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MessagePosté: Ven 05 Nov, 2004 18:10
de Muskull
Bonsoir :)

Après quelques détours que je ne trouve en rien inopportuns, je continue le développement de la "conscience religieuse" en nos parages occidentaux car cette évolution est pertinente et devrait complèter, enrichir, les analyses archéologiques...

Un bel article de Régis Boyer dans l'E.U. :

SLAVES (MYTHOLOGIE DES)

Prise de vue :
Pour tenter de décrire ce que fut la mythologie des Slaves, il faudrait être mieux informé, d’abord, sur la personnalité même de ces peuples – et l’histoire comme l’archéologie sont, à cet égard, d’une fâcheuse indigence ; en second lieu, nous manquons de sources sûres, les principaux documents écrits sur lesquels il nous faut nous fonder émanant d’observateurs étrangers qui ont écrit à une époque récente (Procope de Césarée : De bello gothico, III, 14, VIe s. ; Saxo Grammaticus : Gesta Danorum, fin XIIe s. ; Adam de Brême : Gesta Hammaburgensis, fin XIe s. ; Côme de Prague : Chronica Boemorum, début XIIe s. ; Knytlinga saga noroise, fin XIIIe s.) ou de témoins prévenus, sinon hostiles, parce que chrétiens (divers homiliaires comme celui, tchèque, d’Opatovice ; la Chronique de Thietmar de Merseburg, vers 1015 et la Chronique des Slaves du curé Helmold, vers 1170), quand ils ne sont pas fragmentaires (telle la Chronique dite Primaire ou de Nestor, qui a été écrite au XIIe siècle et ne s’intéresse qu’à une partie des Slaves). Reste un folklore très riche et très vivant mais qui pose, ici comme ailleurs, de délicats problèmes d’interprétation.
L’archéologie pourrait également nous aider, mais les quelques sanctuaires exhumés, à Rügen en particulier, ou à Ptuj en Slovénie, les idoles de Husiatyn, en Galicie (une tête à quatre faces perchée au haut d’une colonne carrée de 2,70 m de haut) restent d’une authenticité « slave » contestée.
De plus, il convient, en raison des contacts et influences subis, de distinguer entre Slaves méridionaux, orientaux et occidentaux ; mais il est souvent difficile de dégager les traits spécifiques de chaque groupe au-delà des collusions étroites avec les cultures, respectivement byzantine, celtique et germanique. Ainsi, le rôle que joue le coq, bien attesté partout, pourrait remonter aux Celtes ; la divinité Mokos évoque bien fort la Grande Déesse scythe ; l’oiseau-dieu Simurgh ne peut guère qu’avoir été emprunté au bestiaire iranien par l’intermédiaire des Sarmates, et le chamanisme informe tout un complexe de représentations, métamorphiques notamment.
On tentera ici, à titre d’hypothèse, de discerner quelques grands caractères communs à ces peuplades, incontestablement indo-européennes, à l’origine agricoles, sédentaires et foncièrement pacifiques, dont la seule constante est un culte prononcé de la famille, au sens large (rod, pluriel rody). Il n’est pas impossible non plus de retracer, diachroniquement, une évolution plausible.

Du culte des ancêtres à celui de la nature
En premier lieu, il semble que le stade archaïque, primitif de cette religion ait été le mânisme : un texte russe du XIe siècle établit que les Slaves (orientaux en l’occurrence, mais la généralisation est permise) sacrifièrent « d’abord » aux rody et aux rozanicy (dérivé du précédent – les deux mots désignant les mânes ou esprits des ancêtres défunts), puis « aux fleuves, aux nymphes et à d’autres esprits », enfin « à Perun, leur Dieu ».
C’est ce que dit Procope de Césarée : « Ils considèrent qu’un seul dieu, le créateur de l’éclair, est le maître du monde ; ils lui offrent en sacrifice des bœufs et autres animaux [...]. Ils offrent aussi un culte aux fleuves, aux nymphes et à d’autres esprits. »
En bons Indo-Européens, ils ne mettaient pas en doute l’existence d’une vie après la mort, ce qu’atteste l’archéologie des tombes où le défunt était pourvu de tous les biens nécessaires à son autre existence. Et sans doute croyaient-ils en la réincarnation, la continuité du clan familial étant ainsi assurée par l’éternel retour des défunts.

Par la suite, d’ailleurs, l’individualisation atteindra les rody (Rod, avec une majuscule, sera une divinité mâle) et, partiellement, les rozanicy, conçus collectivement comme les bénéficiaires d’un grand festin au solstice d’hiver.
Lorsque le culte de la « grande famille » ou zadrouga paraît en pleine lumière, les esprits des ancêtres se retrouvent, toujours de façon collective, dans les domovoï (littéralement, protecteurs) et, sous forme dégradée, dans les vampires – beregyni ou rusalki – qui, tous, à des degrés divers, ont joui d’un culte propre et ont traversé les siècles. Il s’ensuit encore que la magie a dû jouer un rôle de premier plan, à ce stade, le Slave ancien paraissant évoluer dans un univers de doubles où toutes les interpénétrations et transfusions étaient possibles. Il suffit de lire ce que dit Hérodote (Histoires, IV, 105) des Neures, probablement une tribu slave : « Une fois par an, tout Neure devient pendant quelques jours un loup, après quoi il reprend sa première forme. »

On peut supposer, en deuxième lieu, que, dans une sorte de panthéisme brut, ce mânisme ne s’est pas nettement distingué d’un naturalisme ou d’un animisme qui, ensuite, tendit à se dégager et à exister pour lui-même. Certains témoignages donneraient à penser, en tout cas, que rochers, sources, arbres, feu, etc. ont bénéficié de dévotions particulières.
Le soleil, notamment, a pu être adoré en soi et certaines déités plus récentes n’en seraient que des émanations spécialisées : ainsi Jarilo (le soleil éclatant), Ivan Kupalo (le soleil couchant), Svarog (le feu), Perun (la foudre), sans parler de l’oiseau solaire, Simargl.
L’eau aurait semblablement suscité Mokos, le vent, Sviatovit ou Sventovit avec ses quatre faces, la terre, Volos. Et le deus otiosus du ciel lumineux que sera Svarog (dont Svarozic est dérivé) a dû naître à cette époque. De même, c’est toujours en relation avec les forces naturelles qu’apparaissent les innombrables cohortes de divinités indifférenciées, tutélaires de la maison (domovoï, dvorniki ou kikimori), des bois (lesii), des eaux (vodjanoï, rusalki). Sans doute faisaient-elles l’objet d’un culte spécifique, le culte en tant que tel paraissant bien avoir été l’expression même et, à la limite, le tout d’une religion qui se connaissait dans ces actes signifiants.

On ajoutera que, dans ces opérations rituelles, le destin a dû jouer un rôle de tout premier plan, notamment en raison de l’importance que la divination, la consultation et l’interprétation des augures ont gardée jusqu’au XIIe siècle au moins, époque où Saxo Grammaticus attire notre attention sur le fait.

Des divinités multiformes

En troisième et dernier lieu, selon un processus bien connu, intervient une anthropomorphisation, une individualisation de ces forces ou de ces esprits. À compter des Xe-XIe siècles, semble-t-il, on est en droit de parler de panthéons dans l’acception classée du terme. On voit alors, aussi, se détacher d’un fond commun quelques spécialisations que nous allons évoquer.
Mais il convient d’attirer l’attention sur le type de relations que le Slave institue avec sa divinité et qui relève de l’affection, non de la terreur : il lui parle avec tendresse, sur un mode un peu puéril, l’appelle par son diminutif, la flatte volontiers.
A dû être vénéré par tous les Slaves, en qualité de dieu suprême, Svarog (dont Svarozic et Dazbog, plus tard adorés pour eux-mêmes, ne seraient initialement que des dérivés, voire de simples épithètes).
C’est lui, sans doute, qui a suscité l’érection de quelques-uns des grands temples dont l’archéologie a retrouvé les vestiges, par exemple à Stettin, Wollin, Wolgast, et surtout Arcona et Garz, dans l’île de Rügen.
Les Slaves orientaux, s’il faut en croire la Chronique de Nestor, malheureusement coupable de confusions évidentes avec la réalité scandinave, auraient adoré premièrement Perun (ou Perkin), dieu du ciel et de l’orage, partant, de la fertilité-fécondité : il reprendrait les attributs de Rod.
Sous un aspect plus intellectuel, Svarog (mot qui se rapporte au thème suer : lier – le fait de « lier » par le feu étant l’apanage du forgeron-solaire-merveilleux, du magicien-omnipotent) reprendrait la même idée. Molos, la seule déesse slave que nous connaissions, s’intéresserait plus nettement aux activités végétatives, au commerce et à sa réglementation.

Les Slaves des rivages de la Baltique proposent d’autres dénominations pour des entités vraisemblablement homologues. Ici, le dieu suprême solaire s’appelle Sventovit, dont la figure semble, toutefois, moins « populaire », plus aristocratique (-vit renvoie à « seigneur »), tant en soi que dans ses diverses hypostases telles que Iarovit (de jar- : fort, furieux), Porevit (de por- : puissance) ou Rujevit (de ruj- : le rut). Svent- convoyant l’idée d’énergie, il se pourrait que nous sortions ici, quelque peu, du domaine de la troisième fonction pour amorcer un glissement vers un complexe d’idées plus martiales.
Sventovit (ou Svantevit) sera tenu pour le dieu de la guerre, mais il ne paraît pas raisonnable d’exagérer l’importance de cette dénomination.
En revanche, un point doit retenir l’attention : la plupart des figurations que nous avons retrouvées de ce dieu sont à plusieurs faces, comme en témoigne encore le nom même du dieu poméranien Triglav (cf. le polonais moderne trzy : trois, gLowa : tête).
Selon toute vraisemblance, cette diversité doit symboliser la nature multiple de ces déités, soit qu’elles aient été censées réunir sous leur puissance tous les mondes – ciel, terre, lieux souterrains et univers des esprits –, soit qu’elles aient voulu réunir ainsi les quatre éléments auxquels elles présidaient d’autre part.
On éprouve donc, en toute cette question de la mythologie des Slaves, de grandes difficultés à tenter d’isoler l’individuel du collectif ou à vouloir distinguer clairement, parmi des séries (Svarog-Svarozic-Dazbog-Stribog, ou Sventovit-Iarovit-Porevit-Rujevit), la divinité fondamentale.

Peut-être faudrait-il conclure que, fidèles aux orientations mânistes et/ou naturalistes, au collectif, que nous avons décelées dès les origines, les Slaves n’ont jamais vraiment cessé d’envisager leurs divinités sous forme plurielle, trait qui relèverait d’une mentalité profondément attachée au syncrétisme, lui-même né d’une sorte d’impossibilité à transcender une vision du monde où le soleil, l’air, l’eau et la terre constituent un fond indissociable.

On insistera sur un dernier détail, déjà suggéré. Un examen même rapide de la religion des Slaves amène à mettre en lumière un caractère inattendu : l’extrême ressemblance, sur presque tous les points fondamentaux, qu’elle présente avec la religion nordique ancienne. Cela peut tenir à la nature de nos sources d’information, bien entendu ; cela pourrait aussi venir d’une communauté mentale plus intime entre les deux univers religieux qu’on ne l’a pensé jusqu’ici. Car ce que nous pouvons dégager de plus profond – l’amour déclaré de la paix joint au respect essentiel de la famille et des ancêtres – convient aussi bien aux Slaves qu’aux Nordiques.

MessagePosté: Ven 05 Nov, 2004 20:01
de morgane d'avalon
:$Au vue de ta réaction Muskull ,et probable celles d'autres qui n'en pense pas moins aussi c'est bien pour çà que je n'ai pas poser mon post directement ici...:wink:
Je ne souhaite pas "acheter" quoique ce soit non plus.... :wink:
Très amicalement....
:) :wink:

Herbe Bleue

MessagePosté: Sam 06 Nov, 2004 12:39
de ejds
Expérience et écriture impressionnante, Morgane!
A l'extrême, on y retrouve les traces des voyages psychédéliques d'une autre grande époque chevelue.

Cela m'a rappelé la lecture d'une descente aux enfers sans retour ou L'Herbe Bleue :

http://www.alalettre.com/anonyme-herbebleue.htm

Mais attention! De là à ce que l'on renomme l'Arbre Celtique en Arbre bleu, il n'y a quelques coups de peinture à donner (déjà que nous avons quelques féroces guerriers bleus de guède et le petit peuple des hommes bleus). :lol: :lol:

De nos jours les rénactements druidiques ou shamaniques peuvent se révéler tout aussi intéressants à étudier mais tout aussi éprouvants que les reconstitutions historiques de bataille, avec armenent, décor naturel et par mauvais temps, bivouacs au feu de bois, coups et blessures non intentionnels mais bien réels...

Et ce sans le surperflux ouaté de la modernité (radiateur électrique, lampe de chevet, musique en boucle d'un CD...). :?

e.

MessagePosté: Sam 06 Nov, 2004 17:43
de Muskull
Citations de l'herbe rouge de Boris Vian. :wink:

- Ce n'est pas du sang, dit Lazuli, c'est probablement une condensation...
-C'est remplacer un mystère par un mot, dit Wolf, ça fait un autre mystère c'est tout.

**
Le Sénateur Dupont allongeait le pas car Wolf marchait vite ; et si le sénateur avait quatre pattes, celles de Wolf étaient en nombre deux fois inférieur, mais chacune trois fois plus longue; d'où la nécessité où se trouvait le Sénateur de tirer la langue de temps en temps et de faire han ! han ! pour manifester sa fatigue.
**

Les grands pots rouges des deux cotés du perron, transformés en Indiens sauvages par la nuit qui venait et les incertitudes de l'orthographe.
**

Wolf s'assit par terre, les talons aux fesses et se mit à se balancer d'avant en arrière, en serrant ses genoux dans ses bras. Il fredonnait, pour corser l'intérêt de l'action, un air tout plein de sentiment.

Et pi y'a le Stepenwolf de Hesse et pi le Nadja de Breton, le pôvre tit bourgeois égaré et pi Dostoïevsky :
"La vérité vraie est toujours invraisemblable, le savez-vous ? Pour rendre la vérité plus vraisemblable, il faut absolument y mêler du mensonge. " :lol:

MessagePosté: Sam 06 Nov, 2004 18:48
de Lilou
morgane d'avalon a écrit:Comme ce n'est pas le sujet ici, je ne vais pas étaler ce qui m'est arriver la semaine dernière (28 /10) je met juste un lien sur mon texte qui est posé sur un autre forum et seulement ceux que çà intérresse pourront lire....
Sur ce forum là, je m'appelle Avalongirl. :wink:
Merci de lire l'entête du texte :D

http://www.lespasseurs.com/forum/viewtopic.php?t=951

Très amicalement ..... :wink: :) :)


Je suis alllée lire ton post sans aucun à priori, pour moi le chamanisme exite bel et bien et est une experience que l'on peut encore faire. (j'ai fait il y a longtemps en Amerique du Sud)
Mais pas sans guide, pas sans "passeur" :?

Je ne serais pas aussi catégorique de Muskull quand il dit :

Ce genre d'expériences sont bien connues de la "psychologie des profondeurs" chère à Jung et étaient "à la mode" estudiantine des années 70 inspirée par les étudiants californiens. Ce ne sont pas des expériences shamaniques ni rien d'approchant, c'est de l'auto suggestion qui à doses fortes (sans adjuvants chimiques) peut devenir de l'auto hypnose. Il y a beaucoup de choses écrites là dessus de cette époque.
C'est de plus dangereux car certains n'ont pas hésité à utiliser des "adjuvants" pour reproduire "à volonté" ces "visions" et se sont détruits.
Je ne vais pas rentrer dans les détails biologiques de ces "stress psychologiques


Je ne suis pas si sûre que les trouvailles de nos chers professeurs soient si loin des réalités chamaniques, mais je suis d'accord avec lui quand il souligne que cela peut être dangereux .
De là à dire que ton vécu n'est pas chamanique, je crois que seul un Chamane pourrait le dire.
On est assez d'accord de nos jours pour reconnaitre le Chamane mais on oublie un peu vite qu'on s'est moqué de lui pendant longtemps.

Mircea Eliade a tout changé :wink:

MessagePosté: Sam 06 Nov, 2004 19:21
de Muskull
Votre attention s'il vous plaît :)

Mon but en ce fil était simplement de traduire dans l'histoire des religions les vecteurs de la tradition shamanique et leurs évolutions et "conservations" dans nombre de religions dès que leur domaine touche à la magie et à l'influence volontaire sur une possible source pouvant lutter contre le chaos naturel de la conscience humaine et cette possible "reliance".

La conscience humaine a heureusement évolué et la dialectique envers la "source possible" aussi . De rester dans "le terrible dualisme" en un romantisme surrané de ces temps est quelque part un déni du travail des philosophes mais sans doute et surtout une flemme de s'y "frotter" de vos petites consciences individuelles.
Petites parce que individuelles :twisted:

MessagePosté: Sam 06 Nov, 2004 19:29
de Fergus
Muskull,

Je suis globalement d'accord avec toi, sauf sur ce point :
La conscience humaine a heureusement évolué et la dialectique envers la "source possible" aussi .

J'aimerais qu'on me dise en quoi la conscience humaine a "heureusement" évolué.
De plus, cette affirmation est tout à fait contraire aux enseignements traditionnels.

MessagePosté: Sam 06 Nov, 2004 20:32
de Muskull
En quoi est-elle "contraire" cher Fergus ?

La conscience humaine est passée de l'indistinct à l'animisme, de l'animisme au manisme, puis au polythéisme, puis au monisme avec toutes les circonvolutions des philosophes sur ce qui est "dans" et "outre". :D
En quoi l'Advaita et le Tawid ne seraient pas traditionnels et un acquis de la conscience humaine en ses limites ?

Bon, c'est vrai, je "brasse" large mais l'humanisme militant contemporain n'est-il pas une forme de religion à l'échelle de l'homme ?
"Chaque humain est (devrait) être égal en droit."
Certes, nous sommes loin de la théocratie et du tripartisme (koi-ke :D ) mais bon, faut faire avec Bush encore 4 ans. :(

MessagePosté: Sam 06 Nov, 2004 20:55
de Fergus
Ce qui est contraire aux enseignements traditionnels, c'est que l'homme progresse avec le temps. Au contraire, la doctrine des cycles cosmiques, qu'on trouve sous des formes différentes dans la plupart des traditions, présente l'histoire comme un éloignement du Principe, d'où la nécessité d'exposer de plus en plus explicitement le sens des symboles.
Je n'ai jamais dit que l'Advaita-Vedanta et le Tawhid n'étaient pas traditionnels, bien au contraire.

MessagePosté: Sam 06 Nov, 2004 21:10
de Muskull
Ce qui est contraire aux enseignements traditionnels, c'est que l'homme progresse avec le temps.

Je dois avouer que je trouve celà assez surprenant et des plus contraires au "chemin ascendant". Tout effort serait donc vain ?
Ce n'est ni mon sentiment ni ma lecture, mais comme celà outrepasse les limites de ce forum, nous en resterons là. :)

MessagePosté: Sam 06 Nov, 2004 21:25
de Fergus
Je dois avouer que je trouve celà assez surprenant et des plus contraires au "chemin ascendant". Tout effort serait donc vain ?
Ce n'est ni mon sentiment ni ma lecture, mais comme celà outrepasse les limites de ce forum, nous en resterons là.


Je trouve au contraire que pour une fois, le débat dépasse un peu l'ordinaire. Je n'en resterai donc pas là.

Comme je le disais, toutes les doctrines des âges (ou des cycles cosmiques) de toutes les traditions postulent un éloignement progressif du Principe (voir par exemple la Cosmogonie d'Hésiode, ou la doctrine des âges hindoue, qui mène à notre Kali Yuga).
Ce n'est en rien contradictoire avec la possibilité de remonter jusqu'au Principe, évidemment, cette possibilité est offerte à tous les âges, et dans certains textes (j'ai oublié lesquels), on dit même qu'on demandera moins à l'homme des âges sombres qu'à ceux des âges plus fortunés...
Libre à toi de ne pas admettre une telle doctrine, bien sûr, mais alors, ne prétends pas défendre une vision traditionnelle des choses.

