Les campagnes de Jules César en Bretagne (fin de l'été 55 av. J.-C. et été 54 av. J.-C.)
Dans le cadre de la guerre des Gaules (58-51 av. J.-C.), César fut amené à intervenir à quatre reprises en périphérie de celle-ci pour combattre l'influence de peuples qui, directement ou indirectement, participaient à ces conflits. Ainsi, il franchit le Rhin à deux reprises pour affronter les Suèves (en été 55 av. J.-C. et au printemps / été 53 av. J.-C.) et traversa la Manche à deux reprises pour combattre les Bretons.
A la lecture de la Guerre des Gaules de César, les motivations des interventions en Germanie sont particulièrement claires, contrairement à celles des interventions en Bretagne. Ainsi, la première expédition de César en Bretagne (fin de l'été 55 av. J.-C.) n'est justifiée que par la volonté d'explorer l'île et d'entrer en contact avec ses habitants, lesquels avaient pris part à un certain nombre de combats en Gaule. Cette campagne fut mal préparée et exposa les troupes romaines à de graves déconvenues. De retour en Gaule, les Bretons ne respectèrent pas les accords conclus (automne 55 av. J.-C.) et un chef de cette île vint trouver refuge auprès de César et réclamer son aide (automne 55 / été 54 av. J.-C.). Bien que César ne l'indique pas clairement, ces deux événements lui servirent certainement à justifier sa seconde expédition en Bretagne (été 54 av. J.-C.). De l'avis de Dion Cassius, César voulait conquérir cette île et cherchait n'importe quel prétexte pour y intervenir de nouveau (Histoire romaine, XL, 1). Pourquoi César s'obstinait-il à vouloir conduire des troupes dans cette île lointaine ? Selon Florus (Abrégé de l'Histoire romaine, III, 11), Plutarque (Vies parallèles des hommes illustres : Vie de Jules César, XVII), Velleius Paterculus (Histoireromaine, II, 46) ou encore Jordanès (Histoire des Goths, II), la motivation réelle de cette entreprise était avant-tout le prestige de mener une guerre au-delà des bornes du monde connu, dans une région que même Heraclès, Dionysos et autres héros classiques n'avaient pas abordé (Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, V, 21). De son côté, Suétone prétend que César n'était animé que par l'espoir de trouver en Bretagne des perles, des pierres précieuses et autres richesses, ce qui n'est que peu crédible (Vies des douze Césars : Vie de Jules César, XLVII).
Officiellement, bien que les Romains ne se soient pas fixés sur cette île, les Bretons furent dés lors tributaires de Rome. Rien ne permet d'affirmer que les Romains purent imposer le versement de ce tribut sur la durée, cependant, à partir de cette époque, Rome devint un partenaire commercial et diplomatique privilégié pour les peuples bretons du sud de l'île, jusqu'à la conquête de la Bretagne par Aulus Plautius (43-47 ap. J.-C.).
Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, V, 21 :"Après avoir parlé de l'océan Libyen et des îles qui s'y trouvent, nous allons passer en Europe. Près de la Gaule baignée par l'Océan, et en face des monts Hercyniens, qui passent pour la plus grande forêt de l'Europe, sont plusieurs îles, situées dans l'Océan, dont la plus grande est l'île Britannique. Aucune armée étrangère n'avait anciennement pénétré dans cette île. Bacchus, Hercule, ni aucun autre héros ou souverain n'y avaient jamais porté la guerre. De nos jours, Jules César, divinisé pour ses exploits, est le premier qui ait subjugué cette île. Après avoir dompté les Bretons, il les força à payer tribut. Mais nous parlerons de cela avec détail en temps convenable."
Dion Cassius, Histoire romaine, XL, 1 :"Aussitôt que la saison permit de mettre à la mer, il repassa en Bretagne, alléguant que les Bretons, qui s'imaginaient qu'il ne les attaquerait pas de nouveau, parce qu'il n'avait pas réussi dans sa première entreprise, ne lui avaient pas envoyé tous les otages qu'ils lui avaient promis ; mais, en réalité, il désirait ardemment de s'emparer de cette île, et s'il n'avait pas eu ce prétexte, il en aurait trouvé un autre."
Florus, Abrégé de l'Histoire romaine, III, 11 :"Après avoir tout réglé sur terre et sur mer, il tourna les yeux vers l'océan, et, comme si le monde conquis ne suffisait pas aux Romains, il songea à en conquérir un autre."
Jordanès, Histoire des Goths, II :"Maintenant je vais décrire, autant qu'il sera en moi, et en peu de mots, l'île de Bretagne, située au sein de l'Océan, entre les Espagnes, les Gaules et la Germanie. Quoique, selon Tite-Live, personne de son temps n'en eût encore fait le tour et n'en connût la grandeur, un grand nombre d'auteurs n'ont pas laissé d'émettre sur cette île diverses opinions, d'après lesquelles nous pouvons en parler. Que de temps n'était-elle pas restée fermée aux armes romaines, quand Jules César en ouvrit l'accès par des combats où il ne cherchait que la gloire !"
Plutarque, Vies parallèles des hommes illustres : Vie de Jules César, XVII :"L'expédition contre les Bretons témoigna de sa merveilleuse audace. Il fut le premier qui pénétra avec une flotte dans l'Océan occidental, et qui transporta une armée à travers la mer Atlantique pour aller faire la guerre. Cette île, dont l'existence était mise en doute, à raison de l'étendue qu'on lui attribuait ; cette île, qui avait été un sujet de contestation entre tant d'historiens, qui ont cru qu'elle n'avait jamais existé, et que tout ce qu'on en débitait, jusqu'à son nom même, était une pure fable, César tenta d'en faire la conquête, et porta au delà de la terre habitable les bornes de l'empire romain."
Suétone, Vies des douze Césars : Vie de Jules César, XLVII :"On dit qu'il n'alla en Bretagne que dans l'espoir d'y trouver des perles, et que, pour en comparer la grosseur, il les soupesait parfois dans sa main ; qu'il recherchait toujours avec une incroyable avidité les pierres précieuses, les vases ciselés, les statues et les tableaux antiques ; qu'il payait un prix exorbitant les esclaves bien faits et bien élevés, et qu'il défendait de porter cette dépense sur ses livres de compte, tant il en avait honte lui-même."
Velleius Paterculus, Histoireromaine, II, 46 :"A ce moment, Caius César accomplissait en Gaule des exploits extraordinaires que plusieurs volumes suffiraient à peine à raconter. Non content d'avoir été vainqueur en tant de combats si heureux et d'avoir tué ou pris d'innombrables milliers d'ennemis, il faisait passer son armée en Bretagne, comme s'il cherchait un nouveau monde pour notre empire et pour le sien. De leur côté, les deux consuls Cneius Pompée et Marcus Crassus commençaient un second consulat."