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Actualité du blog Hagio-historiographie médiévale

MessagePosté: Sam 20 Juin, 2015 19:42
de André-Yves Bourgès
Bonsoir,

Nous vous informons de la mise en ligne sur notre blog d'une nouvelle notule "colombanienne" :

Dans les prisons de Nantes (sur un air connu) : l’arrière-plan de la fuite de Colomban, de Nantes à la cour de Clotaire

Avis et commentaires bienvenus.

Cordialement.

Re: Actualité du blog Hagio-historiographie médiévale

MessagePosté: Dim 21 Juin, 2015 18:45
de Muskull
Merci André-Yves
Question de Candide:
Pourquoi quitter la belle et verte Irlande pour les miasmes continentaux, et ne pas vouloir y retourner ?
Une "mission divine" sans doute où l'appel des vins de Loire ce qui équivaut... :)

Sinon j'ai lu quelques approximations sur des communautés monacales en Irlande de "chrétiens celtiques", des villages en fait où vivaient les moines, leurs épouses et enfants. Les "prêtres" aussi pouvaient se marier. Tout ceci vers le v° siècle, ce qui ferait penser à des communautés païennes (druidiques) christianisées.
Je ne sais s'il y a des sources historiques à ce propos ou si c'est un fantasme de l'auteur (lit trop, me rappelle plus son nom...)
Désolé d'être plébéien face à ta noble érudition millésimée.

Re: Actualité du blog Hagio-historiographie médiévale

MessagePosté: Lun 22 Juin, 2015 0:07
de André-Yves Bourgès
Bonsoir Muskull,

Et merci de ton intérêt, ainsi que de tes appréciations.

Question de Candide:
Pourquoi quitter la belle et verte Irlande pour les miasmes continentaux, et ne pas vouloir y retourner ?
Une "mission divine" sans doute où l'appel des vins de Loire ce qui équivaut... :)
.

La réponse à ta question figure dans la vita de Colomban par son hagiographe, Jonas de Bobbio (lib. I, cap. 4) ; mais elle est laconique à souhait :
Peractis itaque annorum multorum in monasterio circulis, coepit peregrinationem desiderare, memor illius Dominici imperii ad Abraham: "Exi de terra tua, et de cognatione tua, et de domo patris tui, et vade in terram quam tibi monstravero" (Après de nombreuses années passées dans ce monastère [celui de Bangor en Irlande], il [Colomban] commença d'aspirer à la pérégrination, se souvenant de l’ordre du Seigneur à Abraham : "Quitte ta terre, ta parenté, et la maison de ton père et va dans le pays que je te montrerai").

Quant au fait de ne pas vouloir retourner en Irlande, il se comprend par l'arrachement à la communauté de Luxeuil que Colomban avait fondée une vingtaine d'années plus tôt et dont il était toujours en charge : la lettre qu'il écrit à ses moines alors qu'il attend son embarquement forcé, est très belle, quoique désordonnée, et témoigne par ce désordre même de son affection pour sa communauté.

Sinon j'ai lu quelques approximations sur des communautés monacales en Irlande de "chrétiens celtiques", des villages en fait où vivaient les moines, leurs épouses et enfants. Les "prêtres" aussi pouvaient se marier. Tout ceci vers le v° siècle, ce qui ferait penser à des communautés païennes (druidiques) christianisées.
Je ne sais s'il y a des sources historiques à ce propos ou si c'est un fantasme de l'auteur (lit trop, me rappelle plus son nom...)


Je ne suis absolument pas un spécialiste de l'Irlande ; mais je suis réservé sur les éléments que tu rapportes : j'ai déjà exprimé mes réserves dans le cadre d'une discussion sur un autre forum (voir ici) et la conclusion tirée à cette occasion par Morcant me paraît plus susceptible de refléter la réalité que certains fantasmes d'archéologues, lesquels semblent oublier 1°) l'existence, en Irlande, mais aussi dans l'île de Bretagne et en Gaule mérovingienne, de grands monastères doubles (moines et moniales), mais non pas mixtes; 2°) la présence à proximité de ces établissements monastiques, de communautés rurales formant la familia laïque des religieux et des religieuses.

Bien cordialement.

