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Re:

MessagePosté: Jeu 18 Juin, 2009 11:15
de Gwenedal
Taliesin a écrit: Bon, reprenons avec la ligne Loth et Luzanger : extrait de l'article de J. Loth : "les langues romane et bretonne en Armorique" :

« Derval, Luzanger et Fait : les trois noms ont évolué d’une façon française. Un certain nombre de chartes anciennes les concernent : Fait (ou villa Faito) était en Luzanger. Charte de 816 : (Cart. Redon, p. 175) : Acfrudis, avec le consentement de son mari Arluin vend à son neveu Agon des terres en Fait ; l’acte est signé à Luzanger (ou Condita Lubiacense) : tous les signataires ont des noms germaniques : Botheleno, Bocseno, Hermenfredo, Renulfo, Gairaldo, Herminono, Bertolago, etc. Il en est de même dans la charte de 819 concernant Derval et Fait.[…] En revanche, dans la même zone, en 864 (p. 45), nous avons une villa Bot-Catman, objet de donation de Austroberte et son mari Uuandefred : l’acte est signé au monastère de Moe (ou Mouais) en Luzanger ; ici, les signataires sont Bretons moins Lanfred, Tetcrim, Lanbert : de même dans la charte de 868, p. 173 : 17 témoins dont quelques-uns de Cornou (paroisse disparue, sur le Cher/Kaer) ont des noms bretons, contre un Rather. Nous assistons ici à une prise de possession des terres d’Ostroberthe et Wandefred. En effet, c’est Hirdran, envoyé de Salomon qui remet à Saint-Sauveur de Redon les alodos Austroberte cédés en 864 sitos in loco nun-cupante Faito sive Bot-caman, sive Isartio. Une charte de 830 (p. 177) nous donne un champ breton : Pul Uuerno en Bot-catman, vendu par Aicus à Wandefred et Austroberta ; les signataires ont des noms germaniques. »

On voit que jusqu’en 819, la zone de Luzanger est romane à 100%. En 864, elle est majoritairement bretonne. En 830, un champ au nom breton fait l’objet d’une vente entre propriétaires romans. En 864, au contraire, il s’agit d’un don de ces propriétaires à l’abbaye de Saint-Sauveur de Redon.

On peut rapprocher ces faits des conséquences de la bataille de Jengland-Beslé, le 22 août 851 : la victoire d’Erispoë sur Charles le Chauve permet au fils de Nominoë d’agrandir son territoire des comtés de Rennes, Vannes et du pays de Retz. La Bretagne s’étend jusqu’à Angers.
Un an plus tard, le 23 août 852, Erispoë donnait aux moines de Redon les randremes de Mouais et d’Aguliac situé dans la paroisse de Fougeray, où se trouve justement Jengland. C’est dans le monastère de Mouais, propriété récente de l’abbaye de Redon que fut signée la donation de Ostroberthe et Wandefred en 864.



Bonjour Taliesin,

Je me permets d'exhumer ce fil pour quelques réflexions.

On s'étonnera que CATMAN, personnage éponyme de la villa BOTCATMAN, soit absent de tous les acte du IXè siècle concernant Lusanger : c'est étonnant pour un personnage aussi important, créateur d'un domaine. Il n'apparait ni comme signataire, ni comme témoin. Or les actes du Cartulaire fournissent habituellement des listes de noms complètes grâce auxquelles on a pu par exemple détecter l'existence de CATTE, éponyme du village de Trégaté en Batz-sur-Mer, et SCAELAN, éponyme de Trescalan en La Turballe. Ma déduction est par conséquent que CATMAN a vécu à Lusanger bien avant 830, date du premier acte concernant ce domaine. Si BOTCATMAN se montre pour la première fois en 830, ce toponyme est probablement de création plus ancienne.

Quant aux noms d'hommes germaniques, cela ne prouve absolument rien : en Pays de Retz occidental au XIè siècle, tous les noms de seigneurs sont bretons, dans un environnement manifestement roman (cas des seigneurs du Migron), avec certes quelques foyers temporaires de langue bretonne.

A Lusanger au début du IXè s. nous sommes en zone franque, sous administration franque, avec des seigneurs qui ne deviendront bretons qu'après 851 (d'où cet afflux de patronymes bretons constaté par Loth). La mode des noms d'hommes puisant dans tel ou tel strat linguistique est un phénomène bien connu des amateurs d'onomastique : noms germaniques sur tout le domain roman (chez des gens parlant une langue latine), noms bretons au nord de la Bretagne romane au Moyen Age (chez des gens parlant également une langue latine)... et probablement noms germaniques chez les populations bretonnantes de la Marche de Bretagne au IXè siècle. Le rapport avec la pratique d'une langue est loin d'être évident. A la fin du Moyen Age en pays guérandais, des dizaines de noms de lieux en KER ont été formés sur des noms d'homme romans : Kergéraud, Kermalinge, Kermoureau... : cela signifie ni plus ni moins que les familles Géraud, Malinge et Moureau parlaient breton. Autres temps, autres moeurs, mais pourquoi Austroberthe et Wandefred n'en auraient-ils pas fait autant ?

Rappelons que dans l'acte daté de 830, des signataires aux noms germaniques traitent la vente de lieux dénommés BOTCATMAN et PULUUERN(O) : la contradiction saute aux yeux.

Tout ceci n'est bien sûr qu'hypothèse.

Re: La ligne loth

MessagePosté: Lun 07 Sep, 2009 17:50
de gérard
Bonjour,
Les toponymes sont moins soumis à l'effet de mode que les noms de personnes. Conclusion: les bretons étaient présents à Lusanger avant 830 et pendant une durée suffisamment longue pour que les deux toponymes en question aient pu s'enraciner et être d'usage courant lors de la rédaction de la charte (même si le roman commençait peut-être à reprendre le dessus dans la région à l'époque).

gg

Re:

MessagePosté: Mer 09 Sep, 2009 9:29
de Gwenedal
Taliesin a écrit:Si on compare la limite jaune foncé/jaune clair avec la ligne Loth, on voit que ça correspond, sauf pour le secteur de Nort/Erdre.


Non, ça ne correspond aucunement avec la ligne Loth représentée dans 99,9 % des ouvrages sur la Bretagne, qui est celle-ci : "partant des bords de la Loire, à gauche de la ville de Donges, (…) en passant par Brambu, Cambon, Quéhillac, Quilly, Le Gâvre, Pierric, Fougeray." Source : Joseph Loth, L'émigration bretonne en Armorique.

C'est la fameuse ligne "Mont-St-Michel / St-Nazaire " dont on entend encore parler en 2009, et qui, si on la trace, exclut 50 km de zone bretonnisée en Loire-Atlantique. Elle a la peau dure, cette ligne : on la trouve dans tous les ouvrages.

Petite réflexion : pour rater Nort-sur-Erdre qui compte des noms comme Coetzic, Languin ou Carcavent, fallait y aller ! Je pense que Loth a été influencé par les noms de paroisses... ce qui ne l'a pas plus empêché de manquer Treffieux, nom de paroisse bien breton à l'est de sa ligne. Les linguistes de ce temps-là, pétris de mythes en tous genres, voulaient à tout crin faire coller la zone de toponymie bretonne avec celle des Plous et compagnie : or ça ne fonctionne pas en Pays Nantais. Mieux valait donc ignorer une vaste zone ne cadrant pas avec leurs théories.

Taliesin semble penser que le breton a été parlé 5 minutes en Pays Nantais et que cela ne vaut guère plus que le breton parlé temporairement dans les monastères d'Anjou et de Normandie, ainsi qu'au Havre ou à Paris je suppose. Je ne saurai trop le mettre en garde contre ce genre d'idées préconçues : il existe une vaste zone bretonne au niveau de l'organisation religieuse et agricole (frairies, champs ouverts) qui va jusqu'à l'Erdre et aux portes de Nantes, ville où nous trouvons Le Loquidy (Losquidic 1076) et Carcouët (Carcouet et Kercouet XVe s.). Mais on n'a pas fini d'entendre, encore et toujours, la fameuse sentence : "le breton n'a jamais été parlé à Nantes".

La toponymie bretonne du Pays Nantais réserve en réalité de grosses surprises, et pose des questions fondamentales sur la propagation de la langue bretonne : c'est à mon avis un sujet méconnu et dédaigné par la plupart des linguistes bretons, hormis J-Y. Le Moing qui a commencé à effleurer certaines réalités, ou encore Erwan Vallérie. C'est un grand chantier en friche qui mériterait un ouvrage de référence.

Re: La ligne loth

MessagePosté: Mer 11 Nov, 2015 15:40
de gérard
Mes observations sur la structure inédite découverte par Jean-Claude Meuret en forêt de Domnaiche sont ici:

http://academia-celtica.niceboard.com/t ... uret#23511