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An den koz dall / Le vieillard aveugle

Forum consacré aux mythes ainsi qu'aux domaines de la spiritualité et de la religion...

Modérateurs: Pierre, Guillaume, Patrice

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38 messages • Page 2 sur 3 • 1, 2, 3

Messagede Taliesin » Ven 06 Jan, 2006 18:17

Au temps pour moi, j'avais oublié que les Québécois n'étaient pas les seuls francophones du Canada. D'ailleurs, j'ignorais complètement l'existence des Franco-manitobains.


Bon, j'ai complété la traduc du vieillard aveugle, sauf deux strophes assez obscures pour lesquelles je vais de ce pas ouvrir un fil en linguistique
Les Bretons sont plus grands et mieux proportionnés que les Celtes. Ils ont les cheveux moins blonds, mais le corps beaucoup plus spongieux.
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Messagede Leucobena » Ven 06 Jan, 2006 22:48

C'est gentil, le breton pour moi, je ne sais pas si ce sera dans cette vie-là... :oops:
Aucune troupe ne peut venir à bout d'un seul gaulois, si celui-ci a appelé sa femme à la rescousse. (Ammien Marcellin résumé à la louche...)
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Messagede ejds » Dim 08 Jan, 2006 10:46

Taliesin a écrit: "C'est un vieillard aveugle, ce pauvre vieillard couvert de guenilles est horrible à voir : quand il chante, sa bouche se tord en une affreuse grimace et ses yeux voilés d'une membrane blanchâtre, roulent dans leurs orbites comme des yeux de pigeon"
(Luzel, cité par Daniel Giraudon)

Si une poule aveugle peut quelquefois trouver son grain … : :?

AVEUGLE

1. C’est sans doute en raison des sculptures, qui représentent un Homère aveugle, que la tradition fait de l’aveugle un symbole du poète itinérant, du rhapsode, du barde, du trouvère et du troubadour. La raison peut en être aussi que des pauvres aveugles chantent dans les rues pour recevoir l’aumône. Mais là non plus, nous ne dépassons pas l’allégorie.

Les vieillards aussi sont présents sous les traits de l’aveugle, car les cultures dont sont issues les nôtres viennent des pays du soleil, néfastes pour les yeux éblouis d’une lumière trop crue ; beaucoup d’hommes perdaient la vue ; l’aveugle symbolise alors la sagesse du vieillard.

Les devins aussi sont généralement aveugles, comme s’il fallait avoir les yeux fermés à la lumière physique pour percevoir la lumière divine. Leur cécité est parfois un châtiment infligé par les dieux, les devins abusant de leur don de clairvoyance pour regarder la nudité des déesses, ou offenser de quelques manières les dieux, ou divulguer les secrets de l’arcane. Tirésias le devin fut privé de la vue par Athéna, parce qu’il l’avait regardée se baignant ; Oedipe se creva spontanément les yeux, en expiation de son double crime. Tobie devint aveugle durant son sommeil : mais du fiel de poisson administré par son fils, sur l’ordre de l’ange Yahvé, lui ouvre les paupières. Samson perd la vue après une faute contre Yahvé ; etc.

Les dieux aveuglent ou rendent fous ceux qu’ils veulent perdre, et parfois sauver. Mais s’il plaît aux dieux, le coupable recouvre la vue : ils sont les maîtres de la lumière. Tel est le sens, notamment des miracles de Jésus guérissant les aveugles. De tels miracles furent attribués dans l’Antiquité à Indra, à Athéna, etc.


... au royaume des aveugles, les borgnes sont rois : :?

2. Les Cyclopes* n’avaient qu’un œil au milieu du front ; ils étaient maîtres du Tonnerre, de l’Eclair, de la Foudre, semblables par leur violence soudaine à des éruptions volcaniques, symboles de la force brutale au service de Zeus.
Mais ayant encouru la colère d’Apollon*, dieu de la sagesse, ils furent tués par lui. Si deux yeux pour l’humanité correspondent à l’état normal, trois à une clairvoyance surhumaine, un seul révèle un état assez primitif et sommaire des capacités de comprendre. L’œil unique, au milieu du front, trahit une récession de l’intelligence, ou son commencement, ou la perte du sens de certaines dimensions et de certains rapports.

Chez les Celtes, la cécité constitue normalement uns disqualification au sacerdoce ou à la divination. Mais, par contre-initiation, un certain nombre de personnages mythique irlandais doués de voyance sont aveugles. C’est quand ils cessent d’être aveugles qu’ils perdent leur don de voyance (OGAC, 13, 331 sqq).

Peut-être la vision intérieure a-t-elle pour sanction ou pour condition le renoncement à la vue des choses extérieures et fugitives.

Des ascètes hindous croient parvenir à l’illumination spirituelle en fixant des yeux un soleil éblouissant et ardent jusqu’à en perdre la vue. L’aveugle évoque l’image de celui qui voit autre chose, avec d’autres yeux, d’un autre monde : il est moins senti comme un infirme que comme un étranger.


Leurs yeux, d’où la divine étincelle est partie,
Comme s’ils regardaient au loin, restent levés
Au ciel ; on ne les voit jamais vers les pavés
Pencher rêveusement leur tête appesantie.
… Ils traversent ainsi le noir illimité,
Ce frère du silence éternel…


(Beaudelaire).


Dictionnaire des Symboles
Jean Chevalier, Alain Gheerbrant - Editions Seghers, 1974, p.146, 147.

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Messagede ejds » Ven 13 Jan, 2006 12:18

Pour revenir sur les Cyclopes et les borgnes : :wink:

CYCLOPE

1. Le démon est souvent représenté, dans la tradition chrétienne, avec un seul œil au milieu du visage : ce qui symbolise la domination des forces obscures, instinctuelles et passionnelles. Livrées à elles-mêmes, non assumées par l’esprit, elles ne peuvent que jouer un rôle destructeur, dans l’univers et dans l’homme. Le Cyclope de la tradition grecque est une force primitive ou régressive, de nature volcanique, qui ne pourra être vaincu que par le dieu solaire, Apollon. Le Cyclope réunit en lui deux traditions, celle du forgeron, serviteur de Zeus et d’Héphaïstos, qui manie la foudre pour les dieux ; et celle du monstre sauvage, d’une force prodigieuse, tapi dans les cavernes, dont il ne sort que pour la chasse. C’est à ces êtres fabuleux que la légende attribue les monuments dits cyclopéens, à Mycènes notamment, pour l’énormité des pierres qu’ils superposent et qui pèsent jusqu’à 800 tonnes. Un de ces Cyclopes a laissé dans la poésie un souvenir de violence maîtrisée et de douceur mélancolique – malgré ses repas d’anthropophage et les rochers qu’il lançait brutalement sur les hommes – d’une douceur bafouée par la belle Galatée, indifférente à ce grand cœur d’airain, qui brûlait d’amour pour sa grâce légère. Albert Samain a tiré de cette légende un poème musical, Polyphème, porté sans grand succès sur la scène de l’Opéra.

2. La mythologie celtique ne possède pas de cyclope proprement dit, mais des séries entières de personnages sombres, n’ayant qu’un seul œil, un seul bras, une seule jambe, et affligés par surcroît de difformité et de gigantisme. Ils symbolisent la partie noire ou titanesque de la création et la légende irlandaise les assimile de ce fait aux puissances mauvaises ou infernales. Cependant, ils restent en relations constantes d’apparentement avec les dieux célestes ou clairs. Quelques-uns peuvent servir de prototypes. L’irlandais Balor avait un œil qui pouvait à lui seul paralyser toute une armée ; le dieu Lug le tue d’une pierre de fronde. L’équivalent gallois, Yspaddaden Penkawr, a la même capacité physique, et il est le père d’une fille, qui est demandée en mariage par Kulhwch, lequel correspond fonctionnellement au dieu Lug. En somme, le Cyclope évoque la puissance des dieux ou la violence des éléments, une force brutale déchaînée, qui échappe à l’empire de l’esprit.

Dictionnaire des Symboles
Jean Chevalier, Alain Gheerbrant - Editions Seghers, 1974, p. 160, 161.

BORGNE

Un héros romain, Horiatus Coclès, était borgne : le regard farouche de son œil unique suffit à paralyser l’ennemi et lui interdire le passage du pont Sublicius, qui ouvrait l’accès de la ville. Un dieu de la mythologie scandinave, Odinn, a également perdu un œil : mais il a acquis la vison de l’invisible, il est le dieu de la souveraineté magique ; dans la guerre, il immobilise ou foudroie l’ennemi par son pouvoir de fascination.

L’œil unique du borgne est un symbole de clairvoyance et du pouvoir magique enfermé dans le regard. De même, le bancal, le boiteux*, le manchot semblent posséder, du fait de leur infirmité ou de leur amputation, des capacités exceptionnelles dans le membre sain qui leur reste, comme si elles étaient, non pas diminuées, ni même doublées, mais décuplées, ou plutôt, comme si elles étaient transposées sur une autre plan. Dans la dialectique du symbole tout se passe comme si la privation d’un organe ou d’un membre était compensée par un accroissement d’intensité dans l’organe ou le membre restant.

Dans les Eddas, Allfôdr vient à la source de Minâ qui recèle science et sagesse. Il demande de boire à la source, mais il ne l’obtient pas, avant d’avoir mis son œil en gage. Il sacrifie un certain pouvoir de vision à un autre pouvoir, celui qui lui confère une vision sublimée, l’accès à la science divine.

Gustave Courbet notait : J’y vois trop clair, il faudrait que je me crève un œil.

Dictionnaire des Symboles
Jean Chevalier, Alain Gheerbrant - Editions Seghers, 1974, p. 220.


Horatius Le Borgne
Taliesin a écrit:Autre borgne, le romain Horatius Cocles, que Dumézil rapproche d'Odin (Mythe et épopée, p. 451-456). Mais, à priori, pas de don de voyance chez Horatius.

Mais seul contre une armée, ne devient-il pas par son exploit un équivalent mythologique et héros "historicisé", non seulement d'Oðin, mais aussi de Balor ? :?

L'héroïsme d'Horatius Coclès

( = Horatius Le Borgne) (507 avant J.C.)

A lui seul, il contient l'armée étrusque du roi Porsenna pendant que, derrière lui, les Romains coupent le Pont Sublicius.

http://www.ac-versailles.fr/pedagogi/an ... rom0t5.htm

Promenant des regards terribles et menaçants sur les principaux Etrusques, tantôt il les défie individuellement, tantôt il s'en prend à tous: "esclaves de tyrans orgueilleux, ils ne pensent plus à leur propre liberté et viennent attenter à celle d'autrui". Ils hésitèrent un moment, se consultant l'un l'autre du regard pour engager le combat. Puis, poussés par la honte, ils s'ébranlent en masse, et, avec un cri, lancent à la fois leurs javelots sur leur unique adversaire. Les traits se plantèrent tous dans le bouclier dont il se couvrait et lui n'en demeurait pas moins solidement campé pour barrer tout le pont. Déjà, ils se jetaient sur le héros pour tâcher de le culbuter, quand le fracas du pont qui se rompait, joint aux cris de joie des Romains devant le succès de leur entreprise, frappant les assaillants d'une frayeur soudaine, suspendit leur élan. Alors Coclès s'écria: "Vénérable et saint dieu du Tibre, je t'en prie, reçois ce guerrier et ses armes dans tes eaux et sois lui favorable." Alors, tout armé, il plongea dans le Tibre et, malgré tous les projectiles qu'on lançait sur lui, il parvint à la nage sain et sauf jusqu'aux siens.

Tite Live, Histoire Romaine, II, 10

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Messagede Muskull » Sam 14 Jan, 2006 17:24

Le mythe du gardien du gué est très ancien. En Espagne et ailleurs il y a des peintures rupestre représentant des guerres tribales du néolithique où le gué est représenté (Sentier de la guerre / Guilaine et Zamit).
L'on se souvient de Cuchulain gardien du gué dont le front s'enflamma sous la fureur guerrière, le rendant aveugle à l'Eros...
A rapprocher aussi du massacre des prétendants commis par Odysséus après avoir, comme épreuve, transpercé tout les "yeux" alignés de haches, objets cultuels de la Grèce archaïque. Réduisant ainsi à néant leurs prétention à la souveraineté...

L'on peut aussi se poser la question du sens symbolique profond de cette prophétie qui lui a fait devoir voyager avec son aviron, symbole de sa maîtrise maritime, jusqu'à ce qu'on lui demande :
"quelle est cette drôle de pelle que tu portes ?" :wink:

La maîtrise demande plus d'un voyage....
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Messagede lopi » Mer 10 Mai, 2006 9:02

Hello,
Je n'arrive plus à retrouver le nom du "Mercure" qui soigne les yeux.
Quelqu'un s'en souvient t-y?
Merci
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Messagede lopi » Mer 10 Mai, 2006 19:38

C'est vrai quand on cherche on trouve, enfin, quand ça existe. ET CA EXISTE 8)
Mercure Solitumarus de Châteaubleau (S.-et-M.): Lugus macrophtalme visionnaire et guérisseur
Youpi lopi :111:
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Messagede ejds » Lun 29 Mai, 2006 11:38

Clopin-clopant, pour revenir à l’incroyable Lug irlandais : :wink::shock:

Sorcellerie de la grue

http://forum.arbre-celtique.com/viewtop ... 4340#24340

Ainsi en parlant d’ornithologie, la mythique grue sacrée tout comme l’oie (symbole de la guerre) ou le cygne (symbole du Sidh) étaient tabous et interdits de chasse parmi les anciens Celtes Britanniques. Leur curieuse technique de pêche, attitude d'attente ou de repos, feint ou réel, dans les marais, tout comme pour les hérons, flamands, cigognes... n'a pas échappé à l'observation.

Le thème d'une jambe, d'un bras et d'un oeil s’exprime de façon très évidente dans plusieurs légendes sur les Fomoires, mais l'exemple le plus éloquent se trouve dans la seconde bataille de Mag Tured (Cath Maige Turedh?), durant laquelle le dieu irlandais Lug ou Lugh se livre à un rite singulier de transformation volatile et chamanique.
Pendant la bataille, Lugh prend un aspect insolite et se tient immobile, debout sur une jambe, un bras dans le dos et fermant un oeil, pensant ainsi ensorceler ses ennemis.
L'action magique de cette posture est appelée quelque chose comme corrguinecht ou "sorcellerie de la grue". Lugh, en utilisant ses incantations et cette pratique ancestrales pour gagner le combat, montre bien qu'il est en rapport avec le chamanisme et rappelle encore une fois, plus que par un détail, le culte primitif des animaux sacrés.

