Vindobona - Nom antique de Vienne (Autriche), qui était un important camp romain et ville civile de la province de Pannonie, puis de Pannonie supérieure. Cette localité fut mentionnée sous la forme Vindobona par les auteurs latins, et Οὐινδόβονα par les auteurs grecs. Ce nom est celtique, on reconnaît dans le premier élément vindo-, qui signifie "blanc / heureux / beau", associé à -bona-, "village / fondation". Suivant cette première hypothèse, le composé *vindo-bona pourrait se traduire par "le village blanc" ou "le beau village". Une seconde hypothèse peut être proposée, si l'on considère que le premier composant serait un anthroponyme, tel que Vindios, Vindius, Vindo, ou Vindus, bien attestés dans l'épigraphie. Dans ce dernier cas, il conviendrait de traduire ce toponyme par "le village de Vindo" ou "la fondation de Vindo" (Delamarre, 2003).
Vindobona fut fondée ex nihilo par les Romains au début du Ier s. ap. J.-C., non-loin du site indigène de l'oppidum de Leopoldsberg (Vienne). Il s'agissait initialement d'un petit camp, fréquenté par des troupes auxiliaires chargées de la défense du limes de Pannonie, ayant probablement servi d'avant-poste au camp légionnaire de Carnuntum (Petronell-Carnuntum / Bad Deutsch-Altenburg, Basse-Autriche, Autriche). Au milieu du Ier s. ap. J.-C., au cours des règnes de Néron et Galba, le camp fut pérennisé, agrandi et reconstruit à partir de briques issues de la briqueterie impériale de Pansiana, à Aquileia (Aquilée, province d'Udine, Italie) (AE 2007, 1160 ; 1161). En outre, des bâtiments furent incontestablement édifiés à cette époque (AE 2006, 1080). Entre le milieu et la fin du Ier s. ap. J.-C. naquirent près du camp, des canabae et une agglomération civile (Pohanka, 1997 ; Maspoli, 2014). C'est à cette même époque que les oppida de la région fut abandonnés, tels que l'oppidum de Leopoldsberg, et que s'opéra visiblement un transfert de population. Très rapidement, en plus des Boïens de Pannonie, des vétérans de l'armée romaine y furent fixés. Progressivement, l'agglomération civile gagna en prospérité, se dota d'une parure monumentale et dut compter jusqu'à 16000 habitants à son apogée (Pohanka, 1997 ; Maspoli, 2014).
La situation se dégrada brusquement à partir de 166 ap. J.-C. Cette année là, alors que la peste antonine sévissait, les Marcomans, les Quades et leurs alliés franchirent le Danube et pénétrèrent dans le Norique et en Pannonie supérieure, déclanchant ainsi les guerres marcomanes (167-188 ap. J.-C.). Plusieurs indices permettent de penser que Vindobona et sa région furent alors dévastées (Pohanka, 1997). Après de longs combats, la région de Vindobona fut reprise par les Romains, avant de subir une nouvelle invasion marcomane en 177 ap. J.-C. Lors de cette seconde invasion, la contre-offensive romaine fut lancée depuis Vindobona. Suivant Aurelius Victor, ce fut dans cette même ville, et dans le cadre de cette contre-offensive que l'empereur Marc-Aurèle fut emporté par la peste (Livre des Césars, XVI). Ce ne fut qu'à la toute fin du IIe s. ap. J.-C. que la ville fut reconstruite, très certainement sous les hospices de l'empereur Septime Sévère (qui fut le gouverneur de la Pannonie supérieure en 193 ap. J.-C.). Plusieurs auteurs estiment que ce fut à cette occasion que Vindobona devint le centre politique d'une cité nouvellement autonome, celle des Vindobonenses (Neumann, 1972 ; Mócsy, 1974 ; Mrozewicz, 2008). Ce point de vue est cependant contesté par certains, qui privilégient l'idée d'une autonomie acquise dés la première moitié du IIe s. ap. J.-C.
Au cours du IIIe s. ap. J.-C., Vindobona renoua avec la prospérité, notamment en raison du stationnement de la légion X. Ce retour à la prospérité fut cependant ponctuel, puisque les incursions germaniques se multiplièrent dés la seconde moitié de ce siècle. Malgré le danger, les effectifs de la légion X furent progressivement réduits à la transition du IIIe et du IVe s. ap. J.-C. L'espace libéré dans la forteresse légionnaire fut donc occupé par la population civile, transformant ainsi le fort en ville fortifiée. Les quartiers périphériques de la ville furent progressivement détruits et les matériaux qui en furent extraits furent utilisé au renforcement du système de défense. Vindobona entra ainsi dans une longue phase de déclin, marquée par la multipilication des incursions germaniques, que les différentes tentatives de renforcement du limes de Pannonie ne parvinrent pas à juguler. En 378, les Huns furent fixés en Pannonie comme fédérés et probablement à la même époque, des fédérés marcomans furent installés à Vindobona. Ces initiatives n'empêchèrent pas une nouvelle invasion marcomane vers 395, ni la dévastation de la ville par les Ostrogoths de Radagaisus (405-406) (Pohanka, 1997). Lorsque finalement l'empereur Théodose II céda la Pannonie aux Huns (433), la ville était ruinée, et probablement désertée par ses habitants.
Sources littéraires anciennes
Aurelius Victor, Livre des Césars, XVI :"L'empereur obtint des triomphes sur les nations qui s'étaient liguées avec le roi Marcomare, depuis la ville de Carnutum, en Pannonie, jusqu'au centre des Gaules. Après dix-huit années d'un règne si glorieux, le prince encore dans toute la force de l'âge, mourut à Vendobona, vivement regretté de tout le genre humain."
Sources épigraphiques
Belgrade (CIL 03, 1665) D(IS) M(ANIBVS) VLP(IAE) PI[A]E DOMO VINDO[BONA] VIXIT AN(NOS) XXI[...] AVR(ELIVS) MAXI[MVS] VET(ERANVS) LEG(IONIS) IIII <F=I>L(AVIAE) [CO]NIVGI PIENTISSIMAE ET V[L]P(IAE) CAIAE SO[C]R[A]E ET MATRI EIVS ET SIBI VIV(V)S
"Aux Dieux Mânes d'Ulpia Pia, originaire de Vindobona, qui vécut […] ans. Aurelius Maximus, vétéran de la légion IIII Flavia, (a posé ce monument) pour son épouse irréprochable, pour Ulpia Caia, sa belle-mère, pour sa mère et pour lui-même, de son vivant."
Borne milliaire d'Inzersdorf (1) (CIL 03, 4649) IMP(ERATORIS) C[AES(ARIS)] TITI AELI H[ADRIA]NI ANTON[INI A]VG(VSTI) PII P(ATRIS) P(ATRIAE) C[O(N)S(VLIS)] III TRIB(VNICIA) P[OT(ESTATE)] VI A VIND(OBONA) [M(ILIA)] P(ASSVVM) II[[I]]
"A l'empereur César Titus Aelius Hadrianus Antoninus, Auguste, pieux, père de la patrie, 3 fois consul, 6 fois revêtu du pouvoir tribunicien. Jusqu'à Vindobona, 3 mille pas."
"L'empereur César Caius Messius Quintus Decius Traianus, pieux, chéri des dieux, Auguste, grand pontif, revétu du pouvoir tribunicien, père de la patrie, consul, proconsul, il a restauré les voies et ponts écroulés de vétusté. Jusqu'à Vindobona, 4 mille pas."
"L'empereur César Publius Licinius Cornelius Valerianus, nobilissime César, prince de la jeunesse, a restauré les voies et ponts écroulés de vétusté. