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Déplacements de groupes, tribus, peuples....

MessagePosté: Mar 15 Nov, 2011 14:17
de morricq
Ce sujet m'intrigue terriblement.
Lorsque j'ai pris connaissance des déplacements des Helvètes, des expéditions des Cimbres et des Teutons, des migrations celtiques, j'ai essayé de comprendre et d'imaginer tous ces gens se déplaçant sur les routes et chemins de l'époque. Apparemment avec femmes et enfants, avec tous leurs biens dans des chariots. Tout en guerroyant.
Bref, j'ai du mal à imaginer !
Que font-ils donc ? Car là où ils passent habitent forcément d'autres tribus, d'autres peuples, amis ou inconnus. Que se passe-t-il donc alors ? On tue, on pille, on prend la place des autres ?
Ou bien les autres sont accueillants comme des frères, ce que j'ai du mal à imaginer !
La file devait s'étirer sur plusieurs kilomètres. Avec tous les aléas qui en découlent !
Et comment, de quoi se nourrit-on pendant la longue marche ?
On tue et l'on vole ? Ou on s'installe sur des terres incultes et on cultive ?
Bref, ce sont mes interrogations.
J'espère que vous saurez me répondre, ou du moins m'éclairer. Car il est bien évident que les mentalités de ces gens étaient à des années-lumière des nôtres !

Re: Déplacements de groupes, tribus, peuples....

MessagePosté: Mar 15 Nov, 2011 17:12
de Séléné.C
Tu oublies l'option = un petit groupe se trouve un bout de clairière à défricher. Pas très loin (ou bien plus loin) il y a un village déjà installé. Tôt ou tard, des jeunes gens aller chasser depuis l'un et l'autre village, se croiseront, ce qui amènera peut-être à se rencontrer pour le plaisir, ou bien pour discuter ensemble de la rivière qui emporte les pierres du gué. Et on en vient à ce que les jeunes gens du nouveau village cherchent épouse dans le vieux village, parce que, quand même, ça étend les possibilités (et pis ça renforce es liens, ce qui peut être utile, quand on est entourés de clans qui vous regardent comme "venus d'ailleurs").
Rien ne disant que vingt ou trente ans plus tard, un petit groupe de jeunes esprits aventureux ne se remettra pas en route, d'ailleurs...

Pas besoin de s'installer forcément là où étaient ceux qui sont venus avant, ni de leur prendre leurs terres...

Re: Déplacements de groupes, tribus, peuples....

MessagePosté: Mar 15 Nov, 2011 22:42
de morricq
Bonjour Séléné.C.
Non, je ne pensais pas à un si petit groupe. Ce n'est pas ma question.
Je m'intéresse aux migrations de peuples, pas à l'expansion naturelle et normale d'un groupe humain.
Merci pour ta réponse.

Re: Déplacements de groupes, tribus, peuples....

MessagePosté: Mer 16 Nov, 2011 1:49
de Séléné.C
Les grandes choses commencent parfois par des petites...

Une fois deux ou trois petits villages d'un nouveau peuple installés sur une route migratoire (en supposant que la géographie conduise à emprunter plus ou moins les mêmes chemins) les groupes suivants s'installent plus aisément, en s'appuyant sur la présence de cette "parenté"

Ca n'était qu'une suggestion alternative à celles que tu proposais

Re: Déplacements de groupes, tribus, peuples....

MessagePosté: Jeu 17 Nov, 2011 0:36
de Kambonemos
Bonjour,

En ce qui concerne les Helvètes, peu de place pour l'improvisation : tout a été planifié sur une période de trois ans. Le temps nécessaire _ selon César _ pour fabriquer des chariots, acheter des bêtes de trait ou de somme, faire des réserves de nourriture, trouver les appuis politiques utiles (Dumnorix pour les Héduens ; Casticos pour les Séquanes), recenser la population... L'effet marabounta tombe à plat, il ne leur manquait que des passeports biométriques. Sinon, je ne pense pas que la "mentalité" à ces époques soit réellement différente de la nôtre : les sentiments et les comportements ne changent pas si facilement quoiqu'on veuille bien en penser. Les Saxons du temps de Sigebert Ier, qui avaient décidé de migrer en Italie, comprenant mais un peu tard qu'ils ne s'entendraient pas avec les Lombards, repartent avec armes, bagages et familles : en chemin, lorsqu'ils ne rencontrent pas d'opposition, ils se livrent au pillage mais dès qu'une armée franque se porte au devant d'eux : ils payent en pièces d'or un droit de passage exorbitant [théorème de Courteline : l'homme n'est pas si cruel etc,]. Peu importe, en continuant leur route, ils échangent des lingots de cuivre dorés au moyen d' un procédé connus par eux, et grugent tous les gens crédules qui croient faire de bonnes affaires avec eux : on se débrouille comme on peut... :roll:

@+

Re: Déplacements de groupes, tribus, peuples....

MessagePosté: Jeu 17 Nov, 2011 1:45
de morricq
Bonjour Kambonemos.
Et merci pour ta réponse.
C'est très intéressant, ce que tu me dis là. Je me suis également fait cette réflexion : les êtres humains n'ont pas changé sur le fond, et les sentiments étaient sans doute les mêmes.
Tout de même, les croyances (religieuses) et les modes de vie étaient fort différents, ainsi que l'éducation reçue; du coup, et même si ce sont des hommes comme nous, il y a un "formatage" au départ, et leur façon de penser/voir les choses devait forcément différer !
Prenons l'exemple des Helvètes. Leur but est d'aller en Saintonge. Mais pourquoi là-bas ? Ont-ils des amis ? Pensent-ils qu'il y a de la place pour eux ? Connaissent-ils le terrain ? Ont-ils déjà envoyé des émissaires (ce qui ne m'étonnerait pas, vu qu'ils se sont si bien préparés) ?
Trois années de préparation, c'est absolument énorme ! Mais en combien de temps comptaient-ils arriver au but ? J'ai bien compris qu'il y avait des routes, que les Celtes savaient se déplacer, mais combien de kilomètres peut faire une telle troupe en une journée ? J'ai vraiment du mal à les imaginer. Dix kilomètres, 15, 20 ??? Actuellement, les randonneurs font environ une vingtaine de km quotidiennement. J'imagine que les Celtes étaient terriblement plus endurants physiquement que les randonneurs de notre société actuelle, mais si je tiens compte de tout leur équipage, et d'un terrain somme toute et sans doute plus difficile -mais je me trompe peut-être-, je ne les vois pas faire plus de dix kilomètres dans une journée. Et encore, quand la météo est bonne. Car s'il pleut, les chariots s'enfoncent dans la boue, etc, etc. De plus, ils rencontrent forcément des gens, qui ne vont pas obligatoirement accepter le passage. Négociations ? Bagarres ? Demi-tour ? Contournement ?
-
Je ne comprends pas "effet Marabounta" ?

Re: Déplacements de groupes, tribus, peuples....

MessagePosté: Jeu 17 Nov, 2011 13:30
de Kambonemos
Je ne comprends pas "effet Marabounta" ?
C'était un clin d'oeil en relation avec ces déplacements énormes de fourmis dans certaines contrées du monde qui dévastent tout sur leur route ; rien de commun on le voit, avec la migration des Helvètes ou d'autres populations humaines.

@+

Re: Déplacements de groupes, tribus, peuples....

MessagePosté: Jeu 17 Nov, 2011 21:30
de Kambonemos
J'imagine que les Celtes étaient terriblement plus endurants physiquement que les randonneurs de notre société actuelle, mais si je tiens compte de tout leur équipage, et d'un terrain somme toute et sans doute plus difficile -mais je me trompe peut-être-, je ne les vois pas faire plus de dix kilomètres dans une journée.
Certes nos aïeux sont tous des héros _ y compris nos chers géniteurs, aussi humbles paraissent-ils (pensée à ma chère maman, Lorraine inflexible) _ mais comme le dit César, les Helvètes ont tout bien préparé, le seul grain de sable qui vient tout gripper, c'est César lui-même et il n'a aucun mérîte puisqu'il se souvient :
que les Helvètes avaient tué le consul L. Cassius, battu et fait passer sous le joug son armée
Pas bien ! Sinon, si l'objectif est bien défini : rien d'impossible... Voir les Hébreux qui errent pendant quarante années dans le désert (l'intendance était assurée par Qui-vous-savez, fastoche !) : arrivés à destination, ils dépêchent des espions, mènent des reconnaissances discrètes pour se rendre compte à qui ils ont affaire réellement (des héros comme votre père et votre mère ou de pauvres humains qui n'auront jamais de descendance), dressent une carte de la région avec passages, routes, gués, garnisons, etc, et le cas échéant _ après un combat indécis _ composent avec les forces en présence en prenant bien soin de ne pas être taxés de pusillanimité (l'héroïsme ne dédaigne pas un brin de prudence !) Donc, tous les scénarios sont envisageables suivant la pugnacité et la motivation des migrants.... Sans oublier le rôle prépondérant des femmes lorsqu'elles s'y trouvent impliquées.

@+

MessagePosté: Ven 18 Nov, 2011 13:50
de ejds
Image

Image (auteur ?) : Gaulois en marche. Histoire de France, cours moyen, Ernest Lavisse, Librairie Armand Collin, 1926, 272 pages, p. 9.

Chaque migration de peuple, contrainte et forcée, raconte une histoire différente et parfois difficile à appréhender dans les tenants et les aboutissants. Elle se fait en famille, avec armes et bagages, provisions et bétails, au rythme des saisons et de la météo. Et jamais à une vitesse guère plus rapide que la lenteur et les capacités de l’attelage et la lourdeur de leurs chariots ; la tolérance ou l’hostilité des peuplades rencontrées en chemin.

Deux peuples : l’un les Helvètes fuyant un danger, la pression decertaines tribus environnantes germaines ; l’autre les Cimbres qui, environ un siècle avant notre ère, venaient des bords de pays plats de l’Océan septentrional. On racontait qu’ils avaient quitté la Chersonnèse cimbrique chassés par un terrible raz-de-marée. Mais pour ces deux peuples, malgré les préparatifs, tout ne se fit pas aussi aisément et ne finit pas avec une fin heureuse.

— « À peine avait-on annoncé à Rome la prise de Jugurtha, qu'arriva la nouvelle de l'immigration des Teutons et des Cimbres. D'abord on ne crut pas à ce qui se disait du nombre et de la force de l'armée envahissante ; mais ensuite on trouva ces bruits au-dessous de la réalité. Ils venaient au nombre de trois cent mille combattants armés, et traînaient avec eux, disait-on, une foule bien plus grande encore d'enfants et de femmes ; ils demandaient des terres pour nourrir cette immense multitude, des villes dans lesquelles ils pussent s'établir et vivre, […] » (Plutarque, Caius Marius, II).

L’infanterie cimmérienne pris la formation en phalange à la bataille de Verceil :

— « La cavalerie, forte de quinze mille hommes, s'avançait magnifiquement ornée ; ils portaient des casques qui ressemblaient à des gueules d'animaux redoutables et à des mufles d'une forme étrange, et relevés par des panaches de plumes, ornement qui ajoutait encore à leur taille ; ils étaient couverts de cuirasses de fer et de boucliers d'une blancheur éclatante. Ils tenaient à la main deux javelots pour lancer de loin ; dans la mêlée ils se servaient d'épées longues et pesantes. »

Les Teutons sont expressément chassés de leurs territoires par les Germains (César, I, 40 ; Pline, IV, 99 ; Ptolémée, II, 11, 9).

Re: Déplacements de groupes, tribus, peuples....

