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Re: Cités armoricaines au Vième siècle.

MessagePosté: Dim 27 Déc, 2009 16:33
de André-Yves Bourgès
Thierry a écrit:Quant à Saint Patrice, idem, il y a déjà un oratoire au X° siècle qui est consacré au "Patron" des Irlandais.


Dans les actes du colloque de Cérisy-la-Salle consacré aux saints dans la Normandie médiévale, mon ami Jean-Michel Picard, spécialiste d'hagiographie irlandaise, rappelle à propos de l'église Saint-Patrice de Rouen que "la paroisse portait déjà ce nom en 1228 lors du vaste incendie qui ravagea la ville cette année-là" (p. 64). Il rappelle que "sur les trois communes de France qui portent le nom de Patrice, deux se trouvent en Normandie" (Ibidem). Enfin, il fait finement observer que si "le culte de Patrice, bien présent dans les textes liturgiques bretons, est peu marqué dans la topographie armoricaine" [lire : "bretonne armoricaine" :s79: :s79: ), "on comprend mieux la digression d'Uurdisten [auteur, vers 880, de la vita de saint Guénolé] sur l'influence de Patrice sur "les Eglises du monde entier auxquelles sa renommée et son mérite avaient pu être révélés", si l'on suppose que l'abbé de Landévennec fait aussi référence aux autres régions fréquentées par les Bretons" (p.65).

Il faut lire l'ensemble de cette riche étude intitulée "Les saints irlandais en Normandie" (p. 49-69), qui ouvre de multiples perspectives sur la (re)constitution du corpus hagiographique hiberno-franc dans les monastères normands au XIe siècle, en particulier à Jumièges et à Saint-Evroult, et sur le rôle joué par la famille de Courcy, à partir du XIIe siècle, dans la diffusion du culte de saint Patrice et le rayonnement de la littérature connexe (vita Patricii par J. de Furness et tractatus de purgatorio sancti Patricii).

Cordialement.

Re: Cités armoricaines au Vième siècle.

MessagePosté: Ven 22 Jan, 2010 22:31
de gérard
Quelques réflexions d'un béotien.
Le titre de ce fil aurait aussi pu être:
Les cités de la péninsule armoricaine au 4e siècle.

La question de la partition organisée de la très, trop grande, en termes de superficie, cité des Osismes à cette époque (sous Valentinien?) se pose. Pour des raisons d'efficacité de défense de son immense littoral.
Abandon de Carhaix (comme chez les Coriosolites de celui de Corseul au profit d'Aleth, appelée aussi Guidalet, "cité d'Alet"), après un long déclin (? 244- 368?).
Création d'un pôle sudiste à Quimper, d'un pôle nordiste au Yaudet?
Quel sens le terme de civitas avait-il pris en bas latin? Désignait-il le chef-lieu du territoire d'une ancienne tribu gauloise devenue une circonscription administrative romaine, plutôt que le territoire entier qui dépendait du chef-lieu?
Si oui, il ne pouvait y avoir plus d'une "keoded, = ciotat, = ciudad" dans une circonscription, de même qu'il n'existe qu'un chef-lieu préfectoral par département dans la France contemporaine.
Le toponyme même de "Yaudet, Coz-Yaudet, le Guiaudet" plaiderait donc en faveur d'un rôle prééminent et unique de ce site sur un territoire donné.
Ar Geoded, c'était "la cité", la "civitas". Même si ce n'était qu'un embryon de cité, et embryon avorté.
A une époque où le christianisme devenait la religion officielle des élites, difficile également de ne pas imaginer une installation précoce d'une organisation religieuse quasi "officielle" parallèlement au cadre administratif.
On peut donc supputer:
A chaque cité, son évêque, du moins par intermittence dans ces prémices, qui voient vraisemblablement "dès le 4e siècle des groupes de chrétiens dans tout milieu urbain" (1984, Chédeville & Guillotel, p. 156). Ces auteurs écrivent aussi, p. 144: "Tout incite à penser qu'avant Malo, il dut y avoir des évêques à Alet."
Enfin, P. Galliou (2005, p. 336) rappelle Fleuriot (1954): "Selon des légendes tenaces, Le Yaudet aurait été au 5e siècle, le siège d'un évêché."
Et Quimper?
gg

Re: Cités armoricaines au Vième siècle.

MessagePosté: Sam 23 Jan, 2010 0:54
de Régis Le Gall-Tanguy
Quelques observations générales sur l'intéressant sujet abordé par Gérard.

L'idée de la partition des civitates antiques des Osismes et des Coriosolites au Bas Empire est une théorie qui a été défendue par de nombreux chercheurs.
Je pense qu'elle a pour principale origine le constat de l"'étrange" situation de la géographie diocésaine de la pointe de la péninsule armoricaine par rapport aux autres régions de Gaule. Si les anciennes cités gallo-romaines ont généralement (le généralement est important) données naissance à un évêché, les territoires des osimes et des coriosolites furent eux finalement partagés entre 6 diocèses : Léon, Cornouaille Tréguier, Saint-Brieuc, Alet et Dol.

Il a donc semblé logique à beaucoup de penser qu'une réorganisation des circonscriptions romaines de l'ouest armoricain avait préfiguré une partie de ces subdivisions. L'idée a en tout cas été défendu pour le territoire osisme que l'on imaginé partagé entre deux nouveaux ressorts : le premier au nord (qui préfigurerait le Léon) constitué autour du Yaudet (ou de Brest) et le second au sud (qui préfigurerait la Cornouaille) organisé autour de Quimper.

Cette théorie a pour elle l'existence de possibles parallèles avec d'autres civitates de l'Empire où des subdivisions (ou en tout cas des transformations) sont attestées. La réorganisation de notre région se comprendrait de plus parfaitement dans le cadre de la mise en défense des côtes face à la menace des pirates germaniques et scots.
Il n'existe cependant aucune véritable preuve de sa réalité. De telles transformations ne purent en tout cas avoir lieu au IVe siècle. La célèbre Notitia Dignitatum cite la civitas Osismorum. Son unité n'avait donc pas encore été entamée au moment de la rédaction du document que l'on place habituellement sous le règne d'Honorius (395-423).

Re: Cités armoricaines au Vième siècle.

MessagePosté: Sam 23 Jan, 2010 1:40
de Régis Le Gall-Tanguy
Pour revenir sur les cas de Corseul et Carhaix je pense qu'il faut relativiser l'idée de leur déclin au Bas-Empire. On ne peut affirmer que ces agglomérations furent désertées. J'ai présenté plus haut quelques arguments pouvant attester d'une possible continuité d'occupation des lieux au haut Moyen Age.

Au sujet de Quimper, le mystère demeure. J. P. Bihan n'a découvert aucune trace évidente de continuité entre l'agglomération antique et médiévale. La ville de saint Corentin semble vraiment "redémarrer" vers les IXe-Xe siècles. Il me parait toutefois difficile de penser que le site fut totalement oublié entre le Bas-Empire et cette époque. La création de l'évêché de Cornouaille et donc le choix de son chef-lieu sont forcément antérieurs à la période carolingienne. La comparaison entre les indications de Grégoire de Tours et les plus anciens textes hagiographiques (la premièresvie de Samson notamment) atteste de l'existence d'une subdivision nord-sud de la pointe de la péninsule au très haut Moyen Age. La mise en place des évêchés semble avoir en partie respecté cette organisation et pourrait donc dater de la même époque (comme je l'ai déjà dit rien ne prouve que cette situation soit un héritage du Bas Empire. J'y vois plutôt une conséquence de l'émigration).

En ce qui concerne le Yaudet, je pense qu'il faut abandonner l'idée d'un ancien chef-lieu d'évêché. La vita IIIa de Tugdual, composée au début du XIIe siècle, est le premier document à y faire allusion (si du moins on considère les évocations qui y sont faites dans la IIa comme des interpolations). Son auteur indique au § 6 qu'un siège épiscopal fut installé à Tréguier après la destruction de Lexobie (ad locum qui Vallis Tregor dicitur veniens, magnum aedificavit monasterium […]. Ex quo tamen Lexoviensis destructa est civitas, sedes episcopatus usque in hodiernum diem ibidem consistit). Ces indications sont trop tardives et présentent bien trop de confusions pour être prises au sérieux.
L'oppidum du Yaudet fut incontestablement un site d'importance dans l'Antiquité tardive et au haut Moyen Age. Les fouilles qui y ont été menées le prouvent. De là à y voir un ancien chef-lieu d'évêché et même une capitale de cité il y a un pas difficile à franchir.

