Tout d'abord, autre argument corroborant l'existence d'un culte rendu à un arbre particulier chez les celtes (donc en plus d'un culte probablement rendu à certains massifs forestiers):
Les puits funéraires associés aux Viereckschanzen dans le centre de la France, et jusqu'en Bohème et en Moravie...contiennent des restes d'hommes et d’animaux, des cranes de chiens, des objets de tout genre,
mais également des arbres ou arbustes qui y ont été plongés encore pourvus de leurs racines et de leurs feuilles.
(un exemple parmis d'autres)
De toutes parts, l'on rencontrait des sources aux eaux sombres et des effigies de dieux aux visages grimaçants, grossièrement taillées à la hache dans des troncs d'arbres mal dégrossis, et blanches de pourriture
Lucain
Citation:
les bois reçoivent des vocables Saint-Martin, Saint-Pierre...
Orgenomeksos, peux-tu développer cet aspect.
Liste non exhaustive des interdictions visant le culte rendu aux arbres:
371 – Début de la christianisation officielle de la Gaule : destruction des lieux sacrés, des temples, des arbres, des forêts …
442 - Concile d'Arles. le culte des arbres, des pierres et des fontaines est à nouveau proscrivit.
567 - Concile de Tours, qui renouvèle l'interdiction
743 - de Leptines, qui contient un florilège des principales superstitions qui animaient les Belges aux temps du paganisme
789 – Capitulaire d'Aix-la-Chapelle, qui taxe de sacrilèges les païens récalcitrants qui continuent à allumer des feux la nuit près des arbres, des pierres levées et des fontaines, en hommage aux entités démoniaques qui y avaient élu domicile. Les lois de Luitprand renouvelèrent l'interdiction.
794 – Loi qui oblige à couper les arbres sacrés
900 - Concile de Nantes qui renouvele ces interdictions
Ces lois ont abouti dans un premier temps à la destruction des lieux de culte païens (saint Martin grand destructeur d’arbres sacrés). Mais toutes ces mesures se révélèrent inefficaces. Le peuple (principalement celui des campagnes) continuait à braver les interdits pour aller rendre ses hommages aux sources, pierres et arbres. Aussi, l'Église fut-elle amenée peu à peu à reconvertir les célébrations et les temples païens en lieux de culte chrétiens. Il s’agit de christianiser l’espace et le temps. Un exemple, Saint-Éloi interdit la célébration du solstice d’été, tandis que Saint-Grégoire installe à cette date la fête de saint Pierre. Il y a eu aussi substitution aussi des dieux eux-mêmes par des saints dont les hauts faits pouvaient s'accorder avec l'histoire de la divinité. Les lieux du culte païens, sources, lacs, grottes, rochers, arbres seront christianisés par l'église, soit, en les affublant d'une statue de saint ou d'un calvaire , soit, comme le rappelle Saint-Grégoire-de-Tours au sujet d'un lac sacré dans lequel les habitants du Gévaudan faisaient des offrandes (de poissons, cire, pain) en détournant le culte ; ainsi, dans ce dernier cas, une basilique attribué à Saint-Hilaire fut érigée, et on recommanda aux croyants d'y déposer les dons traditionnellement déposés à l'ancienne divinité.
Une citation d'Alfred Maury, (1843) tirée de
Les Fées au Moyen Age , ouvrage probablement dépassé sur certains points mais dont un passage est pertinent à mon goût, explique :
« Ces forêts sacrées que les Celtes avaient si longtemps honorées comme la demeure des divinités, dans lesquelles ils n'entraient que comme dans un sanctuaire, l'âme saisie d'une crainte religieuse, ces forêt, dis-je, continuèrent à inspirer le même respect, la même vénération. Des images pieuses furent placées sur les arbres jusqu'alors adorés, sur le chêne, le hêtre, le tilleul et l'aubépine ; et le peuple, en venant, selon son antique coutume, se prosterner sous leur ombre, honora presque à son insu un nouveau dieu. »
ce même auteur précise:
C'était ordinairement une image de la Vierge que les prêtres plaçaient au-dessus des arbres sacrés
L'explication apportée par
la mythologie française de Dontenville (1947) est interessante dans la mesure où elle apporte en plus une date à ce mouvement de baptème des anciens sanctuaires païens en France, probablement dans la lignée de la volonté de du pape Grégoire-le-Grand (cité dans ma réponse à Lopi du mar 11 jan 0.51)
Contre les attardés, l'Eglise n'a pas eu tout de suite des bûchers. Elle a tenté de la persuasion, cherché à incliner les esprits. C'est pour cela probablement qu'à l'époque des croisades a été introduite en France l'image de la repentante Madeleine. Au milieu du XIe siècle, les moines de Vézelay prétendaient avoir ses reliques (dérobées dit-on plus tard à Saint-Maximin). A partir de 1200, on voit poindre son nom un peu partout; il est attribué à des dolmens, des grottes, des montagnes où se relèvent les traces d'anciennes croyances. L'un des chemins de pelerinage gaulois et prégaulois que nous allons parcourir, celui qui mène de la forêt carnute au Mont-Saint-Michel, est marqué de lieux-dits "la Madeleine" au coin des bois. Quel plus bel exemple le clergé peut-il donner, sous le signe de la douceur, que celui de cette femme qui a vécu "dans l'erreur", qui est touchée par les enseignements et miracles de Jésus, qui se convertit et a qui il est pardonné! En Finistère, Madame Marie-Madeleine a jeté au Diable les pierres qu'elle portait dans son tablier et les gens expliquent ainsi les alignements de Lestrigniou.
Enfin, quand l'annexion des coutumes locales était impossible, l'église tentait d'y jeter le discrédit en les considérant comme émanations de l'esprit du mal. Beaucoup de forêts sont ainsi réputées avoir accueilli le Sabbah et autres fée maléfiques. Il est étonnant de noter qu'il y a une occurence de ce dernier cas dans les "déserts", régions très peu peuplées (notamment les forêts), ou très vallonnées (gouffres, vallées profondes) où la construction d'une église par exemple était rendue délicate par les contraintes physiques. Les monstres et dragons du paganisme seront considérés comme autant de représentations du diable, la Tarasque de Tarascon, combattu par Saint-Martre en est un bien bel exemple (lien probable avec la Wivre).
Dans le même genre, selon J.J.Hatt, les associations "cocu - bois de cerf", "femmes infidéles - grues", seraient en rapport avec la mythologie celtique et la volonté de décrédibilisation des cultes païens par l'église.