons, comme se sera le cas après la défaite de Dyrham en 577.

Arthur aurait écrasé cette force germanique, en tant que chef de la coalition brittonique. Du Kent et du Sussex, on n'entend plus parler avant longtemps dans la chronique anglo-saxonne. Une autre référence historique parle de Saxons retournant sur le continent, et apparament des villages saxons auraient été abandonnés vers cette époque.

S'ensuit une période de paix d'une cinquantaine d'années. Gildas, qui écrit 44 ans après Badon, cite cette bataille comme "l'une des dernières victoires contre les envahisseurs mais non la moindre".

Les historiens sont partagés sur l'identité possible d'Arthur. Originaire du Nord ou du Sud Ouest ? Empereur ou chef de guerre ? S'ensuit de nombreuses identifications différentes des sites de ces batailles.

MessagePosté: Mar 19 Sep, 2006 8:56
de Marc'heg an Avel
Salut,

Pour CAMLANN, hormis le fait que certains auteurs la situent au Pays de Galles, je reste fermement sur CAMBOGLANNA, forteresse du Mur d'Hadrien, en son milieu.

Et en poussant l'observation dans le détail, on se rend compte que cette forteresse se trouve tout près de la source d'un affluent droit de la rivière Eden, sujet qui devrait plaire à Taliesin, puisque l'Eden semble correspondre au royaume de Rheged.

Camboglanna se trouve donc à la crête qui fait actuellement la limite entre les bassins de l'Eden, à l'ouest, et de la Tyne, à l'est, et entre les comtés de Cumberland / Cumbria, à l'ouest, et Northumberland à l'est.

http://marikavel.org/lieux/rivieres/eden/eden-accueil.htm

Rien que cela met en évidence la position stratégique de Camlann, et l'intérêt d'Arthur de s'y battre pour la maintenir.

SVP : restons en aux batailles d'Arthur listées en G.Bretagne. Carohaise est un autre sujet, à moins que quelqu'un puisse la placer aussi en G.B.

JCE :)

MessagePosté: Mar 19 Sep, 2006 12:35
de Taliesin
Bonjour,


"la huitième bataille se situe au fort de Guinnion, où Arthur porta l'effigie de Sainte Marie toujours Vierge sur ses épaules ; ce jour là les païens tournèrent le dos pour fuir et, par la vertu de Notre Seigneur Jésus Christ et la grâce de la Sainte Vierge Marie, sa mère, ils subirent un grand massacre."
"la douzième au Mont Badon où 960 soldats tombèrent en un seul jour sous la seule charge d'Arthur ; lui seul, à l'exclusion de tout autre, les terrassa et dans toutes ces batailles il se dressa vainqueur." (Nennius)

"516 : bataille de Badon où Arthur a porté sur ses épaules la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ pendant trois jours et trois nuits et où les Bretons furent vainqueurs." (Annales de Cambrie)

première remarque : il semble que le mot "épaule" est en fait pour "bouclier", les deux mots étant très proches en breton.

seconde remarque : l'effigie sur le bouclier est mentionné à Guinnion chez Nennius, et non à Badon, comme le font les Annales de Cambrie (mais là, il s'agit de la Croix)

Les Annales de Cambrie n'auraient-elles pas confondu deux batailles, Guinnion et Badon ?

Enfin, la bataille de Badon est datée de février 483 par D. O Croinin. La phrase de Gildas qui suit son allusion à la bataille de Badon peut se traduire : "Ceci se passait, à ma connaissance, il y a 43 ans et un mois passés" ou : "la 44ème année, un mois s'étant déjà écoulé."
Croinin pense que Gildas se réfère à une chronologie universelle, probablement le cycle Pascal de 84 ans en usage à l'époque dans les pays celtiques. Ce cycle commence en 438.

MessagePosté: Mar 19 Sep, 2006 19:38
de Agraes
Concernant la datation de Badon.

516 (ou 518) semble être la date déduite des Annales.
Or donc, on a cet acompte de Gildas qui la place 44 ans avant la date d'écriture de son De Excidio. Ce qui serait incompatible avec la date de mort de Maelgwn Gwynedd - toujours vivant lorsque Gildas écrit - en 548 selon ces mêmes annales. Gildas écrirait donc dans la première moitié du VIe siècle, à l'époque où Maelgwn dominait les autres rois bretons.

Un contre-argument vient de la tradition associant Taliesin et Maelgwn, Taliesin étant le barde d'Urien, mort vers 590 donc personnage de la seconde moitié du VIe siècle.