Re: Cités armoricaines au Vième siècle.

MessagePosté: Sam 23 Jan, 2010 9:54
de André-Yves Bourgès
Régis Le Gall-Tanguy a écrit:Pour revenir sur les cas de Corseul et Carhaix je pense qu'il faut relativiser l'idée de leur déclin au Bas-Empire. On ne peut affirmer que ces agglomérations furent désertées. J'ai présenté plus haut quelques arguments pouvant attester d'une possible continuité d'occupation des lieux au haut Moyen Age.


Je partage cette analyse. J'aurai l'occasion de présenter mes hypothèses lors de la prochaine journée du CIRDoMoC (juillet 2010) dans une communication intitulée "Corseul, Carhaix et l'activité métropolitaine de Perpetuus de Tours : archéologie, liturgie et canons conciliaires (Ve siècle)".

En ce qui concerne le Yaudet, je pense qu'il faut abandonner l'idée d'un ancien chef-lieu d'évêché. La vita IIIa de Tugdual, composée au début du XIIe siècle, est le premier document à y faire allusion (si du moins on considère les évocations qui y sont faites dans la IIa comme des interpolations). Son auteur indique au § 6 qu'un siège épiscopal fut installé à Tréguier après la destruction de Lexobie (ad locum qui Vallis Tregor dicitur veniens, magnum aedificavit monasterium […]. Ex quo tamen Lexoviensis destructa est civitas, sedes episcopatus usque in hodiernum diem ibidem consistit). Ces indications sont trop tardives et présentent bien trop de confusions pour être prises au sérieux.
L'oppidum du Yaudet fut incontestablement un site d'importance dans l'Antiquité tardive et au haut Moyen Age. Les fouilles qui y ont été menées le prouvent. De là à y voir un ancien chef-lieu d'évêché et même une capitale de cité il y a un pas difficile à franchir.


Excusez moi Régis mais, comme je l'ai écrit plus haut dans ce fil de discussion, la Lexoviensis urbs figure déjà dans la vita moyenne de Tugdual (celle qui est désignée ordinairement comme la seconde vita du saint). Ceci étant, dans la version de ce texte conservée par le vieux bréviaire de Saint-Brieuc, la Lexoviensis urbs est explicitement située en Neustrie (Lexoviensem urbem in pago Neustriae sitam revisit ac postea ad prefatam ecclesiam venire festinavit in qua Domino fideliter ministravi) et renvoie indiscutablement à Lisieux. Il n’est d'ailleurs nullement question d’un siège épiscopal déjà établi en Trégor, que Tugdual aurait rallié : il faut donc simplement comprendre que Tugdual, sur le chemin de son retour de Paris vers Tréguier, s’est détourné par Lisieux (revisit). Ainsi cette version rend-elle compte de plusieurs traditions distinctes que l’hagiographe a juxtaposées. Sans doute, une de ces traditions présentait-elle Tugdual comme un saint personnage honoré à Lisieux, où il aurait été inhumé : c’est pourquoi l’auteur de la vita moyenne a cru bon de répondre explicitement aux objections de ceux qui in civitate Lexoviensi eum obiisse dicebant. A. de la Borderie pensait qu’il s’agissait d’une nouvelle interpolation du texte original de cette vita ; alors que la précision donnée par l’hagiographe est au contraire la confirmation de ce que la civitas Lexoviensis à laquelle il fait allusion est évidemment différente de l’évêché de Tréguier et ne peut pas non plus être le supposé *Lexovium (le Yaudet) qui lui aussi appartient incontestablement au territoire diocésain.

Sans doute y avait-il eu au moins deux saints Tugdual ; mais raconter l’existence de chacun d’eux comme s’il s’agissait des épisodes de la vie d’un seul et même personnage permettait effectivement à l’hagiographe d’utiliser les anecdotes qui avaient cours à Lisieux. Ainsi lui était-il possible de donner plus de relief à la geste du saint que la tradition bretonne disait avoir fondé le "grand monastère" de Tréguier et dont les antécédents sont d’ailleurs plutôt à rechercher du côté de la Cornouaille. En tout cas, et il me faut ici infléchir quelque peu les conclusions auxquelles j'étais précédemment arrivé, il n’est nullement certain que l’auteur de la vita moyenne, même et surtout s’il s’agissait de l’évêque Martin comme le suggère H. Guillotel, ait cherché à capter au profit de Tréguier le lustre attaché à la carrière d’un prélat qui aurait occupé le siège épiscopal d’une ancienne civitas. D’une part, en effet, l’évêque Martin avait choisi, quant à lui, de s’intituler "évêque des Osismes" (episcopus Auximorum) : s’il convient de reconnaître en lui l’hagiographe, ce choix, qui le mettait en compétition avec les évêques de Léon, montre à l’évidence qu’il n’était pas question pour lui d’une "récupération" directe de l’épiscopat de Tugdual à Lisieux, auquel cas il eût fait évidemment référence dans sa propre titulature à la civitas Lexoviensis. D’autre part, il n’est nullement avéré que le saint Tugdual qui était peut-être honoré à l’époque à Lisieux eût occupé le siège épiscopal du lieu (je ne partage pas à c propos l'identification de Tugdual avec Theudobaldus, aliasTheudobaudis (*), etc., proposée par Patrice Lajoye), ni même qu’il eût jamais été évêque : d’ailleurs l’auteur de la vita moyenne fait montre sur toutes ces questions d’une discrétion remarquable.

(*) voir catalogue épiscopal de Lisieux

Bien cordialement
____________________________________________________________________________

Re: Cités armoricaines au Vième siècle.

MessagePosté: Sam 23 Jan, 2010 11:03
de gérard
Comme j'ai tendance à favoriser une approche de la question par la toponymie, ce qui m'intrigue, ce sont ces appellations de "cité" (qui ne peuvent être mise en doute puisqu'ayant traversé les siècles, au moins pour le Yaudet), aussi bien pour Aleth que pour le Guiaudet.

Un transfert d'une partie de l'autorité "osismienne" de Carhaix au Guiaudet?

La question est aussi de savoir ce que recouvrait les termes de "cité" et de "vieille cité" pour ceux qui ont dénommé les sites (et à quelle époque?).

(je vois que P. Galliou s'est posé en 2003 la même question que moi. Sa réponse, qui me laisse sceptique, est résumée ici:
http://cirdomoc.free.fr/Landeven.htm ,
"Patrick Galliou a présenté l'historique des fouilles archéologiques réalisées au Yaudet (en Ploulec'h), avec l'hypothèse de l'existence d'un monastère au haut moyen âge. Issu de civitatem, le nom du Yaudet pourrait en effet avoir désigné un monastère, comme dans certaines Vitae irlandaises où civitas a ce sens."
A t il finalement trouvé les traces d'un monastère sur le site? Ce qui aurait pu relancer la thèse de l'évêché...)


gg

Re: Cités armoricaines au Vième siècle.

MessagePosté: Sam 23 Jan, 2010 17:51
de Sigul
Bonjour,

La notion de Neustrie a varié entre la mort de Caribert et le traité de Verdun.

M.N Bouillet (1843), écrit : "Après le traité de Verdun (843), le nom de Neustrie changea de sens, et ne désigna plus que l'ouest de la Basse-Neustrie. Enfin la nouvelle Neustrie elle même perdit son nom pour prendre celui de North-mannie ou Normandie, lorsqu'elle eut été cédée au Normand Rollon (912).

La situation de Nantes et de Rennes est donc équivoque, avant que les Bretons s'en emparent en 850. N'étant pas en Bretagne avant cette date, peut-on considérer qu'elles faisaient partie de la Neustrie, laquelle, en toute logique, est assise sur les deux diocèses Lyonnaise IIè et Lyonnaise IIIè.

Fait-on encore référence à l'Armorique ?

Zig

Re: Cités armoricaines au Vième siècle.

MessagePosté: Sam 23 Jan, 2010 18:43
de André-Yves Bourgès
Bonjour Gérard,

gérard a écrit:Comme j'ai tendance à favoriser une approche de la question par la toponymie, ce qui m'intrigue, ce sont ces appellations de "cité" (qui ne peuvent être mise en doute puisqu'ayant traversé les siècles, au moins pour le Yaudet), aussi bien pour Aleth que pour le Guiaudet.

