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Objectifs de ce forum

MessagePosté: Mer 23 Juil, 2008 13:49
de Pierre
Bonjour à toutes et tous,

Ce nouveau forum (créé le 22/07/2008) est dédié à l'historiographie. Comme j'avais le choix entre vous expliquer moi même ce qu'est l'historiographie, ou de demander à André-Yves Bourgès d'en faire de même. Je vous ferez donc grâce de ma propre version :lol:

"Le terme est partout, la bibliographie est conséquente, cependant l’historiographie demeure à bien des égards une « illustre inconnue » : sans doute parce qu’à l’instar de celle du mot « histoire », sa définition, en France du moins, est encore susceptible d’interprétations diverses, comme le rappelle l’auteur de l’article correspondant dans l’Encyclopedia universalis:

« L'historiographie est le nom, un peu lourd mais assez communément adopté, qui désigne en français une sorte d'histoire au second degré : l'histoire de la façon d'élaborer et d'écrire l'histoire, que l'on nomme ailleurs Geschichtswissenschaft, Geschichtsschreibung, Historical writing. Le mot et la chose peuvent souffrir des mêmes ambiguïtés que recouvrent le terme et la notion d'histoire, même si l'on admet, pour dissiper la plus grosse équivoque, qu'ils renvoient l'un et l'autre à l'étude ou à la connaissance du passé des sociétés humaines, et non au passé lui-même, objet de cette connaissance. Il est, en effet, plusieurs manières d'aborder l'histoire, et plusieurs niveaux où la situer …»

Autant sinon plus qu’à leur tour, les « sources historiques » (au sens large) concernant les « sociétés celtiques » (au sens large) ont fait l’objet de « traitements historiens » (au sens large) dont il convient, avec sérénité, rigueur et empathie, de vérifier comment, combien et en quoi ils sont tributaires de l’époque à laquelle on a procédé à ces traitements ; la réflexion, engagée depuis longtemps dans d’autres domaines de la recherche historique, sur "l'histoire de l'histoire" a été présentée, de façon prémonitoire, par Georges Duby dans son "testament" publié en 1991 (L’histoire continue), comme l'un des grands chantiers à venir de cette recherche. Dans un contexte nouveau de démultiplication des échanges et de l’accès à l’information, créé depuis grâce à Internet, il est important que l’Arbre Celtique s’intéresse à ces questions et participe activement au chantier concerné".

André Yves Bourgès


@+Pierre

MessagePosté: Mer 23 Juil, 2008 16:11
de André-Yves Bourgès
Bonjour Pierre,

merci à vous et à Guillaume d'avoir bien voulu donner suite à ma suggestion d'ouvrir un forum dédié à l'historiographie.

Ce forum permettra d'envisager sur le mode critique comment les sources dont nous disposons ont déjà fait l'objet d'approches historiennes qui "pèsent" largement sur notre propre approche. C'est notamment le cas bien sûr de la question arthurienne, dont l'état a été dressé récemment par M. Aurell dans son remarquable ouvrage sur La légende du roi Arthur.

De même, la question de la survivance du gaulois en Armorique aux différentes époques des immigrations bretonnes : malgré les travaux de F. Falc'hun et de L. Fleuriot, ce sujet apparaît toujours lourdement lesté par ce que le regretté H. Guillotel appelait "le poids historiographique de La Borderie" (à quoi il faudrait ajouter celui de J. Loth).

De nombreuses autres discussions sur les différents forums de l'Arbre Celtique méritent elles aussi de bénéficier d'un éclairage de ce type : l'historiographie est en effet une contribution essentielle à "l'étude de la civilisation celtique antique de manière historique et scientifique".

Bien cordialement,

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Mer 23 Juil, 2008 16:54
de Muskull
Bonjour à tous et merci pour ce nouveau forum !
Pour ma part, j'ai commencé à prendre conscience du poids idéologique contenu dans l'histoire "officielle" par Hegel et Freud. J'ai continué avec Braudel et bien d'autres sociologues et scientifiques en autodidacte quelque peu "rebelle" (flibustier dirait Sed :wink: ) dans le domaine de la psychologie et de la pensée en général.
Le "nous sommes ce que nous voyons" n'est pas une vérité première, mais nos référentiels culturels (au sens large) sont nos moyens d'analyse des faits et des dits, qu'ils soient passés ou présents, cela incline notre "politique" au sens premier de vivre dans la cité.