MessagePosté: Dim 07 Nov, 2004 8:49
de Muskull
Mea kalpa, mea maxima kalpa. :D

"L’ésotérique (le sens intérieur), c’est la religion divine que professent les Amis de Dieu. L’exotérique, ce sont les lois religieuses et les symboles de la religion divine. Ainsi la Religion divine (la religion intérieure des Amis de Dieu) est-elle pour les lois religieuses l’âme et l’esprit, tandis que réciproquement les Lois religieuses sont pour la Religion ésotérique un corps matériel et un indice qui y réfère. De même que le corps ne subsiste que par l’esprit, puisque celui-ci en est la vie, et de même que l’Esprit ne subsiste en ce monde que par le corps, puisque celui-ci en est l’enveloppe, de même l’exotérique de la loi religieuse ne subsiste que grâce à la religion ésotérique, parce que celle-ci en est la Lumière et le sens spirituel"
Henry Corbin

Je parlais du temps linéaire, historique, de l'enveloppe de l'amande (orle) en quelque sorte. :wink:

Pour savoir de koikonkause :
Théories cycliques

« L’humanité se trouve plongée dans le kali-yuga, « l’âge de fer », et la plupart des hommes sont en-dessous de leur religion – s’ils en ont encore une – au point de ne pas pouvoir la représenter consciemment et solidement »
Frithjof Schuon

Nous trouvons à la fin d’un cycle, doublement si l’on peut dire puisque cet âge, qui est notre âge présent, le Kali Yuga, coïncide avec la fin d’un cycle plus étendu, qui correspond à la période complète de notre humanité. Nous sommes entrés et depuis plusieurs siècles dans une phase de décomposition qui s’accélère d’ailleurs - c’est le propre des fins de cycles – et qui annonce d’une part « la fin d’un monde », selon l’expression de René Guénon, et la promesse d’un nouveau cycle complet, d’une nouvelle humanité. Tout au long de ce dernier âge, l’humanité a en effet connu une dégénérescence qui va en s’accélérant – et c’est ce que René Guénon décrit de manière exemplaire en référence à l’organisation sociale de l’Inde : le pouvoir spirituel appartient aux Brahmanes, le temporel aux Ksatriyas, la révolte de ces derniers entraîne une première « dégénérescence », car c’est du pouvoir spirituel naturellement que le pouvoir temporel tient sa légitimité. René Guénon date très exactement du règne de Philippe le Bel cette première émancipation du pouvoir temporel en Europe. Par ailleurs, une fois le pouvoir spirituel contesté, n’importe quelle classe inférieure peut revendiquer la même indépendace et tenter d’usurper à son tour le pouvoir « Comme l’usurpation appelle l’usurpation, dit René Guénon, après les Vaishayas, ce sont maintenant les Shûdras qui, à leur tour, aspirent à la domination ; c’est là, très exactement, la signification du bolchevisme.» C’est ainsi que la révolution française marque le pouvoir des Vaishayas comme la révolution russe celle des Shûdras. Il y a aussi dans Autorité spirituelle et pouvoir spirituel dont la première édition remonte à cette importante « prophétie » : « Si les éléments sociaux accèdent au pouvoir d’une façon ou d’une autre, leur règne sera vraisemblablement le plus bref de tous, et il marquera la dernière phase d’un certain cycle historique, puisqu’il n’est pas possible de descendre plus bas. » C’est pourquoi, ce dernier « pouvoir » ayant fait faillite, il est très exact de dire que nous sommes entrés dans un monde post-moderne, Mais alors la question se pose de savoir qui détient le pouvoir ou, en d’autres termes, de savoir de quelle autorité sommes-nous désormais à la merci ?