Un transfert d'une partie de l'autorité "osismienne" de Carhaix au Guiaudet?

La question est aussi de savoir ce que recouvrait les termes de "cité" et de "vieille cité" pour ceux qui ont dénommé les sites (et à quelle époque?).


Cette approche toponymique avait été envisagée il y a plus d'un siècle par F. Lot qui conclut au sujet d'Alet qualifiée civitas dès le IXe siècle dans deux versions de la vita de saint Malo, dont celle composée par Bili :
Or les auteurs du haut Moyen Âge ne s'y trompaient pas : ils n'employaient jamais à faux cette appellation, réservée aux villes sièges d'évêchés à type gallo-romain. Jamais les monastères-évêchés de Dol, Saint-Brieuc, etc., n'ont été qualifiés cités. Le même Bili se rendant à Léon sous l'épiscopat de Clotwoion nous dit fort bien que c'est un oppidum.


On peut cependant constater que F. Lot n'étend pas explicitement sa conclusion à Quimper (Locmaria) ni au Yaudet : peut-être parce que les premières attestations de ces supposées civitates sont plus tardives et se rapportent au Moyen Âge central voire au bas Moyen Âge et qu'elles peuvent résulter de simples traditions littéraires, respectivement le dossier hagiographique de saint Tugdual et les canons du synodus Aquilonalis Brittaniae (qui sans doute appartient à la Grande-Bretagne).

Je suis revenu à plusieurs reprises sur le dossier du Yaudet, notamment en examinant la possibilité que la vita de saint Efflam puisse renvoyer à une strate trégoroise du mythe arthurien. J'ai aussi émis jadis l'hypothèse que le titre de civitas qualifiée vetus ("vieille, ancienne"), qui s'attache au lieu, pouvait impliquer que nous avions affaire au siège primitif de l'évêché de Léon, dont la physionomie correspond d'ailleurs assez bien à la description qu'en donne Uurmonoc en 884 ; mais mon maître et ami B. Tanguy, avec lequel il m'arrive d'avoir des désaccords, ne partage pas cet avis.

Cordialement

Re: Cités armoricaines au Vième siècle.

MessagePosté: Sam 23 Jan, 2010 20:08
de gérard
Merci André-Yves.

Pour Sigul:
Le 7e siècle, c'est vraiment une des périodes historiques des plus obscures.

Le nom de Neustrie apparaîtrait vers 614.

En 511, il vaut mieux parler du royaume, séparé sans continuité en quatre régions, de Childebert (y compris en théorie toute la Bretagne actuelle sauf le sud-Loire et une frange nord-Loire autour de Nantes attribuée à Clotaire avec Tours et Vouillé, par contre la région autour d'Angers est attribuée à Théodebert). Childebert reçoit aussi les régions de Bordeaux, Marseille, Lyon, Genève. Un vrai puzzle.

Il n'y a plus d'Etat et plus d'administration.
Il n'y a pas de capitale, car le roi et ses domestiques (ce n'est pas une "cour") se déplacent de domaine foncier en domaine foncier.

Selon "Les origines de la Bretagne" de Léon Fleuriot:
Il y a eu, à compter de 613, une ou des guerres entre les Bretons de Domnonée et les Francs (Judicaël et Dagobert), suivies vers 630-635 d'un traité de paix à Clichy entre ces deux personnages.
Vers 691, défaite des Bretons et d'autres peuples "autrefois sujet des Francs".

Dans la Loire-Atlantique actuelle, les ateliers monétaires francs (Nantes, Besné, Campbon, Béré, Saint-Philbert-de-Grandlieu) cessent d'émettre à partir de 675, sauf Rezé et Port-Saint-Père (crise, changement de pouvoir politique?).
(source: conférence donnée à Nantes en 2009 par MM Leroy & Salaün, spécialistes en numismatique)

Tout cela est des plus maigres pour nos connaissances sur cette époque.
gg

Re: Cités armoricaines au Vième siècle.