Qu'une nouvelle branche naissante de l'Arbre convienne à cet "élagage", j'en remercie Guillaume et Pierre mais aussi André-Yves de l'avoir proposé. :)

MessagePosté: Mer 23 Juil, 2008 21:36
de DT
Salut à tous,
Historiographie est façon d'écrire l'histoire.
Elle impose de connaître différentes méthodologies, qui peuvent être complémentaires : évolutionnisme, positivisme, psychologie, sociologie, structuralisme, histoire fragmentée, nationalisme, etc, etc.
L'histoire est un disours idéologique, à mon humble avis ; souvent le quantitatif devient explicite.
A+

MessagePosté: Mer 23 Juil, 2008 21:39
de DT
Salut à tous,
Cela pose aussi le problème de ce que l'on longtemps appelé les siences auxiliaires de l'histoire, comme l'archéologie et autres.
A+

MessagePosté: Mer 23 Juil, 2008 23:25
de André-Yves Bourgès
DT a écrit:Historiographie est façon d'écrire l'histoire.
Elle impose de connaître différentes méthodologies, qui peuvent être complémentaires : évolutionnisme, positivisme, psychologie, sociologie, structuralisme, histoire fragmentée, nationalisme, etc, etc.
L'histoire est un disours idéologique, à mon humble avis ; souvent le quantitatif devient explicite.


Bonsoir DT,

Je dirais plutôt, du moins en ce qui concerne l'orientation de ce forum, "histoire des différentes façons dont on (a) écrit l'histoire" : les problématiques évoquées, les méthodes employées, les techniques et les sciences auxiliaires mises en oeuvre, les sources utilisées et les emprunts interdisciplinaires sont tous sujets historiographiques (même s'il convient parfois de limiter son propos).

Un exemple qui concerne ce que je connais le moins mal : l'utilisation du matériau hagiographique (Vitae de saints) par les historiens de la Bretagne, depuis l'auteur anonyme du Chronicon Briocense (vers 1400) jusqu'à nos jours... Les sources utilisées sont les mêmes, les emprunts interdisciplinaires demeurent assez rares (hormis chez B. Merdrignac), le recours aux sciences auxiliaires n'a cessé en revanche de se développer, les méthodes se sont bien sûr affinées (critiques interne et externe des textes), mais les problématiques curieusement restent assez similaires : essayer (vainement!) de dresser un tableau des origines de la Bretagne (Ve-VIe siècles) à partir d'une littérature qui consiste avant tout en une galerie de portraits spirituels de "saints de papier".

Bien cordialement,

André-Yves Bourgès

MessagePosté: Mar 05 Aoû, 2008 18:34
de Thierry
J'avoue ne pas bien comprendre la raison de ce nouveau forum, l'historiographie me semblait avoir bien sa place en histoire, non ?

Je ne suis pas sûr que le forum gagne en clarté avec la multiplication de classements...

Et puis dans ce cas, pourquoi l'archéologie n'a pas son propre forum ? Cette matière, pour la protohistoire n'est pas un accessoire....

MessagePosté: Mer 06 Aoû, 2008 17:25
de Muskull
Cher Thierry :)
En ce qui concerne notre période de référence, l'archéologie n'est plus séparable de l'histoire, l'une éclaire l'autre.
Par contre l'historiographie concerne l'interprétation des faits historiques ou archéologiques, les référentiels d'analyse fluctuants entre les auteurs et donc apporte une dimension philosophique.
Untel voit ceci dans les faits, pourquoi alors qu'un autre y voit quelque chose de tout différent ?
Parce que ses informations (son référentiel) est différent. Un lieu particulier pour en débattre me semble important.
Nous avons ici cette "fameuse triangularité" que signalait Levy Strauss entre le domaine observé (les faits bruts), l'observateur avec son référentiel d'analyse et l'influence de l'observateur sur les faits car suivant les cas le fait peut être "surjoué" ou partiellement occulté.
Voilà un fragment de palabre. :wink:

MessagePosté: Jeu 07 Aoû, 2008 9:56
de Thierry
Oui, c'est très intéressant et d'ailleurs Christian GOUDINEAU, l'historien de la Gaule le plus connu fait essentiellement oeuvre d'historiographie. Ses ouvrages, Regards sur la Gaule, Par Toutatis et le dossier Vercingétorix ne sont qu'analyses historiques du traitement historique des sujets abordés mais je pense que c'est de l'histoire, intégralement de l'histoire, et que dans ce domaine, on le sait bien, le particularisme crée des barrières et peut contribuer parfois à faire perdre de vue le sujet principal....

Mais pas de souci pour l'arbre et ses habitants...

MessagePosté: Jeu 07 Aoû, 2008 17:02
de Muskull
Ne perdons donc pas de vue le sujet principal. :wink:

Or, à ce propos, W. Kruta écrit de façon assez claire que l'apogée de l'art celtique entre le 4° et la fin du second siècle B.C. vient surtout d'artisans qui suivaient les guerriers en leurs mercenariats.
Certes parce qu'ils payent bien les objets de prestige mais où ai-je lu que les "druides" contrôlaient les représentations symboliques des artisans ?
Que l'émission de monnaies soient contrôlée (aussi) par le sacerdoce, c'est plus sûr quoique la bipartition du pouvoir soit encore en étude et peu claire.

On en revient toujours à ce schéma féodal où les grandes familles ont des membres dans les deux "clans" pour maintenir leur pouvoir.

MessagePosté: Ven 08 Aoû, 2008 17:29
de Muskull
Quelques données à prendre en compte:

Le fait tribal

L’un des plus grands défis qui nous confrontent aujourd’hui est d’apprendre à penser la tribu car sa nature archaïque la rend réfractaire à une prise en compte conceptuelle, rationnelle et donc, forcément, individualisante.

Tentons une description générale du fait tribal :

La tribu est l’état naturel de l’être humain.

La tribu est un fait biologique et anthropologique : biologique car, au sein de la tribu, l’individu n’existe pas ; anthropologique, car une tribu d’hommes n’est pas une tribu de singes. La tribu humaine se nourrit des affects, de la mémoire et de l’imaginaire de ses membres.

En tant que fait bio-anthropologique, la tribu peut se définir et se décrire d’une manière universelle : toutes les tribus humaines fonctionnent de la même façon. Mais chaque tribu est différente de ses voisines car une tribu ne peut exister sans se différencier des autres.

La tribu est identifiable à certaines caractéristiques qu’elle seule possède et qui, en général, se rencontrent toutes ensemble, en raison des liens logiques étroits qui s’établissent naturellement entre elles :

- La tribu se définit en premier par la distinction radicale entre le dehors et le dedans.

- À l’intérieur d’une tribu, un ou plusieurs référents font office d’identité et d’appartenance : langue, culture, symboles, rites, mythes, règles, traditions, coutumes, habitudes, valeurs.

- Ces référents peuvent varier à l’infini autour de la planète, le fait tribal qui les sous-tend sera toujours et partout présent.

- Le moyen le plus précis pour identifier une tribu est de découvrir l’élément sacré autour duquel sa vie s’organise.

- Pour les membres d’une tribu, ce sacré constitue la limite à ne pas dépasser, sauf à se mettre en danger de mort ou d’exclusion (la seconde menace étant parfois de loin pire que la première).

- Le sacré tribal se manifeste sur le terrain au travers de trois formes d’exclusion : l’une, extérieure, est celle de l’étranger, les deux autres, internes, sont l’exclusion du criminel et celle du fou. Ces trois formes de régulation cristallisent le sacré tribal et lui permettent de rester bien présent dans les consciences individuelles et collectives.

- En tant qu’entité biologique, la tribu n’a qu’une seule finalité : survivre. Elle doit être protégée par ses membres ; ses valeurs sacrées doivent être défendues au prix de n’importe quel sacrifice, celui d’autrui (bouc émissaire) ou celui de la propre vie de chacun de ses membres ; le test ultime de l’appartenance tribale est donc toujours la mort.

- Dans la tribu, il n’y a ni individu, ni conscience de soi, ni Raison (en dehors de la rationalité scientifique, celle de l’anthropologue qui constate l’existence de la tribu), ni volonté, ni liberté. Tous ces concepts ont été inventés par les forces individualisantes de la rationalité grecque et monothéiste.

- La tribu se nourrit d’affects puissants et contagieux dont certains sont adressés à l’extérieur (peur et haine), d’autres destinés à usage intérieur et extérieur (fierté, honte, sens de l’honneur, gloire, etc.).

- La tribu se nourrit des conflits avec les autres tribus ; elle ne connaît ni générosité, ni doute, ni respect de l’autre ; ses principaux comportements sont dictés par l’intérêt, le rapport de force et l’habileté stratégique ; la tribu ne connaît pas l’intelligence, mais elle connaît très bien la ruse.

- La tribu est un phénomène contagieux car l’existence d’une seule tribu incitera les communautés voisines à adopter les mêmes comportements et les mêmes valeurs, ne serait-ce que pour pouvoir lui résister.

- À un plus ou moins grand degré, nous appartenons tous - même de nos jours - à des entités tribales. La preuve : tous les conflits sociaux, petits ou grands, régionaux, locaux, internationaux, économiques, politiques, qui secouent (aujourd’hui comme toujours) la planète.

- Le règne tribal met le futur de l’humanité en danger. Reste donc à savoir comment maîtriser le mal tribal qui ronge naturellement l’humanité et auquel elle ne semble pouvoir échapper qu’épisodiquement.

- Le fait tribal n’est pas une invention théorique ; la prise de conscience de son existence domine la pensée occidentale (philosophique, anthropologique, sociologique, économique, politique) ; seuls diffèrent les jugements de valeur le concernant.

http://www.homo-rationalis.com/texte.php?idte=11

MessagePosté: Sam 09 Aoû, 2008 16:53
de Muskull
En illustration quasi parfaite de mon dernier message, je viens de revoir:
La saga des Inuit. Rediffusion le Jeudi 14 août 2008 : FRANCE 5 00h30
En 1950, Jean Malaurie, alors âgé de 28 ans, s'installe pour un an en Arctique. En compagnie de deux couples inuit, il va désormais vivre «à l'esquimaude». Très vite, il découvre que les Etats-Unis ont installé une base militaire secrète sur le site de Thulé. Jean Malaurie décide d'alerter l'opinion en publiant le premier ouvrage de la collection Terre humaine, intitulé «Les Derniers Rois de Thulé». Pour lui, plus question d'abandonner ce peuple en danger, auquel il consacre ses travaux scientifiques ainsi qu'une série télévisée, qu'il tourne entre 1976 et 1977. C'est le matériau de ces films, enrichi de nouveaux commentaires, qui est ici utilisé pour témoigner des menaces qui pèsent sur le peuple inuit.


L'on y voit entre autres comment la survie de la tribu dépend de chaque membre de la communauté et que l'individualisme est un concept inconnu. Pourtant du meilleur chasseur, du meilleur pêcheur qui enseigne son art particulier va naître plus tard le concept du héros qui sera avant tout le meilleur protecteur de la tribu face aux autres tribus quand la pression démographique se fera plus forte. Les notions de frontières et de territoires apparaissent alors. Les frontières seront en général naturelles : rivières, escarpements difficiles d'accès, etc... Les gués étant des lieux particuliers d'affrontement (Guilaine, Zammit)
Cette défense du territoire qui est avant tout le produit de ses ressources alimentaires qui garantissent la survie de la communauté fera naître peu à peu des spécialistes qui à terme formeront une caste guerrière.

Petit panorama très simplifié à construire avec votre aide si vous le voulez bien. :wink:

MessagePosté: Ven 15 Aoû, 2008 8:43
de Kambonemos
Bonjour,

Muskull se pose la question :

(.../...)mais où ai-je lu que les "druides" contrôlaient les représentations symboliques des artisans ?


Peut-être sous la plume de Wenceslas Kruta lui-même ; en tous cas, voici ce qu'il répondait à une question sur l'art des Celtes dans le n° 81 de Notre Histoire (1991) :

(.../...) Les Celtes répugnent à la narration, au naturalisme, à la description. Leur art est allusif, il travestit, et le déchiffrer revient à s'efforcer de lire une langue inconnue. Nous nous trouvons, d'une certaine manière, face à un jeu de pistes qui nous permet seulement de repérer des récurrences, de classer des éléments, de faire le constat d'une indubitable cohérence. Et celle-ci ne pouvait venir que de la religion, puisqu'il n'y a jamais eu d'Etat celte _ qui aurait pu imposer des modèles _ mais seulement des confédérations tribales.


D'autre part, n'y-a-t'il pas contradiction entre ces deux affirmations ? :

- En tant qu’entité biologique, la tribu n’a qu’une seule finalité : survivre.
et :
- Le règne tribal met le futur de l’humanité en danger.


Cordialement.

@+

MessagePosté: Ven 15 Aoû, 2008 10:13
de Alexandre
Kambonemos a écrit:
- Le règne tribal met le futur de l’humanité en danger.


Attention à l'anachronisme : tu confonds le contexte antique et le contexte actuel.

MessagePosté: Ven 15 Aoû, 2008 11:45
de Muskull
Bonjour,
Si l'on compare la psychologie tribale archaïque à celle des différentes "mafias" actuelles on peut facilement comprendre pourquoi "le règne tribal met le futur de l’humanité en danger".
On peut assez facilement élargir le concept "mafia" à celui de différents groupes de pression comme les industries d'armement, pharmaceutiques, agrobiologiques, etc...