La date de 540 a souvent été avancée pour la date de rédaction du De Excidio, ce qui donnerait 496 pour la date de Badon. Le problème demeurant que l'on se mord un peu la queue, utilisant une date hypothétique pour en déterminer une autre. A mon avis, on peut toujours avancer que Badon vers la fin du Ve siècle, et si l'on se fie à l'acompte de la chronique anglo-saxonne concernant l'établissement d'Aelle dans le Sussex, après 491.

MessagePosté: Mar 19 Sep, 2006 20:58
de Taliesin
précision : pour Croinin, la période de 44 ans mentionnée par Gildas ne fait pas référence au temps passé entre la bataille de Badon et l'écriture de l'Excidio, mais entre le début du cycle Pascal (438) et la date de la bataille de Badon.

MessagePosté: Mar 19 Sep, 2006 21:09
de Agraes
J'avais compris, même si mon message fait comme si que non :wink:

MessagePosté: Sam 23 Sep, 2006 17:25
de DT
Ave,
Je suis novice en la matière, mais voici quelques documents.


Gildas (c.504-570); De excidio Brit.
26. After this, sometimes our countrymen, sometimes the enemy, won the field, to the end that our Lord might this land try after his accustomed manner these his Israelites, whether they loved him or not, until the year of the siege of Bath-hill, when took place also the last almost, though not the least slaughter of our cruel foes, which was (as I am sure) forty-four years and one month after the landing of the Saxons, and also the time of my own nativity. And yet neither to this day are the cities of our country inhabited as before, but being forsaken and overthrown, still lie desolate; our foreign wars having ceased, but our civil troubles still remaining. For as well the remembrance of such a terrible desolation of the island, as also of the unexpected recovery of the same, remained in the minds of those who were eyewitnesses of the wonderful events of both, and in regard thereof, kings, public magistrates, and private persons, with priests and clergymen, did all and every one of them live orderly according to their several vocations.

Nennius, prétendu abbé de Bangor du IXe siècle, autrement inconnu. Mais deux prologues d'un manuscrit du XIIe de l'Historia Britonum (éd. princeps par Gale en 1694; éd. de L. de la Borderie, Paris, 1883) en font l'auteur de cette histoire.
Cet ouvrage est une collection de traditions galloises; elles datent d'une époque où les Bretons, refoulés par les Saxons, se consolaient de leur indépendance et de leur gloire perdues en imaginant des fictions en leur honneur. La première rédaction de cette histoire paraît être de 822; elle fut interpolée et amplifiée jusque vers 1024.

Au XIXe siècle, le celtiste H. Zimmer s'est efforcé de démontrer que la rédaction de l'Historia Britonum était réellement due à Nennius, qui l'aurait écrite dès 796 ; mais il n'a convaincu que peu de ses lecteurs. On attribue également à Nennius la plus ancienne version de ce qui deviendra par la suite légende de Merlin, quand elle passera sous la plume de Geoffroi de Monmouth et de Robert de Boron.

Nennius, Historia Britonum.
56. In illo tempore Saxones invalescebant in multitudine et crescebant in Brittannia. Mortuo autem Hengisto Octha filius eius transivit de sinistrali parte Britanniae ad regnum Cantorum et de ipso orti sunt reges Cantorum. Tunc Arthur pugnabat contra illos in illis diebus cum regibus Brittonum, sed ipse erat dux bellorum. Primum bellum fuit in ostium fluminis quod dicitur Glein. Secundum et tertium et quartum et quintum super aliud flumen, quod dicitur Dubglas et est in regione Linnuis. Sextum bellum super flumen, quod vocatur Bassas. Septimum fuit bellum in silva Celidonis, id est Cat Coit Celidon. Octavum fuit bellum in castello Guinnion, in quo Arthur portavit imaginem sanctae Mariae perpetuae virginis super humeros suos et pagani versi sunt in fugam in illo die et caedes magna fuit super illos per virtutem domini nostri Iesu Christi et per virtutem sanctae Mariae genetricis eius. Nonum bellum gestum est in urbe Legionis. Decimum gessit bellum in litore fluminis, quod vocature Tribruit. Undecimum factum est bellum in monte, qui dicitur Agned. Duodecimum fuit bellum in monte Badonis, in quo corruerunt in uno die nongenti sexaginta viri de uno impetu Arthur; et nemo prostravit eos nisi ipse solus, et in omnibus bellis victor extitit. Et ipsi, dum in omnibus bellis prosternebantur, auxilium a Germania petebant et augebantur multipliciter sine intermissione et reges a Germania deducebant, ut regnarent super illos in Brittannia usque ad tempus quo Ida regnavit, qui fuit Eobba filius. Ipse fuit primus rex in Beornica.
A+

MessagePosté: Sam 23 Sep, 2006 17:44
de Taliesin
Bizarre, comment peut-on se dire novice en la matière et affirmer ensuite que l'Historia Britonum n'est qu'une collection de traditions galloises fictives imaginées par les Bretons pour se consoler de leur défaite ?