Re: Actualité du blog Hagio-historiographie médiévale

MessagePosté: Lun 22 Juin, 2015 10:50
de Séléné.C
Je ne sais plus où, mais je me souviens avoir lu que le règle de Saint Colomban était très rigide, à propos de la façon de contrarier les tentations du corps, et prônait des ascèses très dures, l'autoflagellation etc.
Mais elle ne séparait pas les hommes et les femmes comme la règle de Saint Benoit
Il me semble qu'il était indiqué que c'était cette dureté de la règle qui avait fait préférer celle de Saint Benoit, plus facile à suivre.

Pas spécialiste du tout... Et je ne sais plus du tout où ni quand j'avais creusé sur Saint Colomban. Ni pourquoi.
Ceci étant, ce souvenir m'évoque simplement = deux approches différentes
L'une des deux règles met l'homme (ou la femme) en face de ses tentations et lui donne les moyens de se les interdire physiquement tout en l'obligeant à y réfléchir moralement. L'autre le (ou la) libère (point barre à la ligne) de ladite tentation


Me souviens avoir lu dans un roman une histoire de moines et moniales irlandais mariés et se baladant comme des laïcs ordinaire.
Peut-être ça qui m'avait amenée à "creuser" sur St Colomban ? En tous cas, j'étais restée sceptique.
Mais ça ressemble à la description donnée par Muskull (communauté druidique christianisée)

Re: Actualité du blog Hagio-historiographie médiévale

MessagePosté: Lun 22 Juin, 2015 16:51
de André-Yves Bourgès
Bonjour Séléné.

Je ne sais plus où, mais je me souviens avoir lu que le règle de Saint Colomban était très rigide, à propos de la façon de contrarier les tentations du corps, et prônait des ascèses très dures, l'autoflagellation etc.


Incontestablement, la règle bénédictine est apparue à tous, et aux premiers concernés, comme infiniment moins rude que la règle colombanienne. Elle est venue très vite atténuer la rigueur de cette dernière, ce qui implique que les monastères colombaniens ont suivi très tôt une règle "mixte".

Mais elle ne séparait pas les hommes et les femmes comme la règle de Saint Benoit
Il me semble qu'il était indiqué que c'était cette dureté de la règle qui avait fait préférer celle de Saint Benoit, plus facile à suivre.

Pas spécialiste du tout... Et je ne sais plus du tout où ni quand j'avais creusé sur Saint Colomban. Ni pourquoi.
Ceci étant, ce souvenir m'évoque simplement = deux approches différentes
L'une des deux règles met l'homme (ou la femme) en face de ses tentations et lui donne les moyens de se les interdire physiquement tout en l'obligeant à y réfléchir moralement. L'autre le (ou la) libère (point barre à la ligne) de ladite tentation


A ma connaissance, de telles pratiques de synéisaktisme (on a déjà parlé de cette ascèse ici) ne font l'objet d'aucune disposition spécifique dans la règle colombanienne. Elles ont bien existé cependant, et notamment en Irlande, mais sans ce caractère de généralité que certains, qui ne sont pas remontés aux sources veulent parfois leur donner. L'article fondateur et, pour l'instant, la référence toujours actuelle en français sur cette question, est l'étude bientôt centenaire de Dom L. Gougaud, « Mulierum Consortia: Étude sur le synéisaktisme chez les ascètes celtiques », Ériu, Vol. 9 (1921-1923), p. 147-156.

Me souviens avoir lu dans un roman une histoire de moines et moniales irlandais mariés et se baladant comme des laïcs ordinaire.
Peut-être ça qui m'avait amenée à "creuser" sur St Colomban ? En tous cas, j'étais restée sceptique.
Mais ça ressemble à la description donnée par Muskull (communauté druidique christianisée)


A l'inverse du synéisaktisme, l'évocation du mariage de moines et de moniales (endogène ? exogène ?) me paraît témoigner d'une méconnaissance profonde de ce qui "fonde" l'ordo monasticus : acceptable chez un romancier, qui a tous les droits, cela ne l'est pas de celui qui prétend faire travail d'historien, dont l'obligation première est de sourcer ses hypothèses.

Bien cordialement.

Re: Actualité du blog Hagio-historiographie médiévale

MessagePosté: Mer 24 Juin, 2015 17:17
de Séléné.C
Je citais ce souvenir de roman (un roman historique, de type "polar médiéval". les enquêtes de soeur Fidelma, il me semble) parce que le post de Muskull m'y a fait penser...
Et comme il ne sait plus où il a lu ça...

(note que moi non plus, pour Colomban)


Bonne journée, et bonne suite.

Re: Actualité du blog Hagio-historiographie médiévale

MessagePosté: Mer 24 Juin, 2015 18:27
de Muskull
Bonjour,
Oui c'est un livre de cet auteur qui m'est passé sous les yeux !
https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C5%93ur_Fidelma
Mais je ne sais pas si ses informations sur "l'église celtique" sont fondées ou romantiques... :?
Tout élément sérieux est bienvenu, c'est le VII° quand même, il devrait y avoir des traces. :?: Et si "traces" il y a, elles devraient intéresser aussi notre ami André-Yves, n'est-il pas ?

Re: Actualité du blog Hagio-historiographie médiévale

MessagePosté: Jeu 25 Juin, 2015 11:57
de Séléné.C
J'ai l'impression qu'il y a un mélange...

D'un côté le fait que les monastères colombaniens soient mixtes
De l'autre celui que le mariage des prêtres (nicolaïsme) n'ait été interdit, si ma mémoire est bonne qu'à partir du XII° siècle
[et principalement à cause des problèmes d'emprise sur les biens d'Eglise (simonie) que cela posait]
>>> l'auteur a dû se baser sur ça pour interpréter que les moines et moniales vivant ensemble pouvaient aussi se marier
>>> sauf que le clergé séculier (prêtres) n'est pas la même chose que le clergé régulier (moines & moniales)


Muskull = on a les mêmes lectures, dirait-on ! :wink:

Re: Actualité du blog Hagio-historiographie médiévale

MessagePosté: Jeu 25 Juin, 2015 17:59
de André-Yves Bourgès
Bonjour,

Je renvoie à nouveau à l'article de Dom Gougaud, qui donne des éléments précis sur le synéisaktisme. Cette pratique ascétique incontestablement surprenante, déjà connue au sein du christianisme oriental durant l'Antiquité tardive (cf. le témoignage de Jean Cassien), continue de faire fantasmer dans les chaumières ; mais, comme l'écrit Séléné, il convient d'éviter la confusion avec la question du mariage des clercs, lequel, en dépit de ses condamnations répétées par l'Eglise, a longtemps perduré et s'est prolongé sous la forme du concubinat. Ceci étant, nous n'avons sur cette question que les rappels à l'ordre de l'institution et les exemples de ceux qui étaient condamnés par elle : difficile de savoir à quoi cela pouvait réellement correspondre, en l'absence d'un corpus documentaire homogène et significatif (toujours le problème de la nature des sources qui biaisent leur questionnement, comme dans le cas de la problématique du nombre des trains qui arrivent en retard par rapport à ceux qui arrivent à l'heure !) Quant à la question du mariage des membres de l'ordo monasticus, elle est sans objet, d'autant que le monachisme, qui là encore était avant tout une affaire d'hommes et repoussait les femmes au dehors non seulement de la clôture, mais aussi des lieux de culte, a malgré tout permis aux femmes, particulièrement de l'aristocratie, d'échapper au mariage, quand celui-ci leur était imposé, même si cette motivation ne saurait évidemment être la seule. Tout ceci est assez bien connu et la bibliographie est abondante.

S'agissant des romans de Peter Berresford Ellis (parus sous le pseudonyme de Peter Tremayne), cela se lit avec plaisir ; mais c'est du roman : si le romancier a sans doute tous les droits en terme d'imagination créatrice, l'historien doit se cantonner au champ de l'hypothèse fondée. Qui irait chercher une source fiable sur l'histoire de l'Eglise dans les oeuvres romanesques de Dan Brown ?

Quant aux monastères où sont présentes ensemble des communautés féminines et des communautés masculines, il ne s'agit pas spécifiquement, comme il se voit par exemple à partir du XIe siècle à Locmaria de Quimper, à Saint-Sulpice de Rennes ou à Fontevraud, de monachisme colombanien, ni 'celtique', ni alto-medieval, même si traditions et influences diverses ont pu évidemment jouer leur rôle. En tout état de cause, il me paraît plus approprié de dire "monastère double", que "monastère mixte".

Cordialement,