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Qui est Eon de l'Etoile ?

MessagePosté: Lun 27 Mai, 2002 14:30
de Dulovios
Avec prudence, je viens de terminer la lecture d'un numéro d'Ogmios 1,618 dont j'ai déjà fait mention. On y parle d'un certain Eon de l'Etoile qui -si ce n'est sous le pseudo d'un intervenant bien connu, Néo de l'Etoile... Image - ne m'était point connu jusqu'içi.

Alain Le Goff -oui, bon, ne me lancez pas de geis, merci ! Image -, dans son article "Eon de l'Etoile, hérésiarque de Brocéliande", dit la chose suivante : il parle d'Eon de l'Etoile "et de sa tentative de restauration d'une doctrine inspirée du Druidisme, en plein Moyen Age".

Dans un autre article -"Brocéliande, la forêt réinventée"-, Gwern Arzur, après avoir détruit le mythe de la Brocéliande géographiquement armoricaine, évoque à son tour Eon de l'Etoile et il écrit : "Fallait-il en effet rassembler quatre cents évêques et abbés pour juger Eon si il n'était que fou !".

Alors, d'après vous, Eon est un fou, un néo-druide, un prophète hérétique ?

@+

Dul.

Qui est Eon de l'Etoile ?

MessagePosté: Lun 27 Mai, 2002 16:13
de hagaldag
Bonjour, Dulovios, l'Homme d'à propos Image  Image
Un petit peu d'histoire pour nos amis visiteurs: Image



Originaire de Loudéac et issu de la noblesse bretonne, Eon, petit moine à peine lettré, fut envoyé par le seigneur de Gaël dans un couvent, près de la chapelle Saint-Mathurin sur le site de Barenton, pour éradiquer sans doute les pratiques païennes, druidiques qui s’opéraient encore dans ce coin reculé de la forêt au XIIe  siècle. Peut-être vexé par une mutation dans un lieu aussi perdu, admirant sûrement les premiers chrétiens celtiques (aux mœurs plus justes et moins relâchées que l’Eglise romaine), et vivant dans une époque de famine, Eon, révolté et mystique, se mit à partir de 1145 ? à piller les monastères, châteaux et demeures confortables du clergé. Se proclamant fils de Dieu et Grand Juge des vivants et des morts, à la tête de " brigands " exclus dela société, il fit des adeptes jusqu’en Gascogne, redistribuant une partie de ses richesses et de la nourriture aux pauvres. Voyant d’un mauvais œil cet " apôtre du communisme médiéval breton " (dixit  Charles Le Goffic ), l’Evêque de Saint-Malo fit arrêter Eon, et le traduisit en concil à Epernay devant le pape Eugène III ?, en 1148. Jugé plus fou qu’hérétique, il échappa ainsi au bûcher mais pas au cachot où il mourut peu de temps après à Saint-Denis.
Voilà pour l'historicité

HAGALDAG
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Qui est Eon de l'Etoile ?

MessagePosté: Lun 27 Mai, 2002 16:20
de hagaldag
Petite précision: Image
. Son vrai nom était Eudon, qui, déformé, donna Éon, auquel on rajouta " de l'Étoile ", en rapport avec la comète qui, précisément traversa la ciel en  1148
Voili, voilà , ouf !
   HAGALDAG ,l'astrologue Image  Image  Image

Qui est Eon de l'Etoile ?

MessagePosté: Lun 27 Mai, 2002 16:27
de hagaldag
Pour comprendre la question il faut expliquer la dimension à l'époque que prit cette histoire en "Brékéliant":

Éon s'établit dans un couvent bâti à l'emplacement d'un ancien établissement druidique, qui existait encore au XIe siècle, quand un seigneur de la région y établit un monastère. Celui-ci fut ensuite abandonné.

C'est de ce prieuré, dit du " Moinet ", qu'Éon commença à défrayer la chronique. Le solitaire raconta qu'un jour, l'esprit de Merlin l'enchanteur lui enjoignit de se rendre à une messe. Éon quitta son ermitage, et participa donc à un office, au cours duquel il fut frappé d'entendre le prêtre répéter plusieurs fois la phrase latine " Per eum qui venturus est judicare vivos et mortuos " (par celui qui doit venger les vivants et les morts). Éon compris ces paroles en pensant que " per eum " signifiait " par Éon ". C'était donc lui, l'élu qui devait juger les vivants et les morts !