MessagePosté: Ven 18 Nov, 2011 23:31
de morricq
Merci pour toutes ces précisions.
Je me souviens avoir vu ce dessin.
J'imagine que, concernant cet épineux problème des migrations, les seules sources sont les sources écrites.
Au niveau archéologique, rien ne pourrait corroborer ou infirmer ces récits ?
A fortiori, si des tribus de bien moindre importance ont migré, elles n'ont pas été consignées, et sont donc irrémédiablement perdues, au niveau historique.
Du moins, peut-on le penser ?

Re: Déplacements de groupes, tribus, peuples....

MessagePosté: Sam 19 Nov, 2011 1:26
de Matrix
bonjour
juste une petite précision
je pense que la migration des Helvètes ne s'est pas faite sans "heurts" avec les autres peuples Gaulois
les Eduens/Ambarres et Allobroges se plaignent de leur ravage auprès de César

MessagePosté: Sam 19 Nov, 2011 12:05
de ejds
Oui, ce qui paraissait comme une migration toute pacifique en 58 avant notre ère, mais qui n’avait pas l’adhésion de toute la population, apparait comme ayant d’autres buts individuels, avec des accords, luttes d’influences et retournement de situation. Car il y avait de quoi s’inquiéter de voir les Helvètes dégarnir les frontières avec la Germanie, et accompagnés de tribus de l’autre côté du Rhin.

Un résumé :

Marcel Pernot dans son César, Guerre des Gaules, livre I à 5, Éditions A. Hatier, 1962, 80 pages, p. 13, a écrit:
Les Helvètes se préparent à émigrer en Gaule

L’Helvète Orgétorix décide ses compatriotes, qui se trouvaient à l’étroit dans leur territoire, à quitter leur pays avec la population tout entière.
Les Helvètes font leurs préparatifs de départ. Orgétorix en assure l’exécution. Il s’allie secrètement avec le Séquane Casticos et l’Héduen Dumnorix qui veulent, chacun de leur côté, s’emparer du pouvoir dans leur pays.

A eux trois, ils se flattent de se rendre maîtres de la Gaule entière.

Les projets d’Orgétorix sont découverts par les Helvètes. Orgétorix se soustrait à leur jugement ; mais il meurt peu après.

Les Helvètes mettent à feu leurs villes et villages. Ils partent, entrainant avec eux les Rauraques, les Tulinges, les Latobices et les Boïens).


Un récapitulatif sur Orgétorix l'Helvète.

Re: Déplacements de groupes, tribus, peuples....

MessagePosté: Sam 19 Nov, 2011 14:48
de Alexandre
J'aime bien cet article. Il montre bien à quel point l'aristocratie gauloise était à vendre.
Toute ressemblance avec des faits contemporains...

Re: Déplacements de groupes, tribus, peuples....

MessagePosté: Sam 19 Nov, 2011 15:25
de Kambonemos
Matrix précise :
je pense que la migration des Helvètes ne s'est pas faite sans "heurts" avec les autres peuples Gaulois
les Eduens/Ambarres et Allobroges se plaignent de leur ravage auprès de César
1- C'est César lui-même qui a détourné les Helvètes vers les territoires de ces peuples, dont les Eduens, "frères consanguins des Romains", en leur barrant le passage ; 2 - les Ambarres sont qualifiés de peuple ami des Eduens et de même souche : deux bonnes raisons pour démontrer que les Helvètes sont effectivement hostiles et que l'intervention de César est juste _ sans compter que l'on peut venger du même coup le consul L. Cassius _... Quant à savoir, si 263 000 Helvètes, 36 000 Tulinges, 14 000 Latobices, 23 000 Rauraques et 32 000 Boïens (d'après les tablettes de recensement examinées par les Romains) peuvent "se promener" sans marcher sur les pelouses, il faut voir.

@+

Re: Déplacements de groupes, tribus, peuples....

MessagePosté: Sam 19 Nov, 2011 15:35
de Séléné.C
Kambonemos a écrit:Quant à savoir, si 263 000 Helvètes, 36 000 Tulinges, 14 000 Latobices, 23 000 Rauraques et 32 000 Boïens (d'après les tablettes de recensement examinées par les Romains) peuvent "se promener" sans marcher sur les pelouses, il faut voir.
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