La porte (du territoire) des Boïens, ou le marché des Boïens
Boiodurum / Βοιοδουρον - Nom donné à un fort romain du limes du Norique, limitrophe avec la province de Rhétie. Il s'agît de l'actuel quartier d'Innstadt-bei-Passau (Passau, Bavière), à la confluence de l'Inn et du Danube. Cette localité fut mentionnée pour la première fois au milieu du IIe s. ap. J.-C. par Ptolémée (Géographie, II, 12, 5) sous la forme Βοιοδουρον, puis l'Itinéraire d'Antonin (249, 5) sous la forme Bolodoro (var. Boiodoro et Boladoro), la Table de Peutinger sous la forme Castellum Bolodurum ou encore Boiodoro dans la Registre des Dignitaires (occ. XXXIV, 44). Deux attestations lapidaires sont également connue. Le première provient d'un autel dédié à Mithra provenant de Hrastnik pri Trojanah (Zagorje ob Savi, Slovénie), sur lequel on apprend qu'existait un poste de douanes dénommé STATIONIS BOIOD[V(RENSIS)] "poste des Boiodurenses (habitants de Boiodurum)" (CIL 03, 5121). Sur la seconde, la borne milliaire d'Engelhartszell (CIL 03, 5755 ; 11846 ; AE 2002, 1113), cette même localité est dénommée BOIIODVRV. Ce toponyme est gaulois, il s'explique par le terme boios qui signifie "frappeur / terrible / actif", ou la racine *bogio- / boio- "briser / pourfendre", associé à -duron "porte / marché / place / domaine". La localisation de ce poste, le long du limes du Norique laisse entrevoir une explication alternative à ce toponyme. En effet, des troupes auxiliaires étaient souvent cantonnées dans les forts du limes et Boiodurum se situait dans le voisinage immédiat du territoire des Boïens de Bohème (lesquels étaient installés de l'autre côté du Danube). Aussi séduisante que soit cette hypothèse, elle se heurte cependant au fait qu'aucun élément n'indique que des auxiliaires issus de ce peuples combattirent dans les rangs romains. Ce constat ne permet cependant pas de rejeter ce rapprochement avec les Boïens de Bohème, si on envisage un hypothèse alternative : le fait que le territoire de ce peuple ait pu, par le passé, s'étendre jusqu'aux bornes de la Rhétie et que ce toponyme en conserve le souvenir. Autre hypothèse, celle d'un nom se rapportant à un détachement de Boïens de Pannonie qui, de manière certaine, servirent comme auxiliaires dans les rangs romains. Dans ces trois derniers cas, Boiodurum aurait signifié "la porte (du territoire) des Boïens" ou "le marché des Boïens". X. Delamarre (2007 ; 2019), préfère l'interpréter par "le marché" ou le "domaine de Boios" (1).
Notes
(1) Pour Xavier Delamarre "-duron, désigne habituellement la cour du domaine d'un seigneur".
Sources épigraphiques
Borne milliaire d'Engelhartszell (CIL 03, 5755) IMP(ERATOR) CAESAR M(ARCVS) AVRELIVS ANTONINVS PIVS FELIX AVG(VSTVS) PART(HICVS) MAXIMVS BRIT(ANNICVS) MAXIMVS TR(IBVNICIA) P(OTESTATE) X[V IMP(ERATOR) III CO(N)S(VL) DESIGN(ATVS) IIII] VIAM IVXTA AMNEM DANVVIVM FIERI IVSSIT A BOI[I]ODVRV IN SALOATO M(ILIA) P(ASSVVM) XV
"À l'empereur César Marcus (Severus) Aurelius Antoninus, pieux, heureux, Auguste, grand Parthique, grand Britannique, revêtu 15 fois du pouvoir tribunicien, 3 fois imperator, désigné consul 4 fois, qui a ordonné la réalisation de la voie jouxtant le cours du Danube. De Boiodurum à Saloatum, 15 mille pas."
Inscription de Hrastnik pri Trojanah (Zagorje ob Savi) (CIL 03, 5121) D(EO) I(NVICTO) M(ITHRAE) EVTYCHES IVLIOR(VM) C(ONDVCTORVM) P(ORTORII) P(VBLICI) SER(VVS) C(ONTRA)S(CRIP)T(OR) STATIONIS BOIOD[V(RENSIS)] EX VIK(ARIO) BENIGNI VIL(ICI) STAT(IONIS) ATRANTIN(AE) ARAM CVM SIGNO LVNAE EX VOTO POSVIT PR(O)S(EDENTE) T(ITO) CLA(VDIO) SENILL(O)
"Au dieu invincible Mithra, Eutyches, esclave public des Iulii au service des douanes, contrôleur au poste des Boiodurenses, ancien intendant du vicaire Benignus au bureau des Atrantins, a édifié cet autel avec une statue de Luna, conformément à son voeu. Présidé par Titus Claudius Senillus."