Mais par ce biais, calmement et sans crainte, Lugh nous montre aussi qu’il pouvait, toutefois et en cas où, garder l’autre jambe agile, l’œil vif et le bras long. :lol: :lol:

Les commentaires d’Ogam : :shock::shock:

OGAM a écrit:B) LUG A MAG TURED : LA "GRIMACE".

– Au plus fort de la bataille contre les Fomôire (§129) Lug fait le tour de l’armée des Tûatha Dê « avec un pied, une main et un œil » (for lethcois ocus letlam ocus letsuil) – comprenons : à cloche-pied, avec une main derrière le dos et un œil fermé.

On a beaucoup glosé sur cette étrange position (fréquente d’ailleurs dans l’épopée irlandaise) : et en fait il est possible d’en donner plusieurs interprétations qui ne sont pas exclusives les unes des autres : mais en ce qui concerne Lug elle nous semble devoir comporter principalement une explication que Dumézil a d’ailleurs entrevue, au moins sur le plan exotérique.

En cachant une main et un œil, Lug se rend momentanément à la fois borgne et manchot, c’est-à-dire qu’il affirme là encore la réunion en lui-même de l’autorité spirituelle et du pouvoir temporel.

En outre, lorsque Lug reste immobile au milieu de ses neuf gardes du corps tandis que l’armée combat, il rappelle que le « Roi du Monde » est le reflet humain de l’immutabilité principielle.

OGAM, 1949, n°5, p. 4.

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Messagede ejds » Jeu 01 Juin, 2006 8:51

Pour rappeler qu'au royaume des aveugles, les borgnes sont rois ... ou bien encore sorciers : :wink:

Å’IL

5. Dans les traditions de l’Europe du Nord, il existe un roi borgne et voyant, Eochaid, roi du Connaught qui donne son nom unique au mauvais druide d’Ulster, Aithirne. Il va ensuite se purifier à une source ; mais en récompense de sa générosité, Dieu lui rend les deux yeux.

Le dieu Mider, qui a perdu aussi son œil dans une rixe, ne peut plus régner, parce que la cécité est disqualifiante. Les responsables, Oengus et son père le Dagda (Apollon et Jupiter) font donc venir le dieu-médecin Diancecht (aspect de l’Apollon médecin) qui rend au patient l’usage de son œil. Mais Diancecht a droit, selon la législation irlandaise, à une indemnité et il réclame : un char, un manteau et la plus jeune fille d’Irlande, Etain (personnification de la Souveraineté).

Boand, mère d’Oengus, en punition de son adultère avec le Dagda, se voit enlever un œil, un bras et une jambe par l’eau de la source de la Segais où elle était allée se purifier. L’œil apparaît ici comme une équivalence symbolique de la conscience souveraine. La faute (colère, violence, adultère) aveugle, et l’aveuglement empêche de régner ; au contraire, la générosité ou l’aveu rendent clairvoyant.

D’autre part, l’œil est un équivalent symbolique du soleil et l’irlandais sûl, œil, correspond au nom brittonique du soleil. En gallois, le soleil est dit par métaphore œil du jour (Ilygad y dydd).

De nombreuses monnaies gauloises figurent une tête de héros à l’œil démesurément agrandi. Un surnom d’Apollon attesté par une unique inscription gallo-romaine est Amarcolitanus à l’œil long dans la tête et l’expression à l’œil long dans la tête (rosc imlebur inachind) est fréquente dans les textes irlandais.

Par contre l’œil unique des personnages inférieurs de la série des Fomoire est maléfique : l’œil de Balor paralyse toute une armée et il faut le soulever avec un crochet, tout comme celui du Gallois Yspaddaden Penkawr.

La reine Medb, transforme les enfants de Caltin en sorciers, en leur faisant subir des mutilations contre-initiatiques : elle les rend borgnes* de l’œil gauche et toutes les sorcières que l’on rencontre dans les légendes insulaires sont borgnes de l’œil gauche.

La cécité est un symbole ou un signe de voyance et il est des druides ou des devins qui sont aveugles* (OGAC, 4, 209-216 et 222 ; 12, 200 ;13, 331-342 ; CELT, 7, passsim).

Dictionnaire des Symboles
Jean Chevalier, Alain Gheerbrant – Editions Seghers, 1974, pp. 298-299.

Amarcolitanus : :shock:

GUYONVARC’H (Christian-J.): Gaulois Amarcolitanus ‘au regard perçant’, irl. amarc ‘vue, vision’; à propos d’un surnom de l’Apollon gaulois. In Ogam 12, 1960, p. 200. (Notes d’étymologie et de lexicographie gauloises et celtiques (5), no. 20)

http://bill.celt.dias.ie/vol3/singleind ... 0940ead806


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Messagede ejds » Ven 31 Aoû, 2007 12:34

TOC, toc !

Par Esculape, Visucius, dieu de la voyance, est-tu là ?

Pour reprendre ici les commentaires de Diodore (livre V, La Gaule, Mœurs et usages) : :shock:

Diodore a écrit:XXXI. Ces hommes sont d’un aspect effrayant ; leur voix a un son grave et des intonations tout à fait rudes ; dans la conversation, leur parole est brève, énigmatique, procédant par allusions et sous-entendus, souvent hyperbolique, quand il s’agit de se grandir eux-mêmes et d’amoindrir les autres. Ils ont le ton menaçant, hautain, tragique, et, pourtant, l’esprit pénétrant et non sans aptitude pour les sciences. Il y a chez eux-mêmes des poètes lyriques, qu’ils nomment bardes : ces poètes accompagnent avec des instruments semblables à des lyres leurs chants qui sont tantôt des hymnes, tantôt des satires. Il y a aussi des philosophes et des théologiens à qui on rend les plus grands honneurs et qui se nomment druides. Enfin ils se servent de devins à qui ils accordent une grande autorité. Ces devins, c’est par l’observation des oiseaux et par l’immolation des victimes qu’ils prédisent l’avenir. Et ils tiennent toute la population sous leur dépendance.

C'est clair, question conversation courante, cultivés ou pas, les gens du peuple, et même les druides ou les bardes, devaient faire de sérieux efforts pour se comprendre entre eux.

A point nommé, l’amusant petit texte suivant vient nous conforter dans cette vision. Il a été concocté à sa manière par notre inestimable H. Martin, dont la réputation n’est plus à faire. Il nous divulgue quelques bribes de petits secrets sibyllineux. Mais là, c'est normal, le charabia divinatoire est tout un art.

A question obscure, réponse obscure ! C.Q.F.D. : :?

H. Martin a écrit: GAULE INDÉPENDANTE.

DRUIDES ET BARDES.

[…] Après les prêtres viennent les bardes3, poëtes héroïques et religieux, dépositaires des traditions nationales, qui célèbrent les grandes âmes, font vivre à travers les âges la mémoire des braves tombés dans les batailles, distribuent la louange et le blâme, transportent d’un invincible élan de cœur des héros par les rimes résonnantes de leurs vers rapides comme l’élan des chevaux de guerre1. Leurs chants qu’accompagnent les accords de la rotte et de la harpe2, savent calmer aussi bien qu’enflammer les passions guerrières. Souvent, dans les luttes intestines entre les tribus gauloises, quand déjà, glaives tirés, lances baissées, les armées marchent l’une sur l’autre, ils s’avancent entre les deux lignes ennemies, et leurs accents mélodieux chassent la fureur des âmes, comme s’ils apaisaient des bêtes féroces par leurs incantations3. De même que le prêtre passe pour l’interprète de la volonté des puissances célestes, le poëte passe pour inspiré des mêmes puissances. Tout ce grand symbolisme de la nature, dont la poésie moderne retient à peine quelque image effacée, est, pour le poëte du monde primitif, la langue même de la poésie ; ces termes aujourd’hui vagues et obscurs d’enthousiasme, d’inspiration et d’extase, formules incomprises d’une antique tradition, expriment l’état réel de l’âme du barde, quand l’esprit s’empare de lui. Le poëte est un voyant : sans avoir besoin de recourir, comme le prêtre, aux rites de la divination, il a la seconde vue dans le temps et dans l’espace4.

On comprend quel éclat et quel ascendant de telles croyances doivent assurer au poëte musicien dans une société où il est l’âme de toute fête, de toute réunion, où il est l’art tout entier, où il n’a point pour rival dans les champs de l’imagination, comme en Grèce, l’homme de la forme, l’artiste plastique, repoussé par la sévérité d’un culte qui proscrit les images.

3. Bard, en gaélique ; bardd, en kimro-gallois ; barz, en kimrique-armoricain. Le double d, le dh, le z, se prononcent de la même manière.
1. Les plus anciens chants bardiques (barzaz) que nous avons conservés sont en général composés de tercets, quelquefois de distiques, toujours rimés, en vers très courts, parfois avec un long refrain, qui roule comme le tonnerre.
2. La rotte (cruit, gaélique, crwdd, kimrique) était une espèce de viole, de forme à peu près carrée et à quatre cordes. v. Bardes bretons, p. LXXXIII. La harpe se nommait telen ou telyn.
3. Diod. V, p. 308 ; Lucan. I, v, 447 ; Amm. Marcel. XV, c. 9 ; Strab. IV, 197 ; Posid. ap. Athen. IV, p. 13. — Comme en Grèce, des génies féminins président à la poésie. L’inspiration bardique et les déités qui en disposent s’appellent également fodhla en gaélique irlandais. L’inspiration se nomme awen en kimrique.
4. V. aux Éclaircissements, n° VI, sur la seconde vue de druides et des bardes.


Histoire de France, H. Martin, tome I, 1865, p. 59—60.

Voyons donc ces « Éclaircissements, n° VI », page 470 du même tome : :shock:

H. Martin a écrit: ÉCLAIRCISSEMENTS.

....................................................... VI

......................SUR LA SECONDE VUE DES DRUIDES ET DES BARDES.


On ne saurait douter que les phénomènes de somnambulisme, de magnétisme, de l’extase, quels que soient la nature et les caractères réels de ces phénomènes, n’aient été très fréquents chez les peuples gaulois, et n’aient joué un grand rôle dans le druidisme. La seconde vue (taisha-taraigh) des montagnards écossais et les légendes qui s’y rattachent sont une dernière révélation de cet ancien monde : la hiérarchie druidique a disparu en Écosse de bonne heure ; mais le bardisme, avec ses voyants, y a vécu jusqu’au dix-huitième siècle.

Les voyants n’étaient pas moins communs chez les Gallois du moyen-âge. « Parmi les Cambriens, écrivait, au douzième siècle, Giraud le Cambrien, il existe certains hommes que l’on appelle awendhyon, c’est-à-dire conduits par l’esprit. Quand on les interroge sur quelque chose d’obscur, on les voit soudain frémissants et comme ravis hors d’eux-mêmes par l’esprit. Ce n’est pas néanmoins sur-le-champ qu’ils donnent ce qu’on désire d’eux ; mais, après beaucoup de détours et de circonlocutions, de paroles vagues, oiseuses, sans liaison, toujours ornées toutefois de figures éclatantes, le questionneur attentif saisit enfin, dans quelques phrases jetées comme au hasard, la réponse attendue. Ils sortent de cette extase comme d’un profond sommeil. Il faut qu’on les réveille de force pour les rendre à eux-mêmes… C’est le plus souvent dans les visions du sommeil que leur est infusé ce don de prophétie. A quelques-uns, il semble qu’on leur met dans la bouche du lait ou du miel ; à d’autres une cédule écrite ; et, aussitôt éveillés, ils annoncent publiquement qu’ils ont reçu cette grâce… Pendant qu’ils prophétisent, ils invoquent le Dieu vivant, le Dieu de Vérité, et la sainte Trinité (ou Triade), afin que leurs péchés ne les empêchent point de révéler la vérité.

On trouve peu de ces prophètes chez d’autres peuples que chez les Bretons… Ce fut ainsi qu’autrefois Merlin… prédit la venue des Saxons et même celle des Normands. » Girald. Cambrens. ap. Anglica, Hibernica, Cambrica, etc. Francofurti, 1602, in-fol. p. 892. ― Les livres dépositaires des traditions religieuses et poétiques des bardes sont appelés par les écrivains latins du moyen âge libri exaltationis, les livres de l’extase. ― Nous ajouterons que, dans le nord de la France, la verveine, une des plantes druidiques, s’appelle encore herbe de la double vue.

Histoire de France, H. Martin, tome I, 1865, p. 470.


Alala !!! Vouloir calmer les douleurs du corps ou l’esprit, les pouvoirs plurivalents et médicinaux des plantes ne sont plus à démontrer. A défaut de ne pas faire de mal, au moins cela doit faire du bien quelque part.

De nos jours, les vertus de la verveine, principalement sédatives et digestives, sont mises en avant par l’industrie de la pharmacopée ; si ce n'est psychotropique, il en était tout autre d’un point de vue incantatoire ou même talismanique dans l’Antiquité.

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Messagede ejds » Ven 12 Oct, 2007 11:24

Sur fond de conspiration menée par des philosophes payens, lettrés et portant le manteau (des druides ?), d'invocations à la verveine et d’anneau enchanté, une scène détaillée de « consultation magique », a été rapportée par Ammien Marcellin.
Il fut le contemporain de Flavius Theodosius ou Théodose Ier le Grand (v. 346—395 ap. J.-C.). Celui-ci, issu d'une ancienne et d’une très-noble famille des Gaules, succéda à Valens et devint le dernier empereur régnant sur l'Empire romain uni.

A. Marcellin a écrit:Ammien Marcellin, Histoire de Rome, livre XXIX

Chapitre 1

http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concor ... ture/1.htm

Voici comme on procède dans cette espèce de divination :

(30) On commence par purifier la maison par les émanations des parfums d'Arabie, puis on place le trépied au point central, et dessus on dépose un plateau en métal composé, de figure circulaire, sur le bord duquel sont gravées circulairement, à égales distances et en caractères lisibles, les vingt-quatre lettres de l'alphabet.

(31) Une personne vêtue et chaussée de lin, le front ceint d'une bandelette, et tenant à la main un propice rameau de verveine, est là debout, invoquant, suivant les termes du formulaire, le dieu qui préside à la science divinatoire. Cette personne tient suspendue par un cordon, au-dessus du plateau, un anneau de fil de lin, le plus délié possible, et consacré suivant des rites mystérieux, lequel, en se balançant, s'arrête successivement sur quelques-unes des lettres. La réunion de ces lettres forme des réponses aux questions proposées; réponses en vers réguliers de rythme et de mesure, tels qu'en prononce l'oracle Pythien ou celui de Branchis.

