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Re: la chanson d'Aiquin et la mythologie gauloise

MessagePosté: Ven 29 Mai, 2009 10:20
de Séléné.C
Le 1° degré et le 2° degré ont toujours existé...
"J'ai vécu" peut être compris comme un mauvais augure, mais je vérifierais bien si on ne peut pas comprendre ici, comme "mes yeux ont beaucoup vu, je sais des choses (etc)"

MessagePosté: Ven 29 Mai, 2009 10:55
de ejds
L'arithmomancie, aussi appelée arithmancie ou encore numérologie, concède aux nombres une valeur sensée être non seulement magique, bénéfique ou maléfique, mais aussi divinatoire. C’est-à-dire et C.Q.F.D — (avant, pendant ou après quoi et selon les circonstances) —, ce que l’on a envie particulièrement de voir ou d’entendre.

J. Chevalier et A. Gheerbrant a écrit:
DIX-SEPT (et 72)

Ce nombre, ainsi que celui de 72* — qui est en relation avec lui, le premier étant la somme et le second le produit de 9 et de 8 — présente une grande importance symbolique.

3. Pour les Grecs anciens, 17 représente le nombre des consonnes de l’alphabet ; il se divise, à son tour, en 9 (nombre des consonnes muettes) et en 8 (nombres des semi-voyelles, ou semi-consonnes). Ces nombres étaient également en rapport étroit avec la théorie musicale et l’harmonie des sphères.

6. Ce nombre aurait été considéré comme néfaste dans l’Antiquité romaine, parce que les lettres qui la composent XVII est l’anagramme de VIXI, j’ai vécu.

Dictionnaire des Symboles, Jean Chevalier, Alain Gheerbrant, Éditions Seghers, tome II, 422 pages, pp. 203-4.

Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, il est difficile de se rappeler pourquoi vraiment, ou depuis quand est née cette fixation concernant le chiffre dix-sept. On peut toutefois s'amuser à dire que le " Veni vini vici " (je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu) de César est devenu en guise d'épitaphe le " Veni vini vixi " (je suis venu, j’ai vu, j’ai vécu) de Varus.

Trois légions (legio XVII (septima decima), legio XVIII (duodevicesima) et legio XIX (undevicesima), ont été créées vers 41 av. J.-C., et ont été décimées en l’an 9 ap. J.-C. dans la forêt de Teutoburg par Arminius. Après leurs destructions, superstition ou pas, il est dit que les Romains n’utilisèrent plus les nombres de ces légions.

Fallait-il accorder dans ce cas plus d’importance maléfique au chiffre 17, 18 ou bien 19 ou au trois ensemble ? :?

:ogam-th:

Re: la chanson d'Aiquin et la mythologie gauloise

MessagePosté: Ven 29 Mai, 2009 20:38
de André-Yves Bourgès
feu de l'eau a écrit:Il reste ces lieux dédiés aux saints cités au fil de la chanson dans l'ordre chronologique par rapport à la date où l'ont fête ces saints, qui laissent penser à un cycle annuel.


Là encore, il convient d'être prudent, car le calendrier de ce sanctoral tel qu'il est proposé par M. Deceneux mérite discussion. Ainsi sur la question des cultes respectifs de saint Servan et de saint Servais, il y aurait beaucoup à dire, d'autant plus qu'il faut tenir compte en basse Bretagne d'éventuelles interférences avec le culte d'un saint appelé Jelvest(r), dans le nom duquel on veut reconnaître la forme bretonne de celui de saint Sylvestre et qui était honoré dans plusieurs sanctuaires : c'était, semble-t-il, le cas d'une chapelle aujourd'hui détruite, Saint-Servais-des-Bois, située en lisière de la forêt de Duault (C.-d'A.), sur le territoire de cette dernière commune, près du village de Kerhamon (voir B. Tanguy, Dict. des noms de communes des C.-d'A., p. 310) ; ainsi que d'un oratoire récemment restauré, situé non loin de la route de Morlaix à Plougasnou (Fin.), sur le territoire de cette dernière commune. La commune costarmoricaine de Saint-Servais tire son origine d'une simple chapelle située en Burthulet, alors trève de la paroisse de Duault ; de même la commune finistérienne de Saint-Servais tire-t-elle son origine d'une chapelle, devenue église tréviale, de la paroisse de Plounéventer. Curieusement, on peut noter le voisinage des communes de Saint-Servais et de Saint-Derrien en Finistère, toutes deux anciennes trèves de Plounéventer, de même que la proximité géographique de la chapelle détruite de Saint-Servais-des-Bois et du village de Saint-Derrien, ce dernier dans la commune actuelle de Saint-Nicodème (C.-d'A.).

Le dossier hagiographique de l'évêque de Tongres est fort conséquent [BHL 7611-7641 ; voir également le Novum supplementum, p. 778-781 ]: il n'aura donc pas été trop difficile au culte de saint Servais de se substituer à celui d'un obscur saint Jelvest(r) ; à moins qu'il ne faille considérer que Jelvest(r) rendrait moins en breton le nom de saint Sylvestre que celui de saint Servais : je laisse les linguistes trancher la question.

L'éventuelle substitution, si elle est avérée, du culte de saint Servais à celui de saint Servan, éponyme apparent de Saint-Servan-sur-Mer (I.-et-V.) et de Saint-Servant-sur-Oust (Morb.), résulterait à l'évidence d'un processus plus complexe : en tout état de cause, c'est bien de saint Servais dont il s'agit dans les premiers actes où il est question de Saint-Servan-sur-Mer, dès le XIe siècle. Pourtant il a bien existé un saint, voire deux saints du nom de Servan, distincts de saint Servais et pour lesquels on dispose de deux textes hagiographiques : d'une part, une vita conservée par un seul ms. du XIIIe siècle, apparemment connue de Ussher, publiée d'abord par Skene puis par Metcalfe [BHL 7609] ; d'autre part, l'office du saint en 9 leçons — mais seules les leçons 1 à 3 et 7 à 9 se rapportent à Servan — dans le bréviaire imprimé d'Aberdeen en 1510, texte publié à nouveau par Metcalfe [BHL 7610].

Sa vita présente Servan comme le fils d'un roi du pays de Canaan et d'une princesse arabe nommée Alpia. Après avoir étudié à Alexandrie, Servan serait devenu successivement évêque de Canaan, patriarche de Jérusalem puis pape à Rome ; il se serait ensuite rendu en Ecosse où Adamnan, le biographe de saint Columba, lui aurait confié le territoire de Fife. Servan, après avoir fondé l'église de Culenross, se serait retiré pendant sept années dans le monastère qu'il avait établi dans une île du Loch Leven, avant de reprendre sa prédication par tout le pays de Fife ; il serait mort dans son ermitage de Dunning, à Stratherne dans le Perthshire. L'office contenu dans le bréviaire d'Aberdeen présente le saint comme un Scot, et le suffragant de Palladius ; mais à la fin de la leçon 9, l'auteur de ce texte signale l'existence d'un autre Servan, natione Israeliticus —« lequel vivait sur l'île de Petmook au temps du bienheureux abbé Adamnan » — et renvoie à la vita du saint. Il faudrait donc distinguer deux personnages du nom de Servan : le plus ancien du Ve, le second du VIIe siècle.