MessagePosté: Dim 24 Jan, 2010 1:36
de Taliesin
Noz vat deoc'h

il y a aussi un changement de métal : ces années autour de 675 marquent le passage de l'or à l'argent, des tremissis au denier, avec une réduction des ateliers de frappe et des lieux d'émission, tous cela étant sans doute à mettre en relation avec la montée en puissance des maires du palais Pippinides. A noter que l'ouest de la Bretagne est alors très peu, monétarisé : pas d'ateliers de frappe plus à l'ouest que Vannes. Ils sont concentrés à l'embouchure de la Loire et dans l'actuel département d'Ille-et-Vilaine. Pour la période entre la chute de l'empire romain et la fin des Mérovingiens, les découvertes de monnaies (trésors et trouvailles de fouilles ou isolées) se répartissent soit à l'intérieur des comtés francs de Nantes et Rennes, soit sur le littoral breton, de Vannes à Saint-Brieuc. L'intérieur de la Basse-Bretagne est vide de monnaies.

Re: Cités armoricaines au Vième siècle.

MessagePosté: Dim 24 Jan, 2010 5:00
de André-Yves Bourgès
gérard a écrit:Le 7e siècle, c'est vraiment une des périodes historiques des plus obscures.

(...)..

Selon "Les origines de la Bretagne" de Léon Fleuriot:
Il y a eu, à compter de 613, une ou des guerres entre les Bretons de Domnonée et les Francs (Judicaël et Dagobert), suivies vers 630-635 d'un traité de paix à Clichy entre ces deux personnages.
Vers 691, défaite des Bretons et d'autres peuples "autrefois sujet des Francs".


Bonjour Gérard,

J'ai proposé quelques hypothèses sur les relations entre la Bretagne et les Mérovingiens : on retrouvera dans cette étude en ligne le texte du récit par Frédégaire de la rencontre à Clichy entre Judicaël et Dagobert.

Je serais pour ma part tenté de réviser la légende noire qui s'attache aux temps mérovingiens et aux souverains francs du VIIe siècle : il me semble que beaucoup des traditions qui circulent à ce sujet résultent de la véritable opération de "désinformation" menée par les Pippinides.

Cordialement du Vietnam

Re: Cités armoricaines au Vième siècle.

MessagePosté: Dim 24 Jan, 2010 6:51
de André-Yves Bourgès
Sigul a écrit:La situation de Nantes et de Rennes est donc équivoque, avant que les Bretons s'en emparent en 850. N'étant pas en Bretagne avant cette date, peut-on considérer qu'elles faisaient partie de la Neustrie, laquelle, en toute logique, est assise sur les deux diocèses Lyonnaise IIè et Lyonnaise IIIè.


Ceci est conforme aux conclusions de l'école géo-historiographique française, du XIXe (Longnon) au XXe siècle (Mirot), conclusions qui, me semble-t-il, sont toujours acceptées. Cependant, je ne me souviens pas d'avoir vu Nantes ou Rennes explicitement localisées in Neustria dans un acte de la pratique.

Re: Cités armoricaines au Vième siècle.

MessagePosté: Dim 24 Jan, 2010 11:26
de gérard
Bon dimanche à tous,

"L'intérieur de la Basse-Bretagne est vide de monnaies."

Avec la raréfaction de la monnaie après 675, on doit passer à une économie de troc quasiment généralisée.
Peut-être est-ce à ce moment que les "solidi" (monnaie censément à l'origine en or "massif", du "solide", n'est-ce pas?),
se transforment dans la langue bretonne en "sowt" = têtes de bétail bovin (saout en breton moderne = des vaches) qui servent désormais d'indicateur de richesse et de monnaie d'échange pour le troc. Dans les langues celtiques d'outre-Manche, je crois que le solt est toujours resté un terme monétaire.
gg

Re: Cités armoricaines au Vième siècle.

MessagePosté: Dim 24 Jan, 2010 12:46
de Sigul
André-Yves Bourgès a écrit:Cependant, je ne me souviens pas d'avoir vu Nantes ou Rennes explicitement localisées in Neustria dans un acte de la pratique.


Bonjour,

Il me semble pourtant qu'il n'y a guère de choix ! Compte tenu de la suzeraineté des Francs sur tout ce grand quart nord-ouest de la Gaule, si Rennes et Nantes ne sont pas en Bretagne, elles sont donc en Neustrie.

On peut ainsi en conclure que le territoire de la Neustrie contient plus de cités 'armoricaines' que la Bretagne.