(32) Sur notre question 'Quel est le nom du successeur immédiat à l'empire, composé de toutes les vertus?', l'anneau forma le dissyllabe 'theo', avec l'addition d'une quatrième lettre. Aussitôt l'un de nous s'écria: 'C'est Théodore que désigne le destin'. Nous ne poussâmes pas plus loin l'opération, certains que c'était bien sur ce nom que se portaient les voeux."

Écrit en 1679, et maintes fois réédité, le remarquable ouvrage suivant résume au plus près les textes d’Ammien Marcellin (Antioche, v. 330—395), de Sozomene (v. 375—450) et de Zosime (v. 460—?).

Comme quoi, selon les traductions, lire et prédire l’avenir ne tient qu’à un coup de fil ou de filet ! : :?

E. Fléch. a écrit:Image

HISTOIRE DE THÉODOSE LE GRAND. LIVRE I.

---------------------------- Cause de la disgrâce des Théodose.

------La mort de Théodose le père, et la disgrâce de son fils, arrivèrent en ce temps par la jalousie des ministres de l'empire, et par des intrigues de l'empereur Valens qui ne pouvait souffrir ceux qu’il croyait dignes de lui succéder. Cette haine était fondée sur des prédictions et des horoscopes qu'il croyait inévitables, et qu'il voulait pourtant tâcher d’éviter.

------ C'était un prince qui avait beaucoup de défauts, et dont les bonnes qualités étaient étouffées par les mauvaises. Il prenait quelquefois d'assez bonnes résolutions, mais il manquait souvent de force ou de lumière pour les exécuter. 1 Il arrêtait l’ambition et l’insolence des grands ; mais c’était presque toujours en les opprimant. On eût pu lui donner la gloire d’être bon ami, s’il eût su choisir ses amitiés. Il ne chargeait pas les provinces de subsides, mais il ruinait les meilleures maisons de l’empire, et voulait regagner sur les confiscations des particuliers ce qu’il perdit en diminuant les impôts publics. Dès qu’on était accusé devant lui, il suffisait d’être riche pour être coupable, et sans se mettre en peine de discerner le vrai avec le faux, il ne manquait jamais de punir quand il pouvait le faire à son profit. Il était toujours prêt à donner de longues audiences aux délateurs et s’ennuyait dès qu’on commençait à se justifier ; ce qui donnait lieu aux oppressions et aux calomnies.

1 Ammian. lib. XXXI.
2 Zoz. lib. IV.



----------------------------Entreprises contre l’empereur Valens.

------On avait fait diverses entreprises contre lui depuis qu’il régnait, ce qui l’avait rendu timide et soupçonneux. Des courtisans corrompus profitaient de cette faiblesse de l’empereur, et lui persuadaient à tous momens qu’il courait quelque grand danger ; les uns pour se faire valoir, et pour se rendre nécessaires, les autres pour se défaire impunément de leurs ennemis, en les accusant de l’être du prince. Toutes les intrigues de la cour ne roulaient que sur de faux rapports, et sur des attentats imaginaires. La chose en était venue à un tel point, que c’était un crime que d’expliquer un présage, ou de parler du successeur de Valens. Cette facilité à tout croire et à tout craindre fut cause de la perte de plusieurs grands hommes, et plus particulièrement de celle de l’ancien Théodose.

------Pallade, homme de basse naissance, et fort adonné à la magie, ayant été arrêté comme complice de quelques seigneurs de la cour qu’on accusait d’avoir volé les finances, on le mit entre les mains de Modeste, préfet du prétoire. Il fut interrogé et ne voulut rien révéler. On lui donna 1 la question, qu’il souffrit d’abord avec assez de constance ; mais lorsqu’il se sentit pressé des tourmens, il s‘écria qu’il avait des choses à dire plus importantes que celles qu’on lui demandait, et qui regardaient la personne du prince. On lui laissa reprendre haleine, et comme on l’eut encouragé à parler, il déclara qu’il s’était tenu depuis peu une assemblée secrète, où, par des sortilèges et des présages détestables, on avait appris la destinée de l’empereur, et le nom de celui qui devait lui succéder à l’empire. Il nomma ceux qui y avaient assisté. Ils furent arrêtés sur-le-champ, et n’osèrent désavouer une chose dont on savait déjà toutes les circonstances.

1 Ammian. lib. XXIX.


----------------------------Consultation magique.

------C’était une intrigue de quelques personnes de qualité, et de plusieurs philosophes payens, qui s’étaient associés pour savoir ce qui devait arriver après la mort de l’empereur. L’aversion qu’ils avaient pour la religion chrétienne et le désir de voir la leur rétablie, leur donnaient cette curiosité. Ils espéraient que l’oracle leur nommerait quelqu’un de leur parti. 1 Ils avaient par avance jeté les yeux sur Théodore, un des secrétaires de Valens d’une très-noble famille des Gaules, estimé pour sa probité, pour son esprit, et pour son courage, qui vivait en grand seigneur, et qui dans une cour tumultueuse était aimé de tout le monde, encore qu’il conservât dans ses actions et dans ses discours une généreuse liberté. Ces grandes qualités l’avaient fait regarder comme un homme capable de remettre le culte des dieux, auquel il était fort attaché.

------Ces philosophes prévenus de cette pensée, s’assemblèrent secrètement dans l’une de leurs maisons. Là, ils firent un trépied de branches de laurier ressemblant à celui de Delphes, et le consacrèrent avec des imprécations et des cérémonies extraordinaires. Ils mirent dessus un bassin composé de différens métaux, autour duquel ils rangèrent les vingt-quatre lettres de l’alphabet à distance égale. Le magicien le plus savant de la compagnie, enveloppé d’un linceul, et portant en ses mains de la verveine, s’avança et commença ses invocations, penchant sa tête tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Enfin il s’arrêta tout court, tenant sur le bassin un 2 anneau suspendu à un filet. Comme il achevait de murmurer ses paroles magiques, on rapporte qu’on voit tout à coup le trépied se mouvoir, l’anneau s’ébranler, et s’agiter insensiblement, et tomber enfin çà et là sur les lettres qu’il semblait avoir choisies. Ces lettres, ainsi frappées sortaient de leurs places, et s’allaient successivement ranger sur la table ; on eût dit qu’une main invisible les avaient ainsi assemblées. Elles composaient les réponses en vers héroïques, que tous les assistans remarquaient attentivement.

1 Sozom. lib. VI, c. 35. — Zoz. lib. IV.
2 Ammian. lib. XXIX — Zoz. lib. IV.



----------------------------Réponse du sort.

------La première chose que le sort leur apprit, ce fut que leur curiosité leur coûterait à tous la vie, et que l’empereur périrait peu de temps après à Minas d’un horrible genre de mort. Alors ils voulurent savoir le nom de celui qui devait être son successeur. L’anneau enchanté recommençant à sauter sur les lettres, assembla ces deux syllabes, THÉ O, le D. vint s’y joindre ensuite. Sur quoi un des assistans interrompit le sort, et s’écria que leurs vœux étaient accomplis, et que c’était l’ordre du destin, que Théodore régnât après Valens. Ils n’en demandèrent pas davantage ; et sans songer au malheur que l’oracle leur avait prédit, comme on croit aisément ce qu’on souhaite, ils attendirent tous l’accomplissement de la destinée de Théodore.


----------------------------Théodose est arrêté et condamné à mort.

------Dès que l’affaire eut été ainsi découverte à Antioche, Valens sachant que Théodore était à Constantinople pour des affaires domestiques, y envoya des gardes avec l’ordre de le prendre, et de le transférer sûrement : ce qui fut fait. On l’interrogea, et il répondit qu’il n’avait eu aucune part à cette intrigue ; que depuis qu’il l’avait sue, il avait eu dessein de la révéler à l’empereur, mais qu’on l’avait assuré que ce n’avait été qu’une curiosité philosophique ; que c’était un crime effroyable de vouloir usurper l’empire, mais qu’il était permis de l’attendre du destin, dont les ordres étaient inévitables ; que pour lui, il n’avait rien entrepris, ni rien espéré là-dessus. On lui produisit des lettres par lesquelles il fut convaincu de s’être flatté de la prédiction, et d’avoir consulté ses amis sur le temps et les moyens de l’exécuter.


----------------------------Persécution faite aux philosophes et autre personnes.

------L’EMPEREUR lui fit trancher la tête, et commanda qu’on cherchât tous ses complices, et qu’on exterminât tous les philosophes qui, depuis l’empire de Julien, faisaient profession ouverte de magie. On voulut lui représenter que toutes les prisons étaient déjà pleines de gens suspects, ou convaincus, et qu’il y aurait quelque grâce à faire dans le nombre : mais il s’offensa de cette remontrance, et ordonna qu’on fît tout mourir indifféremment sans aucune forme de procès. Cette cruelle sentence fut exécutée : les innocens étaient confondus avec les coupables ; les uns périssaient par le fer, les autres par le feu, plusieurs étaient déchirés dans les tortures ; surtout on brûlait les magiciens avec leurs livres, et personne n’osait paraître en manteau dans toute l’Asie, de peur que la ressemblance de l’habit ne les fît prendre pour des philosophes.

------On ne voyait dans Antioche que sang répandu, que maisons ruinées, que feux allumés ; ce qui rendit l’empereur si odieux, qu’on faisait par toute la ville cette imprécation publique contre lui.

1 Ammian. lib. XXXI.


----------------------------Que Valens puisse un jour être lui-même brûlé vif.

------Ce qu’il y eut de plus déplorable, c’est qu’on jugeait souverainement sur des simples soupçons, sans vouloir entrer dans aucune discussion. On condamna à la mort une dame qui se vantait de guérir de la fièvre quarte, en prononçant quelques paroles. 1 On confisqua les biens d’un grand seigneur, pour avoir fait tirer l’horoscope d’un de ses enfans. Un riche bourgeois fut exécuté, parce qu’on avait trouvé parmi ses papiers la figure de l’un de ses frères nommé Valens. On fit mourir un jeune homme qui se trouvant incommodé dans les bains, crut se guérir en portant ses doigts l’un après l’autre à son estomac, et nommant autant de fois les voyelles.

1 Ammian. lib. XXIX.


---------------------------- Valens fait mourir plusieurs personnes dont le nom commence par Théod.

------Comme les grandes passions sont non seulement criminelles, mais encore ridicules, Valens s’imagina qu’il pouvait perdre ce fatal empereur que l’oracle venait de nommer à moitié ; ne songeant pas qu’il y a une providence divine, qui se joue des prévoyances humaines, et qu’un tyran ne fait jamais mourir son successeur. 2 Il entreprit de perdre toutes les personnes de qualité dont le nom commençait par les deux syllabes suspectes, et les fit rechercher si exactement, que plusieurs, pour sauver leur vie, furent obliger de quitter leurs noms, et d’en prendre d’autres moins dangereux.

2 Sozom. lib. VI, c. 26.


Histoire De Théodose Le Grand, Pour Monseigneur Le Dauphin,
Fléch., Éditions Delalain, 1824, pp. 41—47.


Sur les livres de magie : :?

L. Petit de Julleville a écrit:HISTOIRE DE LA GRÈCE SOUS LA DOMINATION ROMAINE

http://www.mediterranee-antique.info/Gr ... GDR_20.htm

Le paganisme fut attaqué plus violemment vers la fin du règne de Valens. On laissait encore au culte obscur et populaire une certaine sécurité. Mais les savants, les rhéteurs, les philosophes n’échappaient que difficilement à l’accusation de magie ; et ce mot vague et mystérieux, comme celui de sorcellerie à une autre époque, servit de prétextes à de terribles persécutions : « C’était assez, » dit Zosime [4], « d’une réputation de science un peu répandue pour éveiller les soupçons des agents de Valens. » Les livres suspects étaient en hâte jetés dans les rivières, sur les routes. Saint Jean Chrysostome, encore adolescent, avait ramassé dans la campagne un de ces livres proscrits ; il faillit payer de sa vie cette légèreté.

[4] Zosime, IV, 14, 15. — Sozomène, VI, 35.


J.B. Bergier a écrit:HISTOIRE DE S. JEAN CHRYSOSTOME

LIVRE I

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saint ... vre001.htm

XXV. Valens favorisait le paganisme, non point par des édits publics, mais par son silence. Sous son règne, un très-grand nombre de lettrés et de philosophes s'adonnaient publiquement à la magie et à la divination. Son impiété fut punie. On découvrit une conspiration formée contre lui par ceux-là même qu'il protégeait. En remontant à la source, on reconnut qu'elle avait pour auteurs et pour fauteurs deux célèbres magiciens, Hilaire et Patrice, qui, dans une de leurs réunions, après divers enchantements, avaient désigné celui qui devait succéder à Valens après qu'il serait renversé. L'empereur, irrité, ne mit point de bornes à sa fureur. A l'instant même la ville est environnée de soldats; on parcourt les rues; les maisons sont fouillées; on fait des recherches sévères, et tous les magiciens, tous ceux qui avaient des livres de magie sont arrêtés et mis à mort. Un riche citoyen d'Antioche, auteur d'un livre sur cette superstition, craignant d'être découvert, avait eu soin de le jeter dans l'Oronte. Le volume, surnageant, était entraîné par le courant des eaux du fleuve. Dans ce moment, Jean revenait avec un de ses amis d'un pèlerinage à l'église des Martyrs. En marchant le long du fleuve, le compagnon de Chrysostome aperçoit ce livre flottant sur les eaux; il s'élance pour le saisir : « Ce que vous trouvez-là m'appartient, » s'écrie Chrysostome en souriant, « apportez-le; voyons ce que c'est. » Quel n'est pas leur effroi de voir un livre de magie dans leurs mains, et tout près d'eux une troupe de soldats s'avançant rapidement à la recherche de ceux que poursuivait la colère de l'empereur. Dieu permit qu'ils pussent rejeter ce livre proscrit sans être aperçus des soldats : il y allait pour eux de la vie.

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Messagede Muskull » Dim 14 Oct, 2007 18:50

Merci ejds, c'est bien instructif tout ça et démontre bien que l'histoire se répète indéfiniment comme si l'humain n'apprenait rien de ses erreurs. :cry:
Lorsqu'un pouvoir paranoïde se sent en danger il développe aussitôt l'idéologie de l'ennemi intérieur, du bouc émissaire. S'ensuivent pogroms, génocides, chasse aux "sorcières", "axe du mal"; etc...
Le plus grave à mon sens est que quelques "fous de pouvoir" trouvent des valets et des exécutants pour leurs basses oeuvres et que ce soit encore d'actualité ; malgré l'histoire...
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Messagede ejds » Mer 23 Jan, 2008 12:41

Elle court, elle court la rumeur… 8)

Que ce soit dans la vie actuelle ou dans le passé, elle est passée par ici, elle repassera par là ... Ne sont pas en reste les vieux livres d'histoire, de géographie, religion ou autres qui se serrent, se côtoient, supportent sur l'étagère, et sont comme des vieilles maisons qui ne veulent pas s'écrouler.

On peut être surpris par la tournure que prennent le moindre incident le plus absurde, le moindre petit conte, la légende la plus saugrenue, la nouvelle croyance vraie ou fausse, le canular le plus insignifiant et farfelu, qui s’échappe bien vite colporté par le ragot. La rumeur, le hoax, qui enfle, qui enfle, enfle, papote, jase, persifle, se déforme avec le temps et les pays, et ne veut plus s'arrêter.
C’est sûr, à ce rythme là, au cimetière des aveugles les borgnes sont mal vus ! Pas facile de dormir que d’un œil pour un borgne.

Un quêteur de mémoire, Pierre Héliaz, nous a déposé dans son panier une bien bonne histoire paysanne cueillie en Basse-Bretagne, au temps où les avions s’appelaient, là-bas, les « chars volants », les automobiles, des « voitures à feu ».
Il arrivait, qu'après une longue veillée ou une visite chez un voisin, on ramenait chez soi un peu de braise dans « un sabot à feu » pour rallumer l’âtre éteint. On faisait rouler la braise entre la pointe et le talon pour ne pas brûler l'intérieur du pauvre sabot.

P. Hélias a écrit:Image

LE CIMETIERE DES BORGNES

Si je vous conte aujourd’hui l’histoire réjouissante du Cimetière des Borgnes, ce n’est pas que je cherche à vous amuser avec le champ du silence, où l’on n’entend pas beaucoup de paroles inutiles et encore moins de rires ; ni à faire la moindre moquerie à l’égard de ceux à qui il est arrivé de perdre un œil au cours de leur vie, hélas, alors qu’il aurait mieux valu que certains autres perdissent leur langue, puisque celle-ci ne leur sert qu’à bavarder à tort et à travers. Aussi bien vous aurais-je inventé un conte sur le Verger des Boîteux ou le manoir des Grinchus, par exemple. Mais ceci n’est pas un conte. C’est la vérité. Il n’y a pas lieu de tourner la vérité en farce, comme gémissait le chien d’Alain Le Goff, quand il était en proie au mal de dents.

Allons, il est temps d’entamer la parole pour vous apprendre comment on parle toujours trop. Et justement, puisque je me trouve à penser au chien d'Alain Le Goff, c'est ce chien-là qui suivait tous les enterrements, pauvres ou riches, sans en manquer un seul. Depuis que l'animal est mort, chaque fois que quelque assemblée n'attire pas beaucoup de monde, on entend dire : « Il n'y avait pas un chien, pas même celui d’Alain Le Goff ». Mais jamais ce pauvre chien n'a suivi un enterrement jusqu'au cimetière des borgnes. Et me voilà revenu à mon propos. Tâchons de nous y tenir ferme, cette fois-ci, et laissons le fantôme du chien où il est.

Le maître du moulin à eau possédait un taillis derrière sa grande maison et il ne savait qu'en faire. Les arbres ne portent pas grain et les meuniers ont leur occupation entre le grain et la farine. Le pauvre Gwénolé possédait une maisonnée d'enfants et ne savait pas comment trouver assez de farine pour leur faire de la galette. Pour avoir de la farine, il faut donner du grain au meunier et le grain ne lève pas dans la paume de la main. Si bien qu'un jour le meunier, qui n'était pas un mauvais homme, surtout quand il trouvait son profit tôt où tard, proposa à Gwénolé d'abattre son taillis et d'en défricher la terre. Moyennant quoi il pourrait labourer la pièce et en ramasser la moisson pour sa peine. Gwénolé fit merci avec son chapeau, s'empara de sa cognée, de sa houe et attaque les arbres, les broussailles, le genêt et la ronce tant et si bien que le pays tremblait à l'écho de ses coups.

Le taillis donnait sur la grand'route. Chaque passant faisait un arrêt pour regarder notre homme Gwénolé répandre sa sueur sur sa chemise, que c'en était une pitié, et demandait : « que faites-vous là, Gwénolé ? Et Gwénolé répondait, entre deux coups et jour après jour : « j’abats, je défriche, j’aplanis ».

Les gens passaient leur chemin et d'autres arrivaient derrière : « que faites-vous là, Gwénolé ? « Abattre, défricher, aplanir ». A la fin le pauvre diable ne pouvait dormir dans son lit sans entendre, à travers son rêve et tout au long de la nuit, sept cent et vingt voix graves, mugissantes, claires, aiguës, qui l’interrogeaient : « que faites-vous là, Gwénolé ? » De quoi devenir fou.

Un jour arriva sur la route Joséphine la Chassieuse, une vieille femme qui n'était qu'une langue vivante de la tête aux talons. Et voilà sa voix qui s'élève, si aigre que les oiseaux se taisent net : « que faites-vous là, Gwénolé ? » L'autre sécha la sueur de son front avec le dos de sa main et soupira longuement : « approchez, chère Joséphine, venez plus près encore ! C'est au pli de votre oreille que je dois confier la chose, à cause des oiseaux qui sont aux aguets. Et gardez-vous bien de livrer le secret à n'importe quel chrétien baptisé si vous ne voulez pas que la révolution s'abatte sur le pays. Approchez-vous encore ! » Joséphine tremblait tellement de la fièvre de savoir qu'elle écorcha le nez à un buisson d'épine en passant le talus. « Écoutez, femme, en peu de mots, Monsieur le Maire a décidé d'arranger ici un nouveau cimetière destiné seulement aux borgnes de la Paroisse. Pourquoi les borgnes et non pas les boîteux ou les grinchus, je ne sais pas, c'est assez pour moi ». Et Gwénolé empoigna de nouveau sa houe pendant que la poule s’envolait pour chanter la nouvelle de cet œuf tout frais pondu.

Mes pauvres enfants ! le lendemain, monsieur le maire fut reçu à la mairie par toute la population de la paroisse, jusqu’à un nouveau-né au sein. Quel vacarme ! Les borgnes demandaient pourquoi on ne les trouvait pas assez bons pour descendre en terre bénie auprès des autres. Les autres se plaignaient parce que, à les entendre, on mettait les borgnes au-dessus d’eux. Et le chien d’Alain Le Goff attendait sur sa queue. On dépêcha aussitôt le sonneur de cloches à la recherche de Gwénolé, le premier auteur de la nouvelle. Gwénolé arriva sans se presser et déclara aussi tranquille qu’un ange : « il n’y pas de Cimetière des Borgnes. Mais quoi ! Tous ceux qui passaient sur la route me demandaient : « que faites-vous là, Gwénolé ? » Et pourtant ils voyaient bien que j’étais occupé à abattre, à défricher, à aplanir, puisqu’ils sont laboureurs comme moi. Leur question était assez sotte, non ! Alors moi, j’ai tiré de ma tête la plus sotte réponse que j’ai pu trouver ».

Il y eut de quoi rire pendant huit jours, l’invention de Gwénolé fit le tour du pays aux trousses du chien d’Alain Le Goff. Du coup, l’ancien taillis du moulin à eau y gagna le nom de Cimetière des Borgnes.

Et personne, désormais, de ce côté là, n’osa plus demander à quiconque : « que faites-vous-là ? » Beaucoup de paroles en moins et une histoire en plus.


Les contes bretons du sabot à feu, texte de Pierre Hélias, Éditions d’Art Jos le Doaré, 36 pages, pp. 30—4.

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Messagede Muskull » Lun 28 Jan, 2008 17:04

C'est Per Jakes Hélias celui-là, le bigouden émérite du "Cheval d'orgueil", Alain le Goff était son grand père maternel. :wink:
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Messagede ejds » Sam 26 Avr, 2008 10:09

Taliesin a écrit: "C'est un vieillard aveugle, ce pauvre vieillard couvert de guenilles est horrible à voir : quand il chante, sa bouche se tord en une affreuse grimace et ses yeux voilés d'une membrane blanchâtre, roulent dans leurs orbites comme des yeux de pigeon" (Luzel, cité par Daniel Giraudon)

Ce vieillard aveugle, est-ce que ce ne serait pas Gwenc'hlan, dont le nom "malade béni" semble aussi indiquer une maladie des yeux ? Gwenc'hlan est connu en Bretagne depuis au moins le 15ème siècle, où un poème en vers lui est consacré (An Dialog etre Artur, roe d'an Bretouned ha Guinglaff). Guinglaff, reclus dans une forêt non loin du Mené-Bré, et vivant de feuilles et de racines, est, par la grâce de Dieu, doué du don de prophétie. Arthur le capture et le force à prédire l'avenir. Cela rappelle étrangement les démélés de Merlin avec le roi Rodarchus dans la Vita Merlini de Geoffroy de Monmouth, dont s'est peut-être inspiré l'auteur breton anonyme de ce poème. A moins qu'il ne s'agisse d'une source commune.

D'ailleurs, une tradition bretonne relie clairement Gwenc'hlan et Merlin : "Klevout a ris komz eus Merlin gozh. Hemañ oa un den brudet, barzh, diouganer, achantour, ha bevañ a reas war Menez Bre, pa oa deuet war an oad" "J'entendis parler du vieux Merlin. Celui-ci était un homme célèbre, barde, devin, enchanteur et il vécut sur le Méné-Bré quand il devint agé"

Est-ce Gwenc'hlan, le vieillard aveugle de la gwerz recueillie par Jean-Marie de Penguern vers 1830 en Trégor ? C'est ce que pense Donatien Laurent en tout cas.

Fleuriot en parle de ce prophète Gwenc’hlan ou plus anciennement Guinglaff : :?

L. Fleuriot a écrit: ------ La littérature
---------prophétique
---chez les Bretons



---Des deux côtés de la Manche, les Bretons avaient un goût prononcé pour les prophéties et ce goût remonte au VIe siècle au moins. Avec les malheurs qui s’accumulent, depuis 550 surtout, avec la reprise de la conquête saxonne arrêtée pendant cinquante ans, au milieu des désastres, on aime à croire en des temps meilleurs et, de génération en génération, les poètes et les prophètes (ce sont parfois les mêmes) annoncent le retour de la victoire sous la conduite d’un libérateur, Cadwaladr et Conan dans les plus anciens textes, plus tard Arthur.

---Pendant des siècles, le bonheur à venir commencera — dit-on — par l’expulsion des Saxons et ce résultat sera obtenu par l’alliance de tous les Bretons, des Basses-Terres d’Écosse jusqu’à la Bretagne continentale. Une alliance d’occasion avec les Vikings montre que ces textes datent surtout du IXe siècle, du moins ceux qui nous sont parvenus. Dès le milieu du VIe siècle, Procope a vu en Italie des textes prophétiques attribués à la Sibylle qui « … tandis qu’elle prédit le sort des Romains, prophétise les souffrances des Bretons », Procope, Guerre Gothique, (V, XXIV, 25). Nous connaissons l’importance de la littérature prophétique bretonne et M. Flobert a, dans le t. 14 des Études celtiques, traduit le texte de Jean de Cornwall qui a connu le texte brittonique original utilisé par Geoffroy de Monmouth dans sa Prophetia Merlini. Jean de Cornwall fait plus ; il donne de courts passages de ce texte et nous entrevoyons, à travers son adaptation, sa nature exacte. Ces deux textes, celui de Jean de Cornwall et celui de Geoffroy, désignent Cadwaladr et Conan comme libérateurs. […]
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------L.F.

Récits et poèmes celtiques, Léon Fleuriot, Jean-Claude Lozac’hmeur et Louis Prat, Éditions Stock, 1981, 256 pages, pp. 70-74.

L. Fleuriot a écrit:--- Le genre de la « prophétie patriotique », eut, pendant des siècles, beaucoup de succès. On trouve encore une « Prophétie de Bretagne » publiée en 1488 à la suite des « Lunettes des Princes » de Meschinot, Revue des provinces de l’Ouest (t. I, 1853-1854, p. 68 ). Il nous reste en moyen breton une prophétie publiée sous la forme d’un dialogue entre le roi Arthur et le prophète Guinglaff, « le malade béni », de guin, « blanc, heureux, béni » et claff, « malade », muté ici normalement en glaff en second élément de composé. Le nom qui n’était plus compris fut ensuite transformé en Gwenc’hlan, « le béni-pur ».

Ce morceau de prophétie a été complètement remanié et bouleversé par les adaptateurs du XVIe siècle, car les prophéties font, en fait, allusion à des évènements passés du XVe et XVIe siècle. Seul le début qui décrit la vie de Guinglaff, et quelques passages, montrent qu’il y avait là, à l’origine, un texte appartenant à la tradition que nous décrivons.

--- Dans la vie de sainte Nonne, Merlin vaticine (Revue celtique, t. 8, p. 270) :


---Je suis Merlin et j’ai prédit qu’un petit garçon viendra à naître, enfant très saint, en pays breton, créature pleine de grâce, par le lieu de son évêché. Du pain et de l’eau suffiront à le satisfaire et il n’y aura pas d’avantage pour son aliment…


--- Ce goût des prophéties amène les Bretons à s’intéresser peu à peu davantage à la fin du monde qu’au roi Arthur et à leur avenir propre.
---Nous avons aussi en moyen breton un poème d’un certain souffle attribué à la sibylle Erythrée (M. Pinault l’a publié et traduit dans les
Annales de Bretagne, t. 76, 1969, p. 676-700) :

Au signe du jugement la terre sans labour, en chaque pays, suera le sang, si bien que viendra du ciel, commencement fortuné, un roi qui régnera sur chaque génération.
Présent sous forme humaine, il jugera le monde, sans merci (?) et ils verront Dieu, leur roi évident, aussi bien le vrai hérétique que le vrai chrétien…
Le feu de braise commencera dans les cieux et il dévorera la mer et la terre desséchée. Il s’enroulera en masse dans l’enfer ; ses noires puissances s’agiteront…
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------L.F.


Récits et poèmes celtiques, Léon Fleuriot, Jean-Claude Lozac’hmeur et Louis Prat, Éditions Stock, 1981, 256 pages, pp. 78-79.

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