Même Ferdinand Lot était moins positiviste

MessagePosté: Sam 23 Sep, 2006 18:05
de Agraes
La tradiction du De Excidio est douteuse. Quelqun en aurait une fraîche sous la main? Gildas dit bien "Badonici Montis", Mont Badon, le rapport avec Bath est une interprétation du traducteur.

MessagePosté: Sam 23 Sep, 2006 18:25
de Taliesin
Christiane Kerboul-Vilhon traduit par "mont Badon"

MessagePosté: Sam 23 Sep, 2006 19:13
de DT
Ave,
Quand il s'agit du traitement des sources, je suis effectivement positiviste.
Je ne me fie jamais à celui qui a vu l'homme qui a vu l'ours, qui à vu l'ours, etc...
Fictif est peut-être un peu fort, mais ce qui m'intéresse est justement de titiller.
Par exemple, s'est-on interrogé sur la mention de l'image de la vierge pour une tradition qui remonterait au Ve siècle?
in quo Arthur portavit imaginem sanctae Mariae perpetuae virginis super humeros suos

Ce problème ne commence à apparaître à Byzance qu'au VIe siècle, et tout d'abord par celle du Christ, tout d'abord représenté par un agneau ou par la croix. La vierge est du VII-VIIIe siècle.
L'oeuvre de Nennius pose problème par l'absence totale de recoupements possibles, par son aspect de compilation imprécis.
Passons au « mont Badon », s’il s’agit de Badonici montis, c’est un génitif en latin, un complément du nom ; cela donne au nominatif : Badonicum mons. N’est-il pas facile de faire abstraction de la terminaison en « icum », un neutre caractérisant (du genre: le mont de…, le mont des…) ?
A+

MessagePosté: Dim 24 Sep, 2006 13:34
de Agraes
Leslie Alcock, Arthur's Britain.

Il n'y a que peu de doute à avoir à propos de la source de 'l'Arthuriana" [de l'HB]: c'est une liste poétique de bataille [l'expression anglaise "battle-listing poem" rend mieux]. En bref, le noyau de la section 56 de l'HB est un sommaire latin d'un poème gallois sur Arthur. Un tel poème a pu être récité n'importe où en pays brittonique, du Strathclyde à la Dumnonie; c'est seulement après l'expansion anglo-saxonne qu'il aurait été confiné au Pays de Galles.


Concernant la transformation de bouclier en épaule, on a en brittonique les mots scuid pour épaule, et scuit pour bouclier, provenant lui même du latin scutum.
On pourrait ainsi donc interpréter la réference d'Arthur dans les annales : il aurait porté la croix sur son bouclier, chose somme toute courante à l'époque pour un "héritier" du pouvoir romain. Le Chi-Ro n'est il pas devenu l'emblème de l'empire romain à son crépuscule ?

Alcock avance également l'idée que ce poème aurait été à la gloire d'Arthur du temps de son vivant, plutôt qu'une élégie, du fait de l'absence de mention de Camlann et de sa mort, et de la fréquence très forte de la poèsie galloise primitive sur les élégies (celles d'Urien, de Cynddylan, d'Owein, et de bien d'autres...).

Je ne me fie jamais à celui qui a vu l'homme qui a vu l'ours, qui à vu l'ours, etc...


C'est bien le problème. Pas de témoignage direct de celui qui a vu Arthur - l'homme-ours :wink:

MessagePosté: Dim 24 Sep, 2006 16:13
de DT
Ave,
Merci Agraes, j'ai bien apprécié ta réponse, en particulier le clin d'oeil sur l'ours.
Mais il reste le fait que cela ne résoud pas une contradiction: selon Nennius, c'est bien un portrait de la vierge qu'arthur aurait porté. De plus, son vocabulaire latin est très clair, il parle d'imago (portrait, image) et non pas de signum (symbole). Et il n'y pas eu de reconnaissance de la vierge Marie ou de culte marial avant le VIIe siècle byzantin.
De plus, je suis étonné par le nombre de batailles: 12 exactement comme le nombre des Apôtres.
A+