Le problème se complique encore un peu plus avec le témoignage de la Chanson d'Aiquin qui attribue à Charlemagne la fondation dans l'ancienne cité épiscopale d'Alet d'une chapelle dont le maître-autel est dédié à saint Servan. J'ai donné dans un message antérieur l'histoire de ce Servan, apparemment distinct des deux précédents, histoire qui est bien dans le goût des récits hagiographiques composés au bas Moyen Âge, avec miracles de répit et martyre final ; son prétendu cousinage avec le Christ est une adaptation de la tradition de la Sainte Parenté qui présentait saint Servais comme un arrière-petit-neveu de sainte Anne (voir Ch. Klapisch-Zuber, L'ombre des ancêtres, Paris, 2000, p. 101-103, « Saint Servais et le cousinage du Christ »). Quelle est la valeur du témoignage de la Chanson d'Aiquin ? Il me semble, comme je l'ai dit précédemment, que le texte que nous connaissons aujourd'hui, au travers d'une copie partielle et fallacieuse du milieu du XVe siècle, correspond à une réfection de l'ouvrage original dont ce dernier est sorti à ce point modifié qu'il est bien difficile de reconnaître le propos initial de son auteur. Sur le terrain hagiographique, l'auteur de la réfection a pris prétexte que l'ouvrage original mentionnait saint Malo et saint Servan pour interpoler le texte avec des détails sur ces deux saints, détails qui lui ont été procurés par la lecture d'ouvrages spécifiques. Ainsi, à propos d'un miracle dont il fait le récit, le remanieur explique : « cela se trouve à Saint-Malo, dans le livre qui contient la légende du saint, ami de Dieu ; là le récit de ce miracle, et beaucoup d'autres aussi, très anciens, y est revêtu d'un sceau » (traduction de J.-C. Lozac'hmeur et M. Ovazza) ; la description me paraît correspondre à un ouvrage de la catégorie des libri miraculorum, dont on sait qu'ils ont presque tous disparus en Bretagne.
Nul obstacle donc à ce qu'il ait eu connaissance des traditions relatives à saint Servais, mais également d'une tradition locale relative au saint Servan honoré sur place ; à moins que le récit qu'il rapporte ne soit entièrement sorti de son imagination.

L'évangéliaire de Tongres du début du Xe siècle atteste l'existence de relations entre cette ville et Alet/Saint-Malo ; mais s'agit-il d'un rapport fortuit, ou d'échanges bien établis sous le bienveillant patronage de saint Servais ? Le nom de saint Servan à Saint-Servan-sur-Mer n'est-il qu'une forme hypocoristique de celui de saint Servais ou bien désigne-t-il effectivement un personnage distinct ? Le cas échéant, ce dernier est-il l'apôtre des Scots, sur lequel on ne dispose que de données contradictoires, ou quelque obscur martyr méditerranéen ?

Je vous suggère la lecture de l'article de L. Lemoine, "La Borderie et l'évangéliaire de Tongres" dans BMSAIV, t. 106 (2002), p. 49-64, qui donne à ma connaissance le dernier état de la question sur Servan et Servais et la controverse sur le patron initial de Saint-Servan-sur-mer, à compléter par la synthèse de B. Merdrignac en ligne ici.

On reparle plus tard de saint Corentin, si vous le voulez bien...

Cordialement,

André-Yves Bourgès

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Re: la chanson d'Aiquin et la mythologie gauloise

MessagePosté: Ven 29 Mai, 2009 23:44
de André-Yves Bourgès
Bonsoir,

Tous les anciens livres liturgiques, depuis le IXe jusqu'au XIIe siècle donnent la date du 1er mai pour le jour de la fête de saint Corentin ; mais la plupart de ceux du bas Moyen Âge et des siècles suivants donnent la date du 12 décembre, tout en conservant celle du 1er mai, devenue dès 1294 la fête de la translation du saint. Ainsi, distingue-t-on une saint Corentin d'été et une saint Corentin d'hiver. Je laisse aux spécialistes le soin de souligner que le 1er mai était une date importante du calendrier celtique.

En tout état de cause, l'auteur de la vita de saint Corentin vers 1235 - je me suis efforcé dans l'étude que j'ai consacré au dossier littéraire du saint, mentionnée dans un précédent message qu'il s'agissait de l'évêque de Quimper, Rainaud Le Gallic, (Renaldus gallicus), "français d'origine (de genere francus) - qui a utilisé un liber miraculorum du début du XIIe siècle (?), emprunte à ce texte un épisode miraculeux qui se situe dans le contexte de la fête du saint et de la foire tenue à cette occasion à Quimper le 1er mai. Si l'auteur primitif de la Chanson d'Aiquin dans la chronologie de son "sanctoral" a situé la fête de saint Corentin au 12 décembre, comme le suggère M. Deceneux, cela constitue un nouvel indice en faveur de la datation basse de la composition de ce poème (au plus tôt dans la seconde moitié du XIIIe siècle).

Cordialement,

André-Yves Bourgès

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Re: la chanson d'Aiquin et la mythologie gauloise

MessagePosté: Sam 30 Mai, 2009 12:45
de André-Yves Bourgès
Bonjour,

L'ermite Corentin chante la messe de saint Martin, dit le poète de la Chanson d'Aiquin : l'allusion est peut-être dictée par la rime, mais il faut noter que la vita de l'évêque de Quimper, qui présente effectivement ce dernier comme un ermite, sert à "normaliser" les rapports de l'évêché avec Tours : l'hagiographe souligne que Corentin a été consacré par saint Martin, au siège de la métropole. C'est donc clairement nier l'autorité de l'évêque de Dol en faveur de laquelle au contraire la Chanson d'Aiquin constitue comme on l'a dit un "manifeste".

L'arrivée d'Aiquin et de ses troupes à l'ermitage de Corentin me paraît constituer le doublet en négatif de la visite de Grallon venu chasser dans les parages avec sa suite, telle que la vita nous en fait le récit.

Bien cordialement,

André-Yves Bourgès

Re: la chanson d'Aiquin et la mythologie gauloise

MessagePosté: Lun 01 Juin, 2009 11:30
de feu de l'eau
Il y a tout compte fait, des arguments de Déceneux contestables mais pas tous, un grand doute reste...
Que l'auteur original se soit appuyé sur un texte qui retranscrivait un mythe gauloi rien ne permet de le prouver et en fin de compte ça paraît un peu gros.
Mais cette chanson qui a très certainement été une éloge de l'archevêché de Dol, a été faite pour le peuple. Il ne s'agissait pas de convaincre directement les grandes instances éclésiastiques, c'est en quelque sorte une propagande pour les populations de la région dont l'auteur recherchait le soutien. C'est pour cette raison, il me semble, que l'auteur s'est fondu dans le moule des croyances et mémoires locales.
Je n'ai pas les clés pour fouiller en détail ce texte mais dans une vue d'ensemble, c'est à dire l'histoire de la reconquête du monde par l'armée des dieux (ou de dieu) sur les forces démoniaques, la reconquête de la souveraineté qu'est cette impératrice la plus belle du monde qui quitte le roi des démons pour redonner la royauté aux dieux, reste pour moi l'essentiel de ce texte, avec tous ses temps forts discutés précédemment.
AYB, un grand merci pour toutes ces précisions hagiographiques, j'en ai pas encore apprécié toutes les subtilités, c'est tout un monde a explorer et à reconquérir, je suis heureux d'avoir pu y mettre un pied grâce à vos explications. Je vais m'intéresser d'avantage à Corentin et découvrir Servais et Servan...
Voilà pour les dates qui se suivent chronologiquement, données implicitement par les saints mentionnés les un après les autres au fil du texte:
-saint Etienne 26 décembre
-pentecôte 14 juin (avec la précision pentecôte en été)
-saint Servan 1er juillet
-saint Pierre (saint pierre aux liens) 1er aôut
-saint Martin 11 novembre
-saint Corentin 12 décembre
Cycle annuel qui serait implicite dans le texte. Il y a sûrement des éléments discutables, et déjà discutés précédemment par M Bourgès.

Re: la chanson d'Aiquin et la mythologie gauloise

MessagePosté: Lun 01 Juin, 2009 13:40
de Séléné.C
Se fondre dans les croyances antérieures pour constituer laa légende d'un saint, ça n'est pas un cas unique, c'est presque une généralité !

Sur ce sujet, j'ai récemment commencé à lire "Mythologie chrétienne /^Fêtes, rites et mythes du Moyen-Age", de Philippe Walter (je l'ai mis en attente quelques jours, j'ai un autre bouquin sur le Moyen-Age à finir).
Pour ce que j'en ai déjà lu... Bien simple : j'aurais dû avoir ça sous la main quand j'ai eu, en Fac, un exposé à faire sur les survivances du paganisme ! :D Y'en a plus là-dedans que dans tout ce que j'ai pu, à l'époque, trouver à la BU...

:cry: Mais Saint Corentin n'a pas l'air de figurer dans l'index (ni Aiquin)