On a là une vision différente de ce fil de ce qu'il donnait à son début. Lorsqu'on parle de cités armoricaines au VIè siècle, on doit éviter de tomber dans un débat britto-breton, comme cela se fait quasiment systématiquement dès qu'on parle d'Armorique, mais tenir compte d'un territoire plus vaste, englobant aussi la Normandie, le Maine, l'Anjou, et la Touraine.

Il est important, en effet, de différencier les données politiques des données religieuses, même si celles-ci sont souvent mélangées.

Les propos de Chrétien de Troyes sont là pour en attester, puisqu'il était en même temps métropolitain de Tours, et historiographe des Francs. Il avait donc à s'occuper à la foi des affaires de son diocèse, la Lyonnaise IIIè, dans laquelle se trouvent aussi des Bretons, à l'extrême ouest, et de l'histoire des Francs de Neustrie.

C'est pourquoi je maintiens que de parler des cités armoricaines en prenant comme seule référence la Bretagne est une erreur fondamentale, qui ne peut apporter que des réponses imprécises ou tronquées.

Bien cordialement aussi.

... et désolé de contredire la vision uniquement bretonne de l'Armorique.

Zig

Re: Cités armoricaines au Vième siècle.

MessagePosté: Dim 24 Jan, 2010 17:38
de André-Yves Bourgès
Sigul a écrit:
André-Yves Bourgès a écrit:Cependant, je ne me souviens pas d'avoir vu Nantes ou Rennes explicitement localisées in Neustria dans un acte de la pratique.


Bonjour,

Il me semble pourtant qu'il n'y a guère de choix ! Compte tenu de la suzeraineté des Francs sur tout ce grand quart nord-ouest de la Gaule, si Rennes et Nantes ne sont pas en Bretagne, elles sont donc en Neustrie.


Je fais un constat ; je n'en tire pas de conclusions ; je ne suis pas un militant, je suis un historien. Les actes de la pratique sont muets, mais je ne remets pas en cause l'appartenance à la Neustrie de Rennes, Nantes et aussi d'ailleurs de l'ouest de la péninsule, peuplée de Bretons (c'est sans doute comme cela du moins que les Francs voyaient les choses) !

On peut ainsi en conclure que le territoire de la Neustrie contient plus de cités 'armoricaines' que la Bretagne.

On a là une vision différente de ce fil de ce qu'il donnait à son début. Lorsqu'on parle de cités armoricaines au VIè siècle, on doit éviter de tomber dans un débat britto-breton, comme cela se fait quasiment systématiquement dès qu'on parle d'Armorique, mais tenir compte d'un territoire plus vaste, englobant aussi la Normandie, le Maine, l'Anjou, et la Touraine.


Bien sûr, mais tout cela a déjà été dit : relisez notamment les travaux de mon maître H. Guillotel.

Il est important, en effet, de différencier les données politiques des données religieuses, même si celles-ci sont souvent mélangées.


:?: :?:

Les propos de Chrétien de Troyes sont là pour en attester, puisqu'il était en même temps métropolitain de Tours, et historiographe des Francs. Il avait donc à s'occuper à la foi des affaires de son diocèse, la Lyonnaise IIIè, dans laquelle se trouvent aussi des Bretons, à l'extrême ouest, et de l'histoire des Francs de Neustrie.


Vous voulez sans doute dire "Grégoire de Tours" ; quant à la situation de la métropole de Tours au VIe siècle, elle était un peu plus compliquée que l'on croit généralement, notamment du fait des partages entre les héritiers de Clovis, comme l'a rappelé Gérard. en fait la complexité de cette situation est même très largement antérieure, compte tenu que durant le Ve siècle Tours était située sur la ligne de front entre les Wisigoths et les Francs. J'aurai l'occasion d'évoquer tout cela lors du prochain colloque du CIRDoMoC.

C'est pourquoi je maintiens que de parler des cités armoricaines en prenant comme seule référence la Bretagne est une erreur fondamentale, qui ne peut apporter que des réponses imprécises ou tronquées.


Il y a effectivement abus de langage ; mais il me semble qu'il vous a été répondu à plusieurs reprises tout au long de ce fil de discussion. La polémique a aussi ses limites...

... et désolé de contredire la vision uniquement bretonne de l'Armorique.


Cf. plus haut ce que j'ai dit à propos du regretté H. Guillotel.

Cordialement