Voici en résumé et en extrait le début et la fin du roman occitan Jaufre, roman arthurien écrit vers 1180. Il s'agit de deux épisodes où Arthur se bat contre une grosse bête cornue, puis contre un oiseau géant, et où il est ridicule à chaque fois. Ces deux épisodes ne se retrouvent pas ailleurs dans la littérature latine et en vieux-français.
les pages et les vers correspondent à l'édition de Lavaud & Nelli - Les troubadours, l'oeuvre épique, Desclées de Brouwer, 2000[1960].
Le roi Arthur et ses chevaliers vont porter secours à une meunière car une bête monstrueuse est dans son moulin en train de dévorer son blé (p. 52-53) :
Majers fo qe non es us taurs,
E sos pels so veluts e saurs,
El col lonc e la testa granda,
E s’ac de cornes una randa, 232
Els ueils son groses e redons
E las dens grans, el morre trons,
E cambes longas, e grons pes
Majors non es us grans andes. 236
Elle était plus grosse qu’un taureau
Son pelage était velu et roux.
Un long cou, une tête épaisse
Avec une haie de cornes,
De gros yeux ronds,
De longues dents, un museau camus,
Des jambes étirées et de grands pieds ;
Plus long n’est pas un grand chenet.
La bête ne semblant pas farouche, Arthur décide de la chasser sans la tuer, et de la tirer dehors en la prenant par les cornes (p. 52-55) :
E-l reis a son escut pauzat,
E puis a-l bon bran estojat,
E pren la ab amdoas mas
Per los corns, qe son loncs e plans, 260
E tira e secot e’ storz.
E-l rei fo autz e grans e fortz,
E anc sol no la poc grollar.
E el cuja son puin levar, 264
Qe la volc sus el cap ferir,
Mais anc non poc las mas partir
Dels corns, tan no las a tiradas,
Pus que si foso claveladas. 268
E can la bèstia so senti
Qe ben es pres, leva d’aqui,
E-l reis istet als corns pendutz,
Fel et irat et esperdutz. 272
E la bestia ieis del moli
Ab el, e tenc son dreit cami
Tot jen e süau e de pas,
Per la fores, la un li plas. 276
Le roi a posé alors son écu
Et remis au fourreau son bon glaive,
Puis avec les deux mains, il prend la bête
Par les cornes qu’elle a longues et plates,
Et de tirer, de secouer, de tordre.
Le roi était haut d’épaules, grand et fort,
Et pourtant il ne put pas seulement l’ébranler.
Il croit maintenant lever le poing
Et lui en asséner un bon coup sur la tête,
Mais voici qu’il ne peut ôter des cornes
ses mains – qu’il a beau tirer à lui –
pas plus que si elles eussent été clouées.
Et quand la bête a compris
Qu’il était pris bel et bien, elle se met en marche,
Le roi demeurant pendu à ses cornes,
Dépité furieux, tout éperdu.
La bête sort du moulin,
Emportant le roi avec elle, et suit son droit chemin,
Gentiment, doucement, au pas,
Par la forêt, là où il lui plaît.
On ne peut tuer la bête sans que le roi ne périsse lui aussi, et Gauvain, avec les autres chevaliers, se lamente sans pouvoir intervenir. La bête va vers le plus haut sommet qu’elle voit et là , elle avance sa tête pour laisser le roi pendre dans le vide. Les chevaliers se déshabillent et font un matelas de leur vêtements au-dessous du roi, au cas où celui-ci tomberait. La bête saute alors au milieu des vêtements, libère le roi, et se transforme en « un chevalier élancé, de bonne et gente mine, très richement vêtu d’écarlate de la tête aux pieds,… »
Cavalers grans e bels e gens ;
E fo vestit mot ricamens 424
D’escarlata tro als talos,
le roi reconnaît alors en ce chevalier l’un des meilleurs de sa cour « De plus, il connaît tous les enchantements et les sept arts écrits dans les livres, tels qu’ils ont été découverts, pratiqués et enseignés. »
Esap tots los encantamens
E las .vij. arts qe son escrichas,
Trobadas, ni faitas ni dichas. 448
Dans le second épisode, Arthur est attaqué et emporté par un oiseau gigantesque. L’oiseau, tenant le roi dans ses serres, vole ici où là , puis montre très haut dans le ciel avant de laisser tomber Arthur, puis de le reprendre au vol. Il l’emmène vers une tour où il le dépose un moment, puis s’envole de nouveau avec le roi, en direction d’un bois épais, repaire des serpents, lions, sangliers et de nombreuses autres bêtes sauvages. Finalement, alors que tous courent après lui, l’oiseau retourne au château et dépose Arthur à terre avant de se transformer en chevalier « beau et grand, vigoureux et accompli ». Le roi reconnaît alors l’enchanteur. (p. 552-561, gwerz. 9885-10 025)
Questions : qui est donc cet enchanteur et quelles pourraient bien être les sources ce ce texte ?