(Note : cette affaire fut racontée après les événements, peut-être n'est elle pas authentique, et tendait tout simplement à faire passer Éon pour un illuminé).

A partir de ce moment, il changea radicalement son mode de vie et de pensée. Il devint prophète, et commença à accueillir dans son ermitage des adeptes qui se firent de plus en plus nombreux.

Éon les éblouissait par des tours de magie qui le magnifiaient. Il apparaissait parfois nimbé d'une étrange lumière, ce qui frappait l'esprit de ses visiteurs. Il avait aussi le don d'ubiquité : on pouvait le voir en plusieurs endroits en même temps. Il organisait de nombreux banquets où l'on pouvait manger les mets les plus délicats. Les invités racontaient que pourtant, ils se retrouvaient après ces repas les estomacs complètement vides, on parlait d'enchantements pour évoquer ce qui n'était sans doute qu'habile suggestion. Les fidèles d'Éon venaient de toutes les classes de la société médiévale, mais la plus grande partie des troupes se composait de serfs, de paysans oppressés d'impôts et de vexations. Ce petit peuple, qui en voulait à la noblesse et au clergé trouva auprès d'Éon quelqu'un à l'écoute de leurs difficultés, et qui aurait peut-être les moyens de les protéger ou de les venger. La bande se mit à piller châteaux, églises et monastères alentours. Un butin énorme s'entassait peu à peu au prieuré du Moinet, et Éon devenait très riche. Il redistribuait une partie de ces trésors à ses compagnons, toujours plus nombreux autour de lui ; toujours plus violents, sûrs d'eux et actifs. En cela, Éon devint un précurseur du communisme. Ses brigandages s'effectuaient au détriment des riches, jamais des pauvres, et visait à une redistribution des biens saisis. On pourrait voir en Éon de l'Étoile une sorte de " Robin des Bois " à la française, quelque peu prophète et habile magicien.

L'ermite du Moinet prenait beaucoup de goût, après le pillage d'une église ou d'un monastère, à revêtir des défroques religieuses et à paraître ainsi vêtu à ses coreligionnaires. Ces tenues augmentaient son prestige (note de la rédaction : et le fait que la foudre divine ne le frappe pas pour ces sacrilèges ne faisait que renforcer son rôle d'élu).

Éon avait étrangement organisé sa bande. Ses membres étaient dits anges ou apôtres, selon leur grade, et leurs noms étaient science, sapience, jugement etc...

Peu à peu, il créa une vraie religion, et cette " hérésie Éoniste " grandissait de plus en plus, dépassant finalement les frontières mêmes de Brocéliande, allant se répandre jusqu'à Saint-Malo, et faisant même des émules en Gascogne. Tout commençait donc à devenir très grave, et à inquiéter les autorités politiques et religieuses. Il est même étonnant que rien n'ait été tenté plus tôt pour juguler dans l'¿uf le mouvement Éoniste qui, peu à peu, prenait l'aspect d'une authentique révolte paysanne généralisée. Le pape de l'époque, Eugène III, vint à Reims, présider un concile (note de la rédaction : ce concile était destiné à organiser la lutte contre l'hérésie, le catharisme ayant, plus tôt qu'en Albigeois, touché les masses populaires de Champagne). Il entendit bien y parler d'Éon, et demanda qu'on le prit, afin de le mettre en sa présence. L'archevêque de Reims contacta le duc de Bretagne, Conan III, qui chargea ses hommes de s'emparer du fauteur de troubles. Capturé, Éon fut conduit à Reims pour y être finalement jugé par un tribunal ecclésiastique.


La révolution sociale prêchée par Eon de l'Etoile ne pouvait qu'affoler les autorités, surtout religieuses. Le pape, en voyage à Reims, le fit donc arrêter et conduire devant lui. Après quoi, il mourut, dit-on, en se repentant des erreurs commises.



On le passa à la question. Qui était-il ? " Ego sum ille qui venturus est judicare vivos et mortuos et seculum per ignem " fut sa réponse, soit " je suis celui qui doit venir juger les vivants et les morts ".

Le pape l'ayant vu pour la première fois avec un bâton fourchu à la main, tenu comme une crosse d'évêque, lui demanda quelle était le signification de cet emblème. Éon lui répondit que par celui-ci, il partageait le monde avec dieu. Toute l'assemblée se mit à rire, et on le prit pour un fou. Mais, ce fou faisait peur, et, pour ne pas qu'il retourna comme auparavant séduire le peuple, il fut envoyé " en une étroite prison ", dans laquelle il mourut peu après, " avec son bon sens recouvré " dit-on.

Restait ses amis, ses bandes de pillards, et avec eux, c'était une autre affaire. Il avait fait de nombreux disciples, dont beaucoup étaient devenus à leur tour ermites, à Brocéliande, mais aussi en forêt de Loudéac et quelques autres lieux tout aussi secrets. " Ils s'y tinrent si opiniâtrement qu'on eut du mal à les prendre, bannir, brûler et défaire " disent les chroniques du temps.

C'étaient des " durs à cuir " au sens propre du terme. Avant d'être jeté dans le feu des bûchers qu'on leur réservait, ils ne reniaient rien, et se faisaient gloire de mourir ainsi pour leurs croyances.

Il fallut se résoudre, en Brocéliande, à détruite le prieuré du Moinet, ce qui se fit sur l'ordre de l'évêque d'Aleth. N'en resta plus que la chapelle Saint-Mathurin, à laquelle on n'osa pas toucher. Elle s'écroula d'elle même bien plus tard, et on éleva à son emplacement une croix de bois qui ne disparut qu'en 1840. Ainsi, par la volonté de l'autorité ecclésiastique et politique, on supprima toutes traces de l'aventure Éonienne.

Après la disparition des derniers Éonistes, la parenthèse ne fut plus commentée, et l'on s'empressa d'enfouir dans les brumes de l'Histoire jusqu'au souvenir de cette étrange tentative de partage des richesses qui avait tant fait de mal dans la région, et fait si peur aux nantis.

Comme quoi nous avons nous aussi notre Robin de Loksley le "mythyque Robin Hood"
Image  Image  Image  Image

 HAGALDAG DES bois de la Baume Image  Image  Image  Image

Qui est Eon de l'Etoile ?

MessagePosté: Lun 27 Mai, 2002 16:30
de Dulovios
Donc, si je comprends bien, une personnalité dérangeante issue de l'Eglise chrétienne et que l'on a ensuite fait passer pour malade...

Il est vrai que le débat sur la prétendue "folie" des hérétiques a été longtemps animé par les partisans et les adversaires de la chasse aux sorcières. A partir du moment où l'hérétique, de fou passa au stade d'"inspiré par Satan", les bûchers se mirent à ronfler. Et c'est en repassant par le stade psychiatrique et en considérant à nouveau les sorciers et hérétiques comme fous que l'on a pu faire cesser le massacre... Que de paradoxes...!

En 1460, un haut dignitaire religieux de Tournai déclarait que les sorciers et les sorcières n'étaient rien d'autre que de dangereux antisociaux, des dangers pour l'ordre établi; voilà qui a au moins le mérite de la clarté...

Hérétique=Antissocial=Fou... Jusqu'aux hôpitaux psychiatriques soviètiques et à la Pensée unique de notre monde de ce début de XXIe siècle, les jugements des Hommes envers leurs semblables sont-ils si différents de jadis ?

@+

Dul.

Qui est Eon de l'Etoile ?

MessagePosté: Lun 27 Mai, 2002 16:31
de Dulovios
Oups... Nos messages se croisent... Image

Dul. Image Image Image

Qui est Eon de l'Etoile ?

MessagePosté: Lun 27 Mai, 2002 19:37
de Sedullos
Salut d'an holl,

Hagaldag a très bien résumé le personnage et sa vie, qui finit tristement au cachot.
Ses disciples ont péri sur le bûcher pour la plupart.
Il y a des références bibliographiques dans La religion des cathares de Jean Duvernoy, chez Privat, j'ai ça dans mes papiers inaccessibles pour l'instant.

Qui est Eon de l'Etoile ?

MessagePosté: Mar 28 Mai, 2002 9:36
de Dulovios
Ha, je savais bien que tu passerais jeter un oeil, Sed... Image

Merci à tous les deux...!

Dul.

Qui est Eon de l'Etoile ?

MessagePosté: Mar 28 Mai, 2002 13:47
de Marc'heg an Avel
Le 'monastère' du Moinet constitue l'un des éléments d'affabulation mis en place par des charlatants en faveur de l'identification de BROCELIANDE à ce qui n'est que la forêt de Paimpont.

En effet, quelques vers de Chrétien de Troyes font dire au paysan, qui parle au chevalier : "Tu iras jusqu'à la fontaine, et près de cette fontaine, tu verras une chapelle, qui est petite et moult belle".

Ces vers sont achi-connus, et repris et répétés dans quasiment toutes les brochures traitant le la pseudo fontaine de Barenton de cette forêt de Paimpont.

Le problème est qu'il n'y a jamais eu de chapelle, archéologiquement prouvée, ni sur le site lui-même, ni à proximité de la fontaine en question.

Certains mystificateurs ( il y en a plein la forêt !Image n'hésitent donc pas à argumenter sur ce fameux 'monastère' du Moinet établi par Eon de l'Etoile, qui n'est ni sur le site, ni à proximité immédiate de la fontaine en question, passant ainsi cavalièrement sur les règles les plus élémentaires de la chronologie. Là-bas, on n'est pas à ça près, du moment que ça rapporte des touristes, du fric, et pourquoi pas des adeptes. Et si vous tentez de faire remarquer que la chronologie n'est pas respectée, on vous répond qu'il vous suffit d'avoir de l'Imaginaire ... arthurien, il va de soi, réplique que je commence à connaître par coeur.

Quoiqu'il en soit, il est bien évident que Chrétien de Troyes n'a pas pu décrire ce qui n'existait pas à son époque, si tant est en plus qu'il soit jamais venu sur le site de la pseudo fontaine de Barenton de la forêt de Paimpont.

Eon de l'Etoile, un fou ? Peut-être pour les uns; peut-être pas pour les autres. Mais en tout cas, pas plus que n'importe quel illuminé d'aujourd'hui... et ça n'est pas ça qui manque !

JC Even Image

Qui est Eon de l'Etoile ?

MessagePosté: Mar 28 Mai, 2002 15:43
de Dulovios
Oui, c'est avec un grand plaisir que j'ai lu et écouté certains propos démolissant le mythe de la fixation géographique -à des fins généralement commerciales ou nationalistes- de certains aspects de la Légende arthurienne...

Il semble même que certains de ces éléments aient été déplacés en raison de la construction d'une...usine !!! Ca n'a pas empêché certains de continuer à prétendre que toutes ces affirmations sur la localisation de Brocéliande, etc...en Bretagne armoricaine, étaient parfaitement justifiées...!

Tout cela me fait penser à ces Québecois blonds aux yeux bleus qui se déguisent en Indien et prétendent posséder 10 % de sang Iroquois dans les veines pour mieux vendre à des touristes européens soucieux de jouer aux "Indiens naturalistes", des locations de tepees en écorce de bouleau pour la somme modique de xxx dollars canadiens... Le plus drôle c'est quand lesdits Amérindiens se mettent à danser une prétendue danse de la pluie en entonnant un chant prétendument approprié devant un public de Blancs naïfs dont, en fait, les chants se fichent ouvertement et que personne, sauf les Amérindiens, comprennent... Pourquoi croyez-vous que certains Amérindiens hurlent de rire en entendant les paroles prononcées par des acteurs indiens jouant dans les vieux films de John Wayne, hein, dites ? Image Image Image Si, c'est authentique !

Encore que les Amérindiens, eux, respectent encore leurs traditions (peut-être plus pour longtemps, mais bon...) Image

Place à l'imaginaire commercial, donc ! Image Image Image

@+

Dul.