Ce qui est indubitable, c’est que nous nous trouvons au terme d’un cycle – le Kali Yuga – qui s’est caractérisé comme « un temps où la connaissance spirituelle est devenue cachée, et où quelques uns seulement peuvent encore l’atteindre, pourvu qu’ils se placent dans les conditions voulues pour l’obtenir. »

Notre humanité terrestre s’inscrit dans un cycle cosmique que l’on nomme Kalpa qui est « le développement total d’un monde » et qui représente un « état ou degré » de l’Existence universelle. Chaque Kalpa est divisé en quatorze cycles, appelés Manvantaras. « A ce niveau, les cycles ont un caractère à la fois cosmique et historique, car ils concernent plus spécialement l’humanité terrestre, tout en étant en même temps étroitement liés aux événements qui se produisent dans notre monde en dehors de celle-ci. ». Ces Manvantaras forment deux séries de sept, et notre humanité présente, notre humanité adamique se situe dans le septième Manvantara de la première série. Chaque Manvantara a une durée de 64 800 ans. Ce chiffre se calcule sur la base de la durée de la précession des équinoxes (le pôle Sud se déplace à la vitesse de 13° 51’ d’arc pour 1 000 ans), soit une période de 25 920 ans, ou plutôt sur une demi-période (12 960 ans), il est divisé lui-même en quatre cycles, appelés Yugas : Satya Yuga, Trêta-Yuga, Dwâpara-Yuga – que l’on peut assimilés aux quatre âges « d’or, d’argent, d’airain et de fer ». Ce chiffre quatre se retrouvent dans les quatre saisons, les quatre semaines du cycle lunaire, les quatre âges de la vie, et même dans les quatre phases du cycle féminin. Ces Yugas, qui se succèdent au sein d’un Manvantara, sont marqués par une « dégénérescence » les uns par rapport aux autres. C’est que « tout processus de manifestation, impliquant nécessairement un éloignement graduel du principe, constitue bien véritablement en effet, une « descente », ce qui est d’ailleurs aussi le sens réel de la « chute » dans la tradition judéo-chrétienne ».

La Tradition primordiale à laquelle il est fait référence dans la sophia perennis d’un Schuon par exemple et dont découlent toutes les autres traditions, est celle qui préside à notre Manvantara : la tradition hyperboréenne. Les traditions de notre présent Yuga procèdent quant à elles de la tradition qui présidait au précédent cycle (l’Atlantide). De la même manière, la création d’Adam se rapporte soit à l’Adam primordial – l’Adam de l’Age d’Or, de ce présent Manvantara – soit à l’Adam de notre cycle actuel – l’Adam de la tradition hébraïque. A ce sujet, René Guénon rappelle cette parole du prophète de l’Islam : « Avant l’Adam que nous connaissons, Dieu créa cent mille Adam ».

Suite de l'article :
http://jm.saliege.com/cycles.htm

MessagePosté: Dim 07 Nov, 2004 10:55
de mikhail
Muskull a écrit:La conscience humaine est passée de l'indistinct à l'animisme, de l'animisme au manisme, puis au polythéisme, puis au monisme avec toutes les circonvolutions des philosophes [..]

On croirait le "petit père Combes", début XXe siècle, à l'époque de la séparation de l'Eglise et de l'Etat.

mikhail

MessagePosté: Dim 07 Nov, 2004 15:59
de Fergus
Mea kalpa, mea maxima kalpa

:D Excellentissime ! 18/20 !
Ego te absolvo !

MessagePosté: Dim 07 Nov, 2004 18:26
de Muskull
Hey Mikhail ! :D

On croirait le "petit père Combes", début XXe siècle, à l'époque de la séparation de l'Eglise et de l'Etat.


J'aime bien quand tu souris même si c'est un tantinet moqueur. :wink:

Je voulais simplement signaler que la conception du divin a évolué dans l'histoire (linéaire :D ) des religions à l'instar des conceptions de l'âme (voir le fil réincarnation).
Dans les temps que l'on dit "archaïques" il n'y avait tout simplement pas cette séparation, cette frontière entre le "divin" et l'humain" (guillemets aussi parce que cette conception est elle aussi évolutive).
Car il faut quand même signaler que la doctrine cyclique des âges s'applique autant à celui de "l'humanisation" qu'à des cycles plus courts comme ceux d'une vie humaine.
A ce propos, j'avais beaucoup aimé l'image d'un symboliste ludique de la "verte langue" qui parlant de l'influence de Jupiter dans le comput astrologique en l'assimilant à celle du bébé repu qui vient de faire son rot.
Tout est parfait, plus rien ne gêne, la béatitude kôa et ce sourire, ah, ce sourire ! :lol: