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Re: Les fortifications antiques du Quercy

MessagePosté: Mar 01 Oct, 2013 20:46
de Kambonemos
Bonjour,

Tout dépend des moyens dont on dispose et de la façon dont on appréhende la guerre. Dans ma région, le premier comte disposait de ce qu'il est convenu d'appeler un château fort aux belles murailles mais bien qu'à vingt kilomètres à la ronde, on vinsse s'y réfugier à la moindre alerte, notre bon seigneur était pratiquement le seul à le défendre (avec une douzaine de piétons et d'archers pas très motivés) et l'iconographie de l'époque le montre galopant dans tous les sens, derrière ses murs, tel un petit Hollandais bouchant les trous de la digue avec ses doigts, estourbissant l'intrépide ou l'inconscient qui avait le toupet de franchir les créneaux... De même, peu de temps avant l'arrivée des premiers Européens, les Amérindiens de l'actuel Québec se sont livrés une guerre sans merci et les villages hurons, algonquins ou iroquois s'entourèrent d'une haute palissade de bois... qu'une simple poussée un tant soit peu vigoureuse de l'adversaire aurait sans doute pu abattre mais la mode était alors à l'embuscade et à l'extermination cruelle des ennemis dans la forêt...

Difficile de préjuger du rôle de ces murailles du Quercy.

@+

Re: Les fortifications antiques du Quercy

MessagePosté: Mer 02 Oct, 2013 9:43
de BERTRIX
Kambonemos a écrit:Bonjour,

Tout dépend des moyens dont on dispose et de la façon dont on appréhende la guerre. Dans ma région, le premier comte disposait de ce qu'il est convenu d'appeler un château fort aux belles murailles mais bien qu'à vingt kilomètres à la ronde, on vinsse s'y réfugier à la moindre alerte, notre bon seigneur était pratiquement le seul à le défendre (avec une douzaine de piétons et d'archers pas très motivés) et l'iconographie de l'époque le montre galopant dans tous les sens, derrière ses murs, tel un petit Hollandais bouchant les trous de la digue avec ses doigts, estourbissant l'intrépide ou l'inconscient qui avait le toupet de franchir les créneaux... De même, peu de temps avant l'arrivée des premiers Européens, les Amérindiens de l'actuel Québec se sont livrés une guerre sans merci et les villages hurons, algonquins ou iroquois s'entourèrent d'une haute palissade de bois... qu'une simple poussée un tant soit peu vigoureuse de l'adversaire aurait sans doute pu abattre mais la mode était alors à l'embuscade et à l'extermination cruelle des ennemis dans la forêt...

Difficile de préjuger du rôle de ces murailles du Quercy.

@+



Bonjour , Ces murailles sont là , sur des kilomètres et elles ont bien été construites pour quelque chose ! excluant l'épierrage , la rétention de terre et autres besoins agricoles , il reste la raison défensive et l'hypothèse que je propose n'est qu'une hypothèse , et c'est la seule pour l'instant : la défense . . . le schémas que je montre est une "possibilité" pas un "préjugé" mais à défaut d'avis contraires tenant la route ça reste plausible !

Re: Les fortifications antiques du Quercy

MessagePosté: Mer 02 Oct, 2013 13:03
de Kambonemos
Bonjour,

le schémas que je montre est une "possibilité" pas un "préjugé" mais à défaut d'avis contraires tenant la route ça reste plausible !
Je suis d'accord, cela reste plausible. Ce que je tentais de souligner plus que d'expliquer, outre que certaines "évidences" pouvaient être remises en question, c'est qu'il y avait peut-être une dimension symbolique qui nous échappait (je pense aux dolmens qui fédéraient ou soudaient pendant leur édification, des populations nombreuses mais éparses).

Cordialement.

Re: Les fortifications antiques du Quercy

MessagePosté: Jeu 10 Oct, 2013 19:05
de DT
salut à tous,
J'aimerais bien voir un dolmen appartenant aux différentes cultures celtiques, et en particulier un d'époque gauloise.
A+ :biere:

Re: Les fortifications antiques du Quercy

MessagePosté: Jeu 10 Oct, 2013 19:23
de BERTRIX
DT a écrit:salut à tous,
J'aimerais bien voir un dolmen appartenant aux différentes cultures celtiques, et en particulier un d'époque gauloise.
A+ :biere:


Salut DT
Mais pourquoi formules-tu le souhait de voir un dolmen appartenant aux différentes cultures celtiques, et en particulier un d'époque gauloise ?
Quelle drôle d'idée ! :lol:
désolé , pour ma part je n'ai pas ça en magasin ! :biere:

Re: Les fortifications antiques du Quercy

MessagePosté: Jeu 10 Oct, 2013 23:48
de eponasse
T'as bu DT?

Re: Les fortifications antiques du Quercy

MessagePosté: Sam 12 Oct, 2013 8:22
de dromeuf
Il a dû lire un exemple de réemploi comme :

http://www.arafa.fr/SPIP/spip.php?article56

Re: Les fortifications antiques du Quercy

MessagePosté: Sam 12 Oct, 2013 10:29
de BERTRIX
Bonjour ,
De la même manière que l'on trouve des haches polies en silex dans des tombes mérovingiennes , il semblerait que certains rites aient perduré bien après même qu'ils aient encore signifié quelque chose de précis ou profond . . .

Dommage que l'on ne puisse plus utiliser le lien sur le menhir de réemploi du message précédent de Dromeuf !

( http://www.arafa.fr/SPIP/spip.php?article56 )

Re: Les fortifications antiques du Quercy

MessagePosté: Mar 11 Nov, 2014 14:37
de BERTRIX
Pour ceux qui voudraient rechercher si Obélix était au chômage . . .


Voici un lien traitant des menhirs et autres pierres levées sur la période gauloise !

Les menhirs ou la litholatrie chez les Gaulois
bibnum.enc.sorbonne.fr/.../46935ab29fb99f9de617a851576ab616.pdf

Envoyer simplement :
Les menhirs ou la litholatrie chez les Gaulois


Bien sûr ça date ( 1889 )

Re: Les fortifications antiques du Quercy

MessagePosté: Mar 11 Nov, 2014 19:30
de Muskull
Bonjour,
Oui, nous en avons causé plusieurs fois sur ce forum.
Chercher les "stèles celtiques", parfois gravés mais toujours taillés, souvent des réemplois avec déplacement de pierres néolithiques, parfois non.
Parfois les mêmes pierres ont été christianisées ou détruits suite à des cultes dits "païens".

Re: Les fortifications antiques du Quercy

MessagePosté: Ven 21 Nov, 2014 18:33
de BERTRIX
Bonjour à toutes et à tous !

Je viens de me procurer un ouvrage de la collection "Documents d'Archéologie Méridionale
No 32 traitant de la protohistoire du sud de la France . . .
Parmi les sujets traités on trouve les fortifications préromaines , les fortifications de la fin de l'âge du bronze , les fortifications protohistoriques dans le sud ouest et les remparts protohistoriques en Aveyron
Tous ces sujets ont un lien étroit avec mes propres recherches sur les "fortifications antiques du Quercy"
Philippe Gardes Qui a étudié la région entre Garonne et piémonts pyrénéens parle d'éperons barrés , d'habitats ceinturés , de sites dominants , d'appuis sur escarpements avec quelquefois plusieurs lignes de défense , de terrasses aménagées en net surplomb , d'abattage de versant pour augmenter le dénivelé !
Les matériaux sont pris sur place , palissades en bois , levées de terre avec fossés , pierre sèche . . .
Philippe Gardes rappelle que les "camps et enceintes" constituent aujourd'hui avec les tumulus , les seuls témoins hors sol du patrimoine protohistorique régional !
Pour le Quercy , région de pierre par excellence la chance est dans l'utilisation facile de cette dernière , j'ai depuis ma démarche sur le forum recensé de nouveaux remparts et les chemins fortifiés les reliant , ces chemins qui peuvent apparaître en trop bon état pour leur âge supposé ont été sans doute entretenus tout au long des siècles car utilisés comme voies de communication bien sûr !
Philippe Gardes souligne que sur plusieurs centaines de sites déclarés protohistoriques (déclarés comme tels car ni de période romaine médiévale ou moderne) seuls quelques dizaines sont reconnus comme datant de la protohistoire faute de fouilles . . .
Je pense qu'il faut se mobiliser pour le Quercy , les bulldozers sont toujours à l'affut !

Sur le sujet voir l'ouvrage d'Olivier Buchsenschutz

BUCHSENSCHUTZ (Olivier)‎

Structures d'habitats et fortifications de l'âge du Fer en France septentrionale. Mémoires de la Société Préhistorique Française, tome 18, 1984.‎

Re: Les fortifications antiques du Quercy

MessagePosté: Lun 25 Juil, 2016 18:45
de BERTRIX
En corrélation avec mes recherches personnelles !

Je présente les recherches plus élargies de Jean Gasco

32 | 2009 : Les fortifications préromaines en France méridionale

Dossier : Les fortifications préromaines en France méridionale

La question actuelle des fortifications de la fin de l’âge du Bronze et du début de l’âge du Fer dans le midi de la France
Jean Gasco
p. 17-32


Le perchement, la concentration de l’habitat et la création de fortification sont des mouvements que le sud de la France a connu en nombre réduit à la fin de l’Age du Bronze ou du début du premier Age du fer. Des situations contrastées permettent d’approcher la naissance du phénomène qui serait d’essence indigène, activé probablement par des apports ou des réactions aux incursions méditerranéennes.

:âge du Bronze final, fortifications
Keywords :fortification, France, fortifications, Final Bronze Age, First Iron Age
Géographique :France méridionale
Chronologique :premier âge du Fer, Bronze final
1. Regroupement, perchement et enfermement
Le perchement et l’enfermement
En France méridionale
Les talus et fossés
Des reliefs naturels aux murs construits
2. Des murs aux remparts
3. Interrogations sur la nature des enceintes de pierres et de bois
4. Enfermement et tradition

1L’intensification du rassemblement des populations de la fin de l’âge du Bronze en hameaux ou en villages semble s’inscrire dans un processus général européen (Audouze, Buschenschutz 1989 ; Guilaine 2001) dont l’enfermement dans des enceintes (Buchsenschutz Ralston 1981) et leur perchement seraient les aboutissements structurels propre à l’organisation socialisée des territoires. Dans le sud de la France existent des situations cependant contrastées, certaines permettant d’approcher la naissance du phénomène.
1. Regroupement, perchement et enfermement

2Comme dans d’autres régions, le fait régional trouve ses racines au Néolithique et manifeste dès cette époque une certaine fixation des peuplements. Les enceintes expriment alors une forme d’organisation du territoire pensée, ou analysée, en termes d’efficacité agro-pastorale (comme dans le Centre-ouest de la France pour le cycle Matignons/Peu-Richard), de polarisation économique et de hiérarchisation des sociétés. Leur caractère ostentatoire ou symbolique est diversement apprécié, l’interpénétration des fonctions de ces établissements étant complète (Gascó 2008a). On n’évoquera ici que les grandes enceintes chasséennes (comme celles du Toulousain) commentées souvent comme un stade premier de concentration (activités, parcs à bestiaux), de courte durée ou temporaires (rencontres festives) et surtout comme un système de bornage (symbolique ?) et d’appropriation pour marquer les paysages (Guilaine et al. 1989 p. 131-132). Fermes protégées (Le Mourral de Trèbes, Aude) ou enclos différents, le rôle particulier des cercles fossoyés du bassin de l’Aude, comparés aux henges britanniques, serait à ce titre la manifestation des pouvoirs locaux de médiation (politiques, juridiques, cultuelles) déconnectée de la nature productive ordinaire (Guilaine 2001 p. 221).

3Encore faut-il être conscient que ces lectures sont tributaires des grilles d’analyse utilisées, selon le point de vue de l’économie, de la gestion et régulation sociale ou de l’idéologie et du symbolisme (Gascó 2008a). Les enceintes sont alors des modèles de développement et des espaces qui épousent des dimensions probablement sacralisées (par les constructeurs ou ceux qui les regardaient). Il semble qu’aucune de ces fonctions potentielles des enceintes n’ait réellement prévalues à une autre, sinon à la marge et dans des cas d’espèce (Gascó 2008b). Il est probable que ce mixage de fonctions a perduré et s’est complexifié.

4Au Néolithique final et jusqu’au Bronze ancien I, quand on peut mettre en avant l’antériorité des sites fossoyés fermés du Languedoc occidental, les faits importants sont l’utilisation des plans préconçus pour un nombre notable d’enceintes et parfois, plus à l’Est, la mise en œuvre de la pierre qui échappe au seul domaine funéraire (site de Montbeyre à Teyran ; Groupe de Fontbouisse et Néolithique final/Chalcolithique de Provence ; Camps-Faber, D’Anna 1989). Ils confortent les tendances anciennes de maturation des sociétés néolithiques et renforcent l’expression collective d’un système socio-économique en évolution, ébranlé par l’introduction de la métallurgie ou de ses tenants (particulièrement en Provence occidentale) et enrichi par la montée en puissance du contrôle social et territorial exercé par certains. Dans ce contexte le poids des systèmes de représentation symbolique (ostentatoire ou de l’ordre du cultuel) reste difficile à mesurer (Carozza et al. 2005) mais pourrait être approché d’une phase de monumentalisation identitaire telle qu’elle est connue dans la Péninsule ibérique ou les îles méditerranéennes. Ce long processus semble s’interrompre au cours de la phase moyenne de l’âge du Bronze. Mais il convient de relativiser sans doute le long hiatus chronologique qui sépare ce mouvement complexe de la période de fin de l’âge du Bronze, car il est aussi partagé par l’effondrement des connaissances de l’âge du Bronze moyen régional. Il semblerait donc (re)prendre force à la fin de l’âge du Bronze, sans que l’on ne puisse distinguer encore clairement (il existe des pistes dans la Péninsule ibérique comme d’autres dans les régions septentrionales) l’origine des levains nécessaires à cette évolution (Vital 1990 ; Moret 2000).

5En tout cas il semble que le midi de la France n’ait pas connu le même « boom des fortifications » selon l’expression de P. Brun qui se produit dans les régions oriento-septentrionales de l’Europe, à partir de la fin du Xe ou début du IXe siècle avant J.-C., et dont la déflagration initiale persisterait au moins jusqu’au VIIe siècle (Brun, Mordan 1988). Les sites fortifiés de la fin de l’âge du Bronze ou de la transition avec l’âge du Fer restent peu nombreux dans le sud de la France ; et la plupart d’entre eux, subodorés, n’ont pas fait l’objet d’étude poussée (constat dans Arcelin, Dedet, 1985).
Le perchement et l’enfermement

6Dans les régions septentrionales de nombreux sites mêlent trois phénomènes imbriqués, le regroupement, le perchement et l’enfermement. Ils montrent le triple souci de regrouper la communauté, de se protéger d’éventuels incursions ou troubles et de prendre topographiquement du recul pour contrôler des voies (stratégiques ?) ou des espaces de production. Il est alors souvent fait référence à un modèle pré-celtique, celui de la place centrale du pouvoir (concentration économique), à stratégie défensive (Arcelin 2001).

7Si l’on approche des régions nord frontalières du Languedoc ou de la Provence, il est possible que quelques sites naturellement escarpés ou enfermés dans des enceintes de la fin de l’âge du Bronze participent dans le Massif central de ce mouvement européen. Leur nombre est peu élevé, mais de nombreuses présomptions concourent à en soupçonner un maillage plus dense attribué à la prospérité économique et démographique de chaque région (Auvergne, Périgord par exemple). En Auvergne, autour et au sud de Clermont Ferrand, un tissu assez dense de sites de hauteur fortifiés (Puy de Mûr à Dallet dont le rempart pourrait dater du Ha B2-3) ou non (Corent, Puy Saint-André à Busséol ; Gascó 2003) et contrôlant l’accès à la vallée de l’Allier navigable signale par exemple ce phénomène de polarisation économique « autour des zones les plus favorables » au cours du Ha B2/3. (MILCENT 2004, p. 46-47).

8Ce serait également déjà le cas en Périgord où les éperons d’Ecorneboeuf (Coulounieix-Chamiers), de Castel-Réal (Siorac-en-Périgord), du Fayard (Campagne-du-Bugue) et de Puy-de-Pont (Neuvic, pour un site étendu) seraient barrés à la fin de l’âge du Bronze de remparts (Chevillot 1981, 1989, 2002).

************************** Il pourrait en être de même en Quercy pour quelques autres sites également fréquentés par la suite à l’âge du Fer le long de la Dordogne (Girault Gasco à paraître) ou du Lot (Capdenac-le-haut, occupé au Néolithique moyen, et au Bronze final III, est un isthme barré par un fossé non daté). Sur les grands Causses, on pourrait citer les sites de la Granède (Millau, Aveyron, Soutou 1958) ou de Saint-Gervais (La Parade, Aveyron) (Clottes, Costantini 1976).************************

9Force est de constater que de tels sites de la fin de l’âge du Bronze sont très peu ou mal documentés et que leurs réelles fortifications sont souvent méconnues ou supposées (Garcia 2000). C’est le cas par exemple en Aquitaine girondine (site de Bazas à la confluence du Beuve et du Matalin ; Beyneix 1995), en Périgord (Le Chalard de Payzac dans une boucle de la Loue, site occupé depuis l’Artenacien, Altieri et Chevillot 1996) voire en Auvergne (outre le rempart attesté de Gergovie, 15 autres sites fortifiés restent à dater ; Dartevelle et al. 2004). Sur les grands Causses, les Pyrénées et l’Aquitaine les recherches actuelles (ce volume) progressent cependant. Mais comme exemple assez marquant des difficultés rencontrées pour dater les architectures des sites fortifiés, on pourrait ainsi signaler le cap barré du Marquayrès (La capelle, Lozère) avec un rempart principal en pierres sèches de 50 m de longueur, de 4 m d’épaisseur et de 1 à 3 m de hauteur. Un deuxième rempart double le premier vers l’extérieur. Cette muraille se développe sur près de 200 m et forme à l’ouest une chicane permettant de contrôler l’éperon barré. Trois remparts plus ou moins éboulés barraient au sud la crête rocheuse. Ces architectures sont très mal datées du fait de réoccupations au second âge du Fer, à l’époque romaine, durant l’Antiquité tardive et au Haut Moyen Âge ; mais la fortification aurait été dans son ensemble (?) bâtie dès le début du milieu de l’âge de Bronze, « environ 1700 à 1800 ans avant J.-C. » selon Soutou, Brouillet 1955.
En France méridionale

10En France méditerranéenne l’amorce d’un mouvement de concentration de l’habitat à la fin de l’âge du Bronze est perceptible avec de petites agglomérations (parfois qualifiés de hameaux), sur de petits sites de 2 à 3 ha tout au plus. L’enferment est rare, et lorsqu’il est connu il semble enraciné dans des manières locales, même si l’on doit convenir du constat actuel d’un long hiatus chronologique entre les manifestations du Néolithique ou du Chalcolithique/Bronze ancien et celles de l’âge du Bronze final.

11Dans une partie orientale de la région, le perchement des sites semble un fait notable tendant à devenir majoritaire, du moins dans la documentation. Ainsi entre le début de l’âge du Bronze et le Bronze final III le phénomène est-il flagrant en Provence. Pour cette période il s’agirait d’un triplement des installations perchées (Boissinot 1989), et d’un « regain d’intérêt » (Vital 2004 p. 268), même si ce ne sont que trois sites du Bronze final IIIb qui sont connus en Provence occidentale où les recherches ont été parmi les plus actives (Les Caisses à Mouriès, Le Castellet de Fontvielle et le plateau des Baux). Un inventaire récent donne cependant pour l’ensemble de la Provence environ 28 % de sites perchés pour 38 % de sites ouverts en zone basse et 34 % de grottes occupées à la fin de l’âge du Bronze (135 sites, Dubesset 2004). Toutefois, outre que les durées et les natures de ces occupations ne sont pas mesurées, la plupart des sites est souvent fréquentée en continuité au cours de l’âge du Fer ; et ce dernier centre d’intérêt de la recherche qui révèle des installations antérieures peut induire un biais dans l’observation.

12En Languedoc oriental ou sur les Causses, les sites du Bronze final III a sont également fréquemment installés en hauteur, sur des plateformes intermédiaires ou sommitales au pied de falaises (Souncanton ; Dedet 1990 ; Saint Gervais, Cinglegros, Les Douzes, Rochefort ; Costantini et al. 1985 ; Pont du diable, Boudou et al. 1961). Au Bronze final III b plus de 80 % des sites paraissent ainsi installés dans de tels lieux naturellement protégés (Dedet 1990), qu’il s’agisse de sommet de reliefs (Le Grand Ranc, La Jouffe, Roc de Gachone, Gauto Fracho, Lombren, La Redoute pour reprendre la liste de B. Dedet) ou de bords de plateaux (Roque de Viou, Triple Levée, Montaigu, Granède, Grézac, liste également établie par Dedet 1990 p. 412). Dans la moyenne vallée de l’Orb à la fin de l’âge du Bronze le site de confluence du Roc (Cessenon-sur-Orb) qui est un plateau de 2.5 ha environ ou le site du Puech Auriol 2 paraissent davantage de petits sites ouverts liés à la proximité de l’axe fluvial (Maziere 2001) même s’ils côtoient le petit site de Fourquos Esquinos très escarpé.

13Dans le bassin audois du Languedoc occidental des travaux d’inventaire (Barthes et al. 1995, carte p. 109), dont les actualisations nécessaires ne modifieraient que la marge (par exemple au pied de la Montagne d’Alaric), ont montré à l’inverse le faible nombre d’occupations de plein air connues et parmi elles pour cette période la présence dominante de sites de versants de collines ou de terrasses alluviales. Les sites de la Moulinasse (Salles d’Aude), du Cayla I de Mailhac, de Carsac (Carcassonne) et de l’enceinte du Cros (Caunes-Minervois), plus récents, sont alors des exceptions : sur un total d’environ 80 sites, 56 % sont en zone basse pour 8 % sur de petites hauteurs (et 56 % sont des cavités). Et dans les Corbières, le site du Laouret (Bronze final IIIa tardif, Gascó et al. 1996), le Roc Gris de Moux, ou la Combo de la Semal de Saint-Laurent (mal datés) suggéreraient également que le perchement des habitats est rare et a été assez tardif dans une région où ces lieux potentiels seront souvent exploités au cours de l’âge du Fer (Solier 1992, p. 383).

14Plus à l’ouest, les sites sud aquitains paraissent en l’état des connaissances également privilégier les terroirs de terrasses alluviales (L’Ourmède à Castelnau-d’Estrefonds, Toulouse Hopital Larrey, Haute-Garonne ; La Técuère à Brocas, Landes, etc.). Quelques sites fortifiés paraissent cependant comme dans le Marsan (Mont de Marsan ou Le Castet à Bougue, Landes) assurer un rôle de contrôle et de redistribution des productions (Dautant 1984). P. Gardes signale ainsi 30 % de lieux fortifiés pour une vingtaine de sites (dont Pech de Berre à Nicole, Le Cluzel à Toulouse, Saint-Etienne-de-Lisse) installés sur de petits reliefs entre la Garonne et les Pyrénées pour la période Xe – VIIe siècle avant J.-C. (Gardes 2001).

15La généralisation du choix des retranchements naturels (phénomène auquel on peut assimiler les installations dans des sites de marais, comme sur les rives de l’étang de Mauguio ; Dedet et al. 1985) mérite d’être évoquée à travers quelques autres exemples. Il en serait ainsi pour le choix des sites « de pente » qui semblent d’ailleurs dans certaines régions un fait majeur de l’organisation de l’espace. Dans l’arrière pays ces sites sont le plus souvent liés à un cours d’eau et à sa vallée qui assure une pénétration dans un massif montagneux ou collinaire ou qui traverse une région de plateaux. Signalons ainsi le site de Vals (Ariège) sur un flanc de coteau dominant l’Hers (Alary 1998). Le modèle semble ubiquiste et désormais durable. En Quercy, plusieurs petits sites sont installés au pied des falaises hautes de plus de 25 m sur le versant très pentu du Causse de Gramat qui domine la vallée de la Dordogne. Le site de Surlaroque (Carennac, Lot) n’occupe qu’une plateforme étroite où se sont succédés de petits habitats qui s’échelonnent du début de l’âge du Bronze final (Xe – XIIIe s. av. J.-C.), au Premier âge du Fer, à l’Antiquité tardive (fin IIIe – début VIe s.) et jusqu’au haut Moyen Âge (XIe – XIIIe s.) (Gasco 2007). Ces ensembles fortement anthropisés témoignent d’occupations stables sur place, parfois continues. Dans un autre contexte, un type d’implantation fréquent, à l’entrée d’une cluse et d’un torrent, en amont des espaces cultivables des vallées, comme au Gandus (Saint-Ferréol-Trente-Pas, Drôme ; Daumas, Laudet 1992) à la Roche-de-Marignac, au Pas de l’Estang, ou L’Escourtette à Chalmancon (Daumas, Laudet 1985, 1996) répond dans ce cas à un mode d’exploitation des relations grandissantes entre le massif alpin et la vallée du Rhône. Le site de Saint-Alban (Creys-Pusignieu, Isère) sur une petite butte ceinte d’une falaise qui domine le Rhône au débouché d’un défilé étroit (Guillet et al. 1994) en est un autre exemple. Toutes ces formes d’installation sont conditionnées par l’orographie mais on insistera sur le fait que le modèle était souvent connu dans ces régions dès le Néolithique moyen selon des modalités de durée d’occupation variables.

16Dans les Pyrénées-Orientales, autre exemple. En Cerdagne. Le site de Llo Lladre installé au sommet de la colline Sant Feliu domine du haut de ses 1500 m la plaine de la Cerdagne (Figure 1). Sur ce site, dès la fin du Néolithique, l’occupation des agriculteurs bergers est marquée par la construction d’une enceinte de pierres ceinturant le haut du piton très pentu. Le site enfermé est utilisé au Bronze moyen comme lieu de parcage et d’habitat (occupation continue, y compris hivernale) et tout au long du Bronze final (Campmajo 1983). Dans ce cas un système, ancien, d’exploitation agro-pastorale de la montagne est concerné. Les retranchements bâtis de la fin de l’âge du Bronze sont donc en réalité rares. Ils ne se différencient guère des divers modèles anciens et sont différenciés surtout selon leur topographie (Carozza et al. 1992). On retrouvera donc la classique distinction des types de sites ceinturés proposée il y a quelques années (Arcelin, Dedet 1985) : le piton rocheux isolé par des abrupts, l’éperon barré, l’appui sur à-pic en rebord de relief, la figure géométrique fermée. Cette typologie des enceintes, est en fait opérante dès le Néolithique final/Bronze ancien et varie selon les formes de reliefs locaux à l’exception peut-être du dernier cas.

Figure 1 : Site de Llo-Lladre (Pyrénées-orientales)
Figure 1 : Site de Llo-Lladre (Pyrénées-orientales)
Agrandir Original (jpeg, 516k)

Le site est perché au sommet d’un petit massif dominant les terres hautes de Cerdagne.

Photographie P. Campmajo
Les talus et fossés

17Dans le midi de la France les sites fortifiés de la fin de l’âge du Bronze ou de la transition avec l’âge du Fer ne sont pas tous à corréler d’ailleurs avec la notion de perchement de l’habitat. Dans les zones de plaines, des fossés et des protections en talus qui enferment quelques installations existent. Ils restent cependant difficiles à illustrer. Mais on peut soupçonner que certains sites qualifiés faute de mieux d’habitats ouverts pouvaient être protégés en réalité par un système de palissade, de fossés ou de talus.

18Quelques enceintes reconnues sur de petits linéaires sont ainsi signalées sur les terrains sédimentaires, plateaux et terres alluviales. Le site de la Plaine Basse dans le Puylaurentais (Tarn, Passelac 1991) est connu par son fossé fermé et une probable entrée en chicane. D’autres sites comme celui du Puy-du-Pont (Neuvic, Dordogne) posséderaient également des levées de terre mais sont mal datés (Bronze final ou premier âge du Fer, Chevillot 1989). A Cordouls (Puylaurens, Tarn) le plateau de 4.5 ha est également barré par un talus en partie naturel (150 m de long, 10 m de large, 3 m de hauteur maximale) qui serait à corréler à l’occupation protohistorique ancienne du site (Seguier 1989, Carozza 1997). L’hypothèse est aussi avancée pour le site de Montans (Carozza 1997). Au sud de Toulouse, Le Cluzel est un éperon dominant la Garonne limité par un talus de barrage, non daté, mais mis en relation avec une occupation du Bronze final III b (Muller 1979). Comme le suggéreraient des travaux anciens (Christophe 1896), il est probable que les excavations fossoyées s’accompagnaient de levées de terre. À Mont-de-Marsan, une d’entre elles qui pourrait remonter à l’âge du Bronze Final a été découverte dans un état de conservation assez exceptionnel en milieu urbain. Cette fortification de terre, orientée selon un axe nord-sud, participerait au Bronze final à un imposant système de fermeture de l’éperon formé par la confluence de la Douze et du Midou (Ballarin 2006).

19Dans une pratique remontant au moins au Néolithique final, les fossés sont parfois associés à des assemblages de pieux et de blocs rocheux apportés qui formaient un doublement de la protection par une muraille peut-être plus symbolique qu’efficace. L’habitat de Portal-Vielh (Vendres, Hérault), sur un petit promontoire occupé dès le Bronze final II et IIIa, est ainsi au Bronze final IIIb un site d’habitat flanqué d’un large fossé dans le remplissage duquel se trouvent des amas homogènes de blocs calcaires. Ceux-ci sont rapportés par L. Carozza et A. Burens à une structure en élévation située à l’intérieur de l’enceinte. Une petite rigole distante d’environ 50 cm du bord du fossé forme une probable tranchée de fondation. Elle était le réceptacle d’une palissade mêlant des pierres à une structure de bois. Le dispositif aurait atteint près de 500 m de développement, le site étant fermé sur un côté au moins (Carozza, Burens 2000).

20A Salles d’Aude, le site de la Moulinasse occupe un petit plateau calcaire bordé de talus très abrupts sur ses côtés nord et sud et d’une petite falaise à l’ouest. Il aurait été situé au Premier âge du fer en bordure d’un bras de mer. De forme trapézoïdale, il domine de quelques mètres l’actuelle basse vallée de l’Aude. Le site possédait dès le Chalcolithique un fossé qui enserrait une superficie d’environ 4500 m². Un deuxième fossé protégeant environ 8000 m² daterait du Bronze final ou du Premier Âge du Fer. Un troisième, plus récent, a pu exister, plus à l’est, à l’emplacement d’un ancien talus (Passelac 1995).

21Le site de (Carcassonne, Aude ; Guilaine et al., 1986) est probablement un site exceptionnel et hors normes du fait de sa dimension (Figure 2). C’est une véritable enceinte fossoyée remontant probablement au IXe – VIIIe siècle (Il est vrai que l’on a peu d’argument pour envisager une datation plus ancienne, si ce n’est une donnée radiocarbone de Carsac I qui situerait la fréquentation du site, et non l’enceinte, dès le XIIIe siècle, au Bronze final II récent). Cette enceinte, sur le plateau de Mayrevieille, est un vaste dispositif fossoyé qui appartient au moins au Bronze final III b. Deux interprétations du plan des fossés longs d’environ 700 m dont 100 m reconnus s’opposent. J. Guilaine et son équipe proposaient pour la fin de l’âge du Bronze (VIIIe siècle avant J.-C.) le plan fermé d’un vaste retranchement, près de 25 à 30 ha (Guilaine et al. 1986 p. 179), alors que pour L. Carozza, sur la foi de nouvelles fouilles, il s’agit dans un premier temps d’un site en vaste éperon barré de 19 ha (Carozza et al. 1998), fermé sur son unique frange orientale. Il comprendrait alors un simple fossé en U large de 3 à 3.6 m pour plus de 0.9 m de hauteur conservée, le flanc nord du massif étant abrupt. Les travaux de L.C. en 1994 ont montré qu’il comporte au Bronze final III b au moins une porte en chicane (fossés interrompus et décalés) qui sera retouchée au Premier Âge du Fer (Carozza 2000).

Figure 2 : Site de Carsac, Carcassonne, Aude
Figure 2 : Site de Carsac, Carcassonne, Aude
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Tracés des fossés de la fin de l’âge du Bronze et du Premier Âge du fer.

D’après Guilaine et al. 1986, et Carozza 2000
Des reliefs naturels aux murs construits

22En Languedoc certains sites de hauteur de la fin de l’âge du Bronze possédaient des défenses naturelles (site de Fourquos Esquinos, escarpement abrupt dominant la vallée de l’Orb, Maziere 2001) certaines peut-être sommairement aménagées. Prenons le cas du Laouret (Floure, Aude ; Gasco et al. 1996) site probablement fréquenté au Néolithique final. A la fin du Bronze final IIIa, le site est occupé par des habitations dispersées (maisons et greniers installés sur des terrasses naturelles). Il présente sur son flanc nord une barre naturelle de rocher qui limite le site et forme une élévation continue de près de deux mètres. La fouille n’a pas mis en évidence d’aménagement particulier de la terrasse encaissée que ce rempart naturel protège. Le possible rétrécissement d’un accès au nord-est par déplacement de blocs d’effondrement et l’aménagement d’une zone de dépotoir en un autre lieu au sein d’un chaos de rocher sont les seules traces d’organisation probablement volontaire des lieux. Il est possible qu’une situation assez comparable (topographie en écaille rocheuse formant des terrasses et encaissements, dépotoir datant du Bronze final/ transition âge du Fer) ait été rencontrée dans le couloir des Eissartènes (Le Val, Var) zone pentue au pied d’un massif très érodé livrant des structures du Premier Âge du Fer. (Acovitsioti-Hameau, 1988). Ce type de configuration est assez fréquent en Provence. C’est par exemple le cas au Baou Draï (Gréolières, Alpes-Maritimes) qui est sur environ deux hectares un ensemble de niches délimitées par les blocs d’un chaos rocheux, le long des pentes du massif du Cheiron (Courtin 1986). Le fait pourrait être également reconnu dans certains aménagements du Chaos de Buoux (Vaucluse) selon J. Vital (Vital 2004 p. 297 à propos d’un cheminement) ou du chaos de rochers ruiniformes de Roquesaltes (Saint-André-de-Vézines, Aveyron) qui domine à 360° le Causse noir (Clottes, Costantini 1976). Il est toutefois possible que l’exploitation de sites naturellement fortifiés ou protégés (Les Roquets à Saint-Etienne-de-Gourgas, Gasco Y. et al. 1974) ne relève que de choix opportunistes, ces lieux ayant souvent déjà attirés des occupants antérieurs (Néolithique), comme cela est fréquemment le cas dans d’autres régions pour de tels sites remarquables (Vercoiran, oppidum de Saint-Luce, Drôme, site naturellement fortifié par des strates calcaires redressées).

23Le site des Courtinals à Mourèze (Hérault) peut-il leur être comparé ? Au moins dans l’esprit plus que dans la forme. Il occupe un enclos naturel d’un chaos de rochers ruiniformes de calcaire dolomitique, ouvert vers le sud, et d’environ 4000 m2 de superficie. Les rochers aux parois presque verticales dominent une cuvette d’une hauteur de 20 à 40 mètres, et forment une barrière entrecoupée, par endroits, d’étroits couloirs pentus. Au Bronze final IIIa un habitat s’installe dans le couloir. Un muret de soutènement édifié entre les deux parois rocheuses vers l’aval a dû alors former une terrasse (Garcia, Orliac 1990 ; Dedet, Rouquette 2002).

24Certains sites ont donc fait l’objet de construction de limitation par des murs de soutènement organisés qui pouvaient aussi concourir à l’isolement ou la délimitation. Ces murs de soutènement périphérique appartiennent à des aménagements d’aire d’habitats ou d’activités. Cela pourrait être le cas à Pech Egos (Penne, Tarn) pour une occupation du VIIe siècle. Le site en extrémité d’un plateau isolé par des cours d’eau a livré les ruines d’un appareillage parementé. Il est conservé sur environ 35 cm de haut pour 40 à 50 cm de large et (quelques mètres de long seulement) ; des calages de piquet sont attestés dans ce mur. Si une élévation en terre crue est envisageable sur cet aménagement, il semble plus probable que le dispositif limitait simplement la zone d’occupation (solin et piquets) et formait l’assise d’une plateforme pour aménager la pente du secteur (Gascó 1986 ; Burens 1993).

25Sur quelques sites des murs périphériques de terrasse, aménagements connus au Gandus ( Saint-Férréol-Trente-Pas, Drôme) (Daumas, Laudet 1985, 1992), un site de pente dominé par des falaises qui entaille un éboulis (Figure 3) comme pour certains sites préalpins (comme Chamoson, Les Lumères ; Pugin 1986), prennent l’allure, par leur masse plus conséquente, de constructions à vocation plus large. Elles ont été approchées des systèmes de fortification. Ils sont constitués de gros blocs appareillés vers l’aval, disposés pour l’aménagement de surfaces planes en remblais. Dans des contextes topographiques différents, c’est le cas au Cayla de Mailhac (Aude) et au Baou-Roux (Bouc-Bel-Air, Bouches-du-Rhône) (Arcelin, Dedet 1985). A la Jouffe (Montmirat, Gard) le mur de soutien du remblai aménagé sur la pente ouest du site sera conforté par un doublement d’appareils dans la seconde moitié du VIe siècle avant J.-C. Signalons également le cas de Berniquaut (Tarn) où l’on a pu proposer face à l’hypothèse d’une fortification du Bronze final qui avait été avancée (Lautier 1977) et que certains placeraient plus volontiers au Moyen Âge (Carozza 1997), celle possible de la réalisation d’une limite de terrasse artificielle en « bourrelet de pierres » (Seguier 1989).

26Autre cas, au Puech d’Auzet (Millau) un mur de la fin de l’âge du Bronze avait été interprété dans un premier temps comme un soutènement de dalles et pierres calcaires qui retenaient une terrasse de limon brun-rouge (120 m sur 20) (Beausoleil et al. 1997). Mais la fouille ultérieure de L. Carozza (Figure 4) n’a pu confirmer ni cette interprétation ni sa datation. Par contre un grand alignement palissadé (74 calages de poteaux) attribuable au Bronze final par une datation radiocarbone (ARC 1709 : 2690± 40 soit -970-800 avant J.-C.), mais sans que du mobilier ne puisse lui être attaché, barre de fait l’éperon du Puech d’Auzet (Carozza 1998). L’aménagement de surfaces remblayées pour l’édification d’habitats a été également observé à Malvieu, Saint-Pons-de-Thomières et il doit être mis en relation avec la construction d’un rempart du Bronze final IIIb (suivi sur 300 m de long, 2.15 m de large environ).

Figure 3 : Site de pente des Gandus, Saint-Ferréol-Trente-Pas, Drôme
Figure 3 : Site de pente des Gandus, Saint-Ferréol-Trente-Pas, Drôme
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Emplacement des fouilles.

D’après Daumas, Laudet 1992

Figure 4 : Site de Pech d’Auzet, Millau, Aveyron
Figure 4 : Site de Pech d’Auzet, Millau, Aveyron
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Relevé des structures de l’enceinte.

D’après Carozza 1998
2. Des murs aux remparts

27Il existe en effet de véritables enceintes à rempart de pierres, essentiellement du calcaire, sur des reliefs où le rocher était disponible, tout comme des enceintes à palissades de bois sur des terrains également rocheux. Les cas connus sont des fortifications linéaires qui barrent ou accompagnent généralement des reliefs de plateau, plus ou moins isolés. Force est de constater que bon nombre de ces enceintes sont mal datées, comme par exemple l’enceinte de blocs d’El Sagué (Saint-Laurent-de-Cerdans, Pyrénées-Orientales) qui daterait du Bronze final (Claustre 1997). Les termes d’éperons ou caps barrés sont souvent utilisés, mais ces termes recouvrent de nombreuses situations distinctes qui englobent aussi des cas de petits massifs tabulaires moins escarpés (Solier 1992). Deux sites de nature différentes ont pu faire l’objet de fouilles conséquentes. Ils indiquent que le mariage de la pierre et des constructions de bois étaient probablement plus répandu qu’on ne l’aurait cru.

28Le site de Malvieu (Saint Pons de Thomières, Hérault) daterait de la fin de l’âge du Bronze vers 1200/1000 avant J.-C. (Gorgues 2004, et à paraître). Le site aurait été occupé par un habitat ouvert « constitué de cabanes en torchis sur poteaux porteurs » sur près de 2 ha. Le rempart a été bâti au cours du Bronze Final IIIb (le fouilleur n’exclue pas un rajeunissement à la transition Bronze Fer « vers le VIIIe siècle » ; Gorgues 2004 p. 58 note 3), comme le démontre la stratigraphie relative du site. C’est un mur de pierres sèches suivi sur 280 m de long, installé sur un relief escarpé (pente moyenne de 40 %) qui domine la vallée de la Salesse .(ce volume).

29L’enceinte du Cros (Caunes-Minervois) comporte un rempart de pierres enserrant une surface d’environ 5,25 ha (Gasco 1997, 1998, 2000 ; Gasco et al. à paraître et ce volume). Conservée sur plus de 140 m, la muraille est flanquée de huit « bastions » pleins, structures grossièrement rectangulaires, bâties également en pierres sèches et liées à la courtine (Figure 5). C’est un site dont la phase de création des architectures monumentales appartiendrait à un premier âge du Fer ancien. Elle se situe probablement au VIIIe siècle av. J. C., au moins à la charnière du VIIIe et du VIIe siècle (Analyse du C14 [T33-34 C6] : LY 6024 = 2460 ± 60 BP soit [Courbe de 1986] -775 (-696, -536, -754, -649) -414 av. J.-C. et [Courbe isotopique 1993] -793 -395 avant J.-C.). Au regard du mobilier céramique et de la stratigraphie, on peut estimer que la date ne remonterait pas avant -800 et -675 av. J.-C. avec une forte probabilité entre -750 av. J.-C. / -675 av. J.-C. Les vestiges matériels découverts en divers points du site pourraient signaler une occupation assez précaire (au mieux des maisons en bois à poteaux plantés, non découvertes et en tout cas éloignées du rempart, éventuellement des abris légers placés sur des encaissements de dalles rocheuses) peut-être celle des constructeurs mêmes du site. La dégradation du rempart se place probablement entre 775 et 650 av. J.-C. Puis, après un court abandon, le site réoccupé aux environs de 600 av. J.-C. connaît une période de réaménagement localisé marquée par la construction d’au moins un bâtiment encore isolé du rempart. Un incendie violent scellera définitivement les ruines de l’enceinte, formant des dômes de chaux à l’arrière des bastions qui devaient être surmontés de constructions de bois.

Figure 5 : Site de l’enceinte du Cros de Caunes-Minervois, Aude
Figure 5 : Site de l’enceinte du Cros de Caunes-Minervois, Aude
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Travaux J. Gascó
3. Interrogations sur la nature des enceintes de pierres et de bois

30L’ancienneté de l’enceinte du Cros et probablement de celle de Malvieu introduit en Languedoc sinon une possible continuité, distendue, des techniques architecturales entre les sites fortifiés de l’âge du Bronze ancien (particulièrement présent en Provence) et ceux de la fin de l’âge du Bronze ou de l’âge du Fer du Sud de la France, du moins une possible très-très lointaine parenté indigène. Comme en Catalogne, il se serait écoulé cependant près d’un millénaire en Languedoc avant la redécouverte (?) de la pratique de l’enfermement de l’habitat, mais peut-être seulement un demi millénaire à l’échelle du grand sud franco catalan. Des découvertes futures peuvent réduire ce laps de temps mais probablement s’agira-t-il de phénomènes tout aussi uniques que l’enceinte du Cros. Plus que de continuité (peu probable, mais qui ne peut être exclue si l’on se souvient qu’il y a cinquante ans nous n’aurions pas imaginé nos connaissances actuelles) il convient davantage de décrire une évolution renouvelée.

31Il n’est pas impossible qu’un « ferment », issu d’une évolution socio-économique interne, activé ou non par une situation nouvelle, impliquant peut-être des intervenants extérieurs, ait poussé quelques populations à redécouvrir l’intérêt de la protection d’un habitat groupé par un rempart. Un mouvement similaire, mais très actif et continu, dans les contrées septentrionales a pu amplifier cette orientation. Avec l’échange des objets, la circulation des récits et la transmission des savoirs rendaient actuels et imitables les aménagements fortifiés ancestraux et les installations proto-urbaines qui existaient au nord et dans les régions padanes ou dans la région de l’Ebre, avant même les éventuels récits des premiers aventuriers des peuples des mers ou avant même les modèles attirants propagés par les colonies installées de Massalia et d’Emporion. Cette architecture nous paraît donc en cela essentiellement relever d’une essence indigène. Si la construction en pierre sèche n’était plus pratiquée (ou si peu avec des terrassements protégés de murettes et des enclos, prouvant la persistance d’un savoir faire basique), elle constituait une part de l’environnement humanisé hérité (et marquant les paysages de constructions encore en partie en élévation) de la fin du Néolithique. Le conservatoire des techniques était relégué au domaine funéraire, soit dans des réemplois de structures mégalithiques (tombes ovales des garrigues montpelliéraines, dolmens) soit dans l’élaboration de tumulus bâtis ou de nécropoles organisées. L’adjonction de bastions à ces murs d’enclosure que l’on attribue parfois à l’adoption d’un modèle d’origine ibérique peut s’inscrire aussi dans cette redécouverte. Mais ce concept architectural avait été pratiqué plus de deux mille ans auparavant dans les garrigues languedociennes (même si dans ce cas il s’agit de structures creuses) et certains ruines explicites de sites étaient sans doute encore visibles (élévations du Lébous à Saint-Mathieu-de-Tréviers, Hérault) et parfois toujours utilisées. Par ailleurs, sur le plan technique, la maîtrise du chaînage d’angle permettant l’accrochage des bastions à la muraille était sans doute héritée des bâtisseurs de bois qui maniaient des systèmes d’assemblages complexes et il ne posait aucun souci aux descendants des constructeurs de mégalithes ou de tumulus qui l’employaient dans certains monuments funéraires (chambres du tumulus du Sadoulet, Pompignan, Gard). Enfin soulignons que la qualité architectonique de la construction du Cros est de piètre facture, essentiellement étonnante par son ampleur et l’usage de bastions pleins.

32Mémoire des hommes, emplacement et monumentalité expliquent probablement la pérennité de l’enceinte durant quelques siècles, même avec des interruptions.

33Dans une économie d’auto subsistance mais localement pourvoyeuse de surplus, dans certains cas soutenue par des échanges de valeurs métalliques et d’objets emblématiques, l’irruption de nouveaux éléments marquant la richesse, la rareté et l’exotisme dans la sphère économique et idéologique ne pouvaient, même portés en très petit nombre et de manière encore aléatoire, qu’introduire un puissant facteur de déstabilisation des organisations sociales hiérarchisées. Une telle situation a pu instaurer un climat de crainte (d’où la protection des sites), créer la nécessité de restaurer ou resserrer en interne l’autorité locale face à de nouveaux interlocuteurs (d’où des travaux communautaires imposants) ou générer un besoin d’ostentation collective comme une condition nécessaire à l’échange (d’où la monumentalité de l’enceinte). Il est même possible que cette politique ait été mise en place dans le cadre d’une compétition locale entre groupes et dirigeants pour faire appel ou orienter certains contacts et faciliter l’absorption des apports nouveaux. Force est de constater pourtant que lors de la fondation de l’enceinte du Cros aucune trace de contacts avec des porteurs de produits importés précoces n’a aboutie à une modification de la vie quotidienne de la communauté du Cros. Il en aurait été de même quelques temps auparavant à Malvieu. Originalité de la réponse et large anticipation d’un phénomène pressenti auraient donc prévalu. Perchement, enfermement et retrait territorial signaleraient paradoxalement une préparation collective au changement, y compris si la forme adoptée pouvait être largement inspirée de modèles exotiques sinon de mémoires très éloignées.
4. Enfermement et tradition

34Il s’agirait bien de la fin d’un cycle et de sa réactivation (Figure 6).

Figure 6 : Schéma (à lire de gauche à droite) du cycle de perchement et d’enfermement connu dans le sud de la France au cours du Néolithique et du Chalcolithique et réactivé à la fin de l’âge du Bronze.
Figure 6 : Schéma (à lire de gauche à droite) du cycle de perchement et d’enfermement connu dans le sud de la France au cours du Néolithique et du Chalcolithique et réactivé à la fin de l’âge du Bronze.
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35Les enceintes de la fin de l’âge du Bronze, même les plus élaborées et fortes de leurs innovations, présentent des caractéristiques que l’on pourrait décliner pratiquement à l’identique si l’on s’intéressait aux places régionales néolithiques ou chalcolithiques. Mais si un hiatus apparent ne permet pas d’envisager de filiations directes sur un territoire proche, nous insisterons par contre sur la similitude des cycles d’émergence et c’est en cela seulement qu’ils seraient indigènes.

36Corrélées au perchement sinon au moins à l’isolement orographique, les enceintes sont assujetties à la topographie, les aménagements anthropiques collectifs (importants mais somme toute comparables à des pratiques anciennes) palliant aux avantages naturels du relief lorsqu’ils faisaient défaut. Les tracés des fossés, palissades ou remparts sont alors de géométrie simple, linéaire, fonctionnelle, et suivant les courbes de niveaux. Les terrassements trop complexes sont évités et les interventions de topographes ou d’architectes spécialisés peu probables, au mieux discrètes pour l’organisation du travail collectif si l’on admet des savoirs faires techniques individualisés. Les charpentes confortatives de bois, d’éventuelles superstructures établies sur des bastions ou des portes restent des techniques utilisées et associées aux architectures de pierres peut-être précocement. Les murailles sont à parements simples ou accolés (Malvieu), ou double avec bourrages de pierres (Le Cros). Elles paraissent tributaires et adaptées aux ressources locales. Au Cros des modules dimensionnels (liées aux mensurations humaines) paraissent avoir été respectés mais ils reflètent peut-être davantage un système d’organisation du travail (équipes de constructeurs juxtaposées) qu’un dessein d’une autre nature (parement segmenté de piliers). Les remparts sont de construction simple. Sans sous estimer l’importance collective des aménagements (travail partagé ou contraint ?), les sites enceints sont également de dimensions réduites comparées aux installations de l’âge du Fer, mais peut-être aussi proportionnés aux populations qui les installent ou au pouvoir de leur autorité si l’on envisage les cas uniques du Cros et de Carsac. Les fortifications ou vallonnements généralement sont courts. Les portes sont fonctionnelles, pratiques et adaptées aux circulations les plus naturelles des reliefs. Ce sont des interruptions de rempart ou des décrochements et décalages d’architecture. Au Cros une porte de bois, mobile, semble attestée par des calages latéraux de pieux quand des bornes de protection de pied de muraille contre le choc des chariots restent plus délicates à dater. Sur tout les sites il ne semble pas y avoir de recherche de délimitation d’une zone cultuelle particulière, ni la volonté de séparer deux mondes, l’un organisé et régenté, l’autre plus naturel et sauvage. Les habitats y sont-ils toujours dispersés, faits d’architectures à poteaux plantés comme au Cros dans la longue tradition régionale ou déjà compactés derrière le rempart comme à Malvieu où les pierres et la terre seraient utilisées comme cela sera le cas à l’âge du Fer ? Mais le distinguo est-il plus opératoire dans cette même région qu’il ne l’est au Néolithique final, à l’âge du Cuivre ou au début de l’âge du Bronze ancien ?

Re: Les fortifications antiques du Quercy et Sud-Ouest

MessagePosté: Lun 20 Juil, 2020 14:20
de BERTRIX
Bonjour à tous

Après une longue absence due à un dysfonctionnement , je reviens avec des éléments corroborant l'occupation des lieux renfermés par ces murs et murailles ...


Je poste les photos d'un rocher creusé situé dans un bois , il n'est pas fait pour recevoir de l'eau de pluie car pas de margelle inclinée vers l'intérieur

Le rocher mesure environ 80 cm de haut , la profondeur du bassin est de 25 cm et la contenance d'une quinzaine de litres (de mémoire)

On trouve souvent par ici des rochers calcaires creusés chimiquement par l'action de l'eau de pluie , mais celui-ci relève d'un travail de taille manifeste
On peut bien sûr se demander l'usage d'un tel monument . Peut-être de mortier ?

rocher creusé 2.jpg



rocher creusé 1.jpg

Re: Les fortifications antiques du Quercy et Sud-Ouest

MessagePosté: Jeu 14 Jan, 2021 10:40
de BERTRIX
J'ajoute une photo d'un mur à parement qui s'est crevé , où l'on peut remarquer les tonnes de cailloux ne provenant bien sûr pas d'épierrage mais de remplissage de fortification

mur fourré éboulé.jpg

Re: Les fortifications antiques du Quercy et Sud-Ouest

MessagePosté: Ven 08 Oct, 2021 9:38
de BERTRIX
Une étude sur les Gaulois du midi ou Celtes par Michel Py .



https://www.academia.edu/41640941/LES_G ... =thumbnail