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Re: Les modes de gouvernement en Gaule ?

MessagePosté: Sam 12 Sep, 2009 9:31
de Thierry
Si les débats entre historiens et archéologues étaient véritablement médiatiques, je pense que nous vivrions dans un monde un peu plus intelligent, intelligible et peut être plus, qui sait plus heureux :lol: mais je suis assez d'accord avec ta remarque André Yves, le monde de la traduction est certainement encore moins "perçu" du public.

Je pense également que vos réflexions sont très intéressantes et que nous pourrions, devrions, poursuivre sur un nouveau fil, en historiographie ( ce nouveau forum prendrait alors tout son sens ); fil qui pourrait être consacré aux textes anciens, à leurs traduction et à leurs interprétations.

Je suis assez mal placé pour faire la leçon et je n'ai rien posté de ce que j'ai annoncé sur les "modes de gouvernement", faute de temps.

A très bientôt, j'espère.

Re: Les modes de gouvernement en Gaule ?

MessagePosté: Sam 12 Sep, 2009 10:59
de André-Yves Bourgès
Muskull a écrit:Chez César il y a ceci:

André-Yves Bourgès a écrit:DBG, lib. VII, cap. 33
"Il [César] contraignit Cotus à remettre son autorité et ordonna que Convictolitavis qui, suivant l'usage de la cité, avait été nommé par les prêtres avec l'intervention des magistrats, exerce le pouvoir" (Cotum imperium deponere coegit, Convictolitavem, qui per sacerdotes more civitatis intermissis magistratibus esset creatus, potestatem obtinere iussit).

Cette simple phrase soulève beaucoup de questions.
Le "chef" pour un an est nommé par les sacerdotes (pourquoi César n'écrit-il pas druides*) avec l'intervention des magistrats (pourquoi intervention ? Les magistrats sont-ils subalternes des prêtres ? ) et que signifie pour celui qui écrit le terme de 'magistrat' cette fonction** alors qu'il écrit aussi qu'un druide peut être le représentant élu de la Cité ?


Ton questionnement m'oblige à revoir ma traduction de intermissis magistratibus, qu'à la suite d'une stupide distraction j'ai compris comme s'il y avait dans le texte intromissis magistratibus, alors qu'il s'agit exactement du contraire : en fait je crois qu'il faut comprendre que c'est du fait de cette vacance des "magistrats" que les "prêtres" ont, selon l'usage de leur cité, procédé à la nomination de Convictovitalis.

Je dois reconnaître que le recours à la traduction de Constans m'aurait évité ce contre-sens.

A ma décharge, je signale que la traduction grecque du DBG, attribuée au moine byzantin Planudes à la fin du XIVe siècle, contient le même contresens ; à moins que le manuscrit dont l'auteur disposait n'ait porté justement la transcription intromissis magistratibus !

Thierry a écrit:Je pense également que vos réflexions sont très intéressantes et que nous pourrions, devrions, poursuivre sur un nouveau fil, en historiographie ( ce nouveau forum prendrait alors tout son sens ); fil qui pourrait être consacré aux textes anciens, à leurs traduction et à leurs interprétations.


Entièrement d'accord : si Pierre voulait bien transférer sur le forum historiographie au sein d'un fil de discussion ad hoc les messages du présent fil qui concernent ces aspects de traduction et d'interprétation du texte du DBG. Merci.

AYB

Re: Les modes de gouvernement en Gaule ?

MessagePosté: Sam 12 Sep, 2009 11:25
de Pierre
André-Yves Bourgès a écrit:Entièrement d'accord : si Pierre voulait bien transférer sur le forum historiographie au sein d'un fil de discussion ad hoc les messages du présent fil qui concernent ces aspects de traduction et d'interprétation du texte du DBG. Merci.

AYB


Bonjour,

Dans sa totalité, ou à partir d'un message précis. Par contre, c'est moins évident de séparer le grain de l'ivraie :?

J'ai déplacé le fil au grand complet...

@+Pierre

Re: Les modes de gouvernement en Gaule ?

MessagePosté: Sam 12 Sep, 2009 11:55
de André-Yves Bourgès
Pierre a écrit:
André-Yves Bourgès a écrit:Entièrement d'accord : si Pierre voulait bien transférer sur le forum historiographie au sein d'un fil de discussion ad hoc les messages du présent fil qui concernent ces aspects de traduction et d'interprétation du texte du DBG. Merci.

AYB


Bonjour,

Dans sa totalité, ou à partir d'un message précis. Par contre, c'est moins évident de séparer le grain de l'ivraie :?

J'ai déplacé le fil au grand complet...

@+Pierre


Bonjour Pierre,

mon idée était plutôt de déplacer les messages où il est question des problèmes spécifiques de traduction et d'interprétation des textes; mais je n'ai aucune idée de la manière de procéder.

Bien cordialement,

AYB

Re: Les modes de gouvernement en Gaule ?

MessagePosté: Sam 12 Sep, 2009 17:00
de Muskull
André-Yves Bourgès a écrit:
Muskull a écrit:Chez César il y a ceci:

André-Yves Bourgès a écrit:DBG, lib. VII, cap. 33
"Il [César] contraignit Cotus à remettre son autorité et ordonna que Convictolitavis qui, suivant l'usage de la cité, avait été nommé par les prêtres avec l'intervention des magistrats, exerce le pouvoir" (Cotum imperium deponere coegit, Convictolitavem, qui per sacerdotes more civitatis intermissis magistratibus esset creatus, potestatem obtinere iussit).

Cette simple phrase soulève beaucoup de questions.
Le "chef" pour un an est nommé par les sacerdotes (pourquoi César n'écrit-il pas druides*) avec l'intervention des magistrats (pourquoi intervention ? Les magistrats sont-ils subalternes des prêtres ? ) et que signifie pour celui qui écrit le terme de 'magistrat' cette fonction** alors qu'il écrit aussi qu'un druide peut être le représentant élu de la Cité ?


Ton questionnement m'oblige à revoir ma traduction de intermissis magistratibus, qu'à la suite d'une stupide distraction j'ai compris comme s'il y avait dans le texte intromissis magistratibus, alors qu'il s'agit exactement du contraire : en fait je crois qu'il faut comprendre que c'est du fait de cette vacance des "magistrats" que les "prêtres" ont, selon l'usage de leur cité, procédé à la nomination de Convictovitalis.

Bonjour,
L'on peut voir sur une simple phrase toute la difficulté de l'interprétation de l'écrit césarien.
Je vais tenter de l'illustrer:
Il écrit que druides et équites (chevaliers) peuvent être élus à la fonction suprême et donc aussi en tant que magistrats.
En cette occurrence il y a un état de guerre civile, un chef élu par les équites, un autre élu par les "prêtres" et on en appelle à César pour régler le problème. Il en appelle à une 'constitution celtique' qui dit que les "prêtres" élisent le chef pour un an en cas de vacance des magistrats.
- Ou cette phrase peut vouloir dire que les magistrats équites se sont "fait porter pâles" lors du vote et que seuls les magistrats druides ont voté et que donc le quorum était atteint. :shock:
- Ou que tous les magistrats fidèles à l'ancien chef et voulant nommer son fils ont "bouzillé" le vote du sénat et que donc ce sont les "prêtres" (c.a.d. un clergé institué) qui à pris la relève.
- Ou d'autres options, on n'est pas sortis de l'auberge... :D

Dans ce contexte les termes 'magistratibus' et celui de 'sacerdotes' sont centraux, il faudrait comprendre, du temps de César, ce que magistratibus signifiait à Rome. Seulement les sénateurs ou aussi les édiles (civils) pouvant recourir à la loi tels les juges, les avocats, les "maires", les grands propriétaires...
Et pourquoi, soudain, le terme de 'sacerdotes' comme s'il était disjoint des druides, comme s'il signifiait une forme de clergé similaire au clergé romain en laquelle les druides ont aussi part bien sûr, mais cette distinction unique dans le texte comme le signale André-Yves est curieuse et intrigante.

Seulement une petite phrase dans un texte long où l'on peut, suivant sa propre discipline scientifique trouver bien d'autres ambiguïtés et c'est tout à fait normal, il ne s'agit pas d'un écrit ethnologique dans le sens qu'il peut être au XX° siècle mais en quelque sorte d'un rapport militaire qui conjoint des éléments de la CIA de l'époque à une auto-congratulation nécessaire vis à vis de la politique romaine.

Re: Les modes de gouvernement en Gaule ?

MessagePosté: Sam 12 Sep, 2009 18:42
de André-Yves Bourgès
Muskull a écrit:L'on peut voir sur une simple phrase toute la difficulté de l'interprétation de l'écrit césarien.
Je vais tenter de l'illustrer:
Il écrit que druides et équites (chevaliers) peuvent être élus à la fonction suprême et donc aussi en tant que magistrats.
En cette occurrence il y a un état de guerre civile, un chef élu par les équites, un autre élu par les "prêtres" et on en appelle à César pour régler le problème. Il en appelle à une 'constitution celtique' qui dit que les "prêtres" élisent le chef pour un an en cas de vacance des magistrats.
- Ou cette phrase peut vouloir dire que les magistrats équites se sont "fait porter pâles" lors du vote et que seuls les magistrats druides ont voté et que donc le quorum était atteint. :shock:
- Ou que tous les magistrats fidèles à l'ancien chef et voulant nommer son fils ont "bouzillé" le vote du sénat et que donc ce sont les "prêtres" (c.a.d. un clergé institué) qui à pris la relève.
- Ou d'autres options, on n'est pas sortis de l'auberge... :D


D'autant qu'au témoignage de la paraphrase en grec attribuée à Planudes, on ne peut exclure formellement l'existence d'une leçon intromissis magistratibus ! :oops:

il faudrait comprendre, du temps de César, ce que magistratibus signifiait à Rome. Seulement les sénateurs ou aussi les édiles (civils) pouvant recourir à la loi tels les juges, les avocats, les "maires", les grands propriétaires...

N'oublions pas non plus que le même terme de magistratus désigne aussi bien le "magistrat" que la fonction qu'il exerce ("magistrature"). Si cette seconde acception était retenue pour s'appliquer au passage concerné du texte césarien, intermissis magistratibus pourrait vouloir dire que ces "magistratures étant vacantes", il était bien sûr nécessaire de procéder à la nomination de nouveaux titulaires.

Et pourquoi, soudain, le terme de 'sacerdotes' comme s'il était disjoint des druides, comme s'il signifiait une forme de clergé similaire au clergé romain en laquelle les druides ont aussi part bien sûr, mais cette distinction unique dans le texte comme le signale André-Yves est curieuse et intrigante.


Très intrigante, en effet.
Peut-être une piste néanmoins du côté de Hirtius qui emploie lui aussi une seule fois sacerdos (Lib. VIII, cap. 50) ; mais le terme se rapporte au questeur M. Antonius, qui ambitionnait d'être prêtre et dont César soutenait la candidature : "L'hiver fini, César, contre son habitude, partit en Italie à grandes étapes, afin de s'adresser aux villes municipales et aux colonies auxquelles il avait recommandé la candidature de M. Antonius pour être prêtre" (Ipse hibernis peractis, contra consuetudinem in Italiam quam maximis itineribus est profectus, ut municipia et colonias appellaret, quibus M. Antoni quaestoris sui, commendaverat sacerdoti petitionem).

Or nous savons que M. Antonius est devenu "augure", c'est-à-dire "prêtre" chargé de l'interprétation des signes jupitériens. César, à l'instar de son continuateur, aurait-il voulu désigner de tels "augures" gaulois (les fameux vates) en les désignant sacerdotes ?

Qu'en pensent les spécialistes ?

André-Yves Bourgès

Re: Les modes de gouvernement en Gaule ?

MessagePosté: Sam 12 Sep, 2009 19:33
de Alexandre
Les augures et autres devins avaient un rôle politique et militaire de fait. Les avoir dans son camp pouvait s'avérer utile. L'histoire grecque rapporte plusieurs exemples de politiciens achetant la Pythie pour influencer le jugement de leurs contemporains. Que Cesar ait voulu s'acheter ce genre de dignitaires n'aurait rien d'étonnant, bien au contraire.

Re: Les modes de gouvernement en Gaule ?

MessagePosté: Dim 13 Sep, 2009 9:55
de Thierry
C'est la confusion la plus totale là.... :?

Je pensais poursuivre sur un nouveau fil, non pas abandonner totalement le fil sur les institutions....

A mon humble avis, il faut dissocier les conversations, bon c'est pas grave j'ouvre un nouveau fil en histoire et ici on poursuit sur les modes d'appréhension des textes anciens, non ?

Un peu de méthode tudieu 8)

Re: Les modes de gouvernement en Gaule ?

MessagePosté: Dim 13 Sep, 2009 17:52
de Muskull
C'est vrai que c'est un peu confus mais pas tant finalement. :wink:
Quelques uns tentaient de ramener la réflexion sur le rail 'institutionnel' mais il faut avouer que sans César malgré ses approximations et incertitudes, on en saurait bien peu des systèmes (constitutions ?) de quelques peuples gaulois au 1° siècle before.
Si l'archéologie peut démontrer une échelle de pouvoir et de richesse, cela reste flou sans les textes qui disent que pouvoir et richesse sont subséquentes et comment elles se modulent dans une forme de 'constitution' maitrisée par les clercs en mémoire (que chacun respecte) ou en écrits :shock:
Et oui, l'on a retrouvé tablettes et stylets d'avant la conquête, les clercs écrivaient en grec, ce que ces clercs étaient par rapport à la hiérarchie druidique est inconnu des textes et de l'archéologie.

Re: Les modes de gouvernement en Gaule ?

MessagePosté: Sam 10 Avr, 2010 19:09
de milgwen
Bonjour,
Je suis Milgwen, une nouvelle sur votre site, je m'interesse à la civilisation celtique. Pouvez-vous me dire s'il existait des princes (au sens royal du terme, comme fils de chefs). si le chef venait à mourir, le peuple choisissait- il le fils de ce dernier comme chef ou un homme sans rapport avec le chef précédent? Un peu comme les rois qui devenaient roi de père en fils.
Merci et celtiquement
Milgwen

Re: Les modes de gouvernement en Gaule ?

MessagePosté: Jeu 09 Oct, 2014 20:58
de Aliénor
Adiù,

Pour revenir à la question de base, pouvait-il s'agir d'une organisation matriarcale? En fait, qui peut prouver le sexe des druides, et aussi pourquoi" les hommes dormaient ensemble, parfois à trois car les femmes semblaient s'y désintéresser", phrase que j'ai lue à quelque part. (la religion des gaulois?).

Re: Les modes de gouvernement en Gaule ?

MessagePosté: Dim 12 Oct, 2014 18:38
de Muskull
Aliénor a écrit:Adiù,

Pour revenir à la question de base, pouvait-il s'agir d'une organisation matriarcale? En fait, qui peut prouver le sexe des druides, et aussi pourquoi" les hommes dormaient ensemble, parfois à trois car les femmes semblaient s'y désintéresser", phrase que j'ai lue à quelque part. (la religion des gaulois?).

Bonjour, et non, absolument pas de matriarcat dans les cultures celtiques mais, selon leur Droit connu, les filles héritaient du père s'il n'avait pas de fils.
Ce qui n'est pas le fait d'autres cultures patriarcales où le frère ou le neveu succédait.

Re: Les modes de gouvernement en Gaule ?

MessagePosté: Lun 13 Oct, 2014 1:20
de eponasse
Aliénor a écrit:Adiù,

Pour revenir à la question de base, pouvait-il s'agir d'une organisation matriarcale?


Bonjour, non, pas de matriarcat chez les Celtes,
mais des exemples montrent que les femmes pouvaient être influentes. Ci-dessous un copier-coller d’une synthèse des travaux de Pierre Grimal :

« Ce qui apparaît avec sûreté à la lecture des différents auteurs antiques, c'est que les Celtes ne connaissait pas la même structure sociale que les Grecs ou les Romains. Chez les Celtes, la femme est consultée sur les questions qui sont du plus haut intérêt et cela comprend les problèmes politiques. Polyen rapporte même comme elles devinrent les arbitres de conflits importants. Il signale aussi leur présence lors des assemblées.

Plusieurs textes nous montrent également que la femme gauloise pouvait se trouver à la tête d'une tribu. La Dame de Vix semble bien avoir été une reine.

On voit également chez Tacite l'influence que pouvait une femme comme Véléda.

Mais l'exemple de la reine Boudicca au Ier s. de notre ère, nous montre que certaines traditions celtiques ont pu se conserver au fil du temps. Nous voyons chez Tacite et Dion Cassius qu'une femme pouvait être reine, exercer directement le pouvoir suprême, et conduire une armée lors des combats.

Le trait que tous les auteurs anciens soulignent le plus volontiers est celui du courage des femmes. Loin de se tenir loin des combats, les femmes sont prêtes à se lancer dans la mêlée pour venir au secours des hommes ! Le combat des femmes contre les troupes de Marius est à la fois « héroïque et effrayant » selon le mot de P. Grimal. Il apparaît comme l'image qui deviendra traditionnelle de la femme gauloise « échevelée », véritable furie. On remarquera que c'est, bien évidemment, un trait de barbarie que soulignent alors les auteurs anciens... 


Il est intéressant de noter que Plutarque s'attache tout particulièrement à présenter la vertu des femmes gauloises.

Il nous en donne quatre exemples qui révèlent :
- l'indépendance de la femme dans le cercle familial : c'est l'un des traits les plus sûrs que tous les auteurs ont souligné.

- la préminence du groupe (femmes / hommes) sur la famille de type romain (dirigée par un paterfamilias).
- le courage des femmes gauloises. 

- leur violence aussi : on n'oublira pas que les Celtes ornaient leurs portes des têtes des ennemis qu'ils avaient tués au combat : le geste de Chiomare rappelle cette tradition ».

Pour mieux souligner la différence entre les femmes barbares et les femmes grecques, nous pouvons voir comment Élien rapproche les femmes de Marseille des citoyennes des cités grecques et des femmes de Rome.
Interdire le vin aux femmes est bien un signe de civilisation. Car Platon signale que les femmes celtes s'adonnaient à la boisson – comme les hommes... » :s64: