PASHUPATI (suite)
" Tout dans l'Univers est formé de trois parties : une étincelle intérieure qui est le principe de vie ou de l'âme, puis une matière ou corps, et enfin un élément de coordination fait des énergies et des rythmes vitaux. Ces trois parties sont appelées respectivement le Maître-du-bétail (Pashupati), le bétail (pashu) et les rênes ou lasso (pâsha). Nul ne peut exister indépendamment des rythmes vitaux et ces rythmes sont le liens du corps avec l'étincelle intérieure ou âme. C'est pourquoi le Maître-du-bétail, le bétail et les rênes sont inséparables les uns des autres.
" Tous les êtres, depuis l'Être-immense jusqu'à la matière immobile, sont appelés le bétail (pashu). Ils forment le troupeau du sage dieu-des-dieux qui fait se mouvoir le monde. Etant leur maître, le tout-puissant Rudra est connu sous le nom de Maître-du-bétail. " (Linga Purâna, 2, 9, 12-13)
C'est ainsi que le corps, la forme extérieure de l'Univers, comme celle des êtres individuels, fait partie du troupeau de l'aspect évolutif (vikâra) de l'évolution. Le Maître-du-bétail procrée toutes les espèces avec sa propre substance et les lie avec le lois naturelles grâce auxquelles il les contrôle. C'est pourquoi " les vingt-quatre énergies vitales sont les rênes ". (Linga Purâna, 2, 9, 13). Toutes les lois qui guident le mouvement des étoiles et des saisons ou le comportement des espèces animales font partie des rênes (pâsha). Ces lois règlent aussi les rythmes du souffle vital, l'évolution de la nature (Prakriti) et la croissance de tous les êtres.
" Dans la sphère terrestre, la Terre elle-même est le Maître-du-bétail, le rythme du mouvement et l'attraction de la terre sont les rênes. Les plantes et les êtres vivants sont le troupeau. " (Giridhara Caturvedi, Pashupati evam Prajâpati, Kalyâna, Shaiva anka, p. 41)
Le Mahâbhârata (5, 3825) décrit Pashupati assis sur la cime des montagnes neigeuses (himavat), rayonnant comme le feu de la fin des âges. Dans le douzième livre (10212) nous le trouvons assis sur le sommet de la montagne polaire (appelée solaire, sâvitra). Ailleurs (Mahâbhârata, 8, 3465), il est sur la montagne Mandarâ.
Au nord du Mont polaire (le Meru) est une forêt d'arbres (Karnikâra) pleine de fleurs dans toutes les saisons de l'année. C'est là, qu'entouré des esprits célestes se divertit le Maître-du-bétail, l'amant de la Paix-de-la-Nuit (Umâ). (Mahâbhârata, 6, 218 et 13, 6339).
D'après le Shatapatha Brâhmana (1, 7, 4, 1-3) et l'Aitareya Brâhmana (3, 33), Rudra accepte de s'incarner pour pouvoir punir le Progéniteur qui manifestait des intentions lubriques à l'égard de sa propre fille. Il accepta d'être le souverain des animaux et, prenant lui-même une forme animale, il attaqua le Progéniteur. On peut parfois le rencontrer dans la forêt sous la forme d'une bête ou celle d'un chasseur, et on peut l'apercevoir dans le ciel où il est l'étoile Rohinî.
(Alain Daniélou, Le Polythéisme hindou, pp. 322-324)
Toute cette théologie de Pashupati fait penser à Cernunnos, en tant qu'il est le maître des animaux, comme on le voit surtout sur le chaudron de Gundestrup.
Elle peut également faire penser, d'une certaine manière, à Ogmios : conducteur des hommes, grâce à des rênes, lui aussi. Ses "rênes" sortent de sa bouche, et on les a identifiées au pouvoir de la parole.
Elle évoque aussi, d'une certaine manière, le Dagda, en tant que lubrique et jouisseur, progéniteur (Ollathir, "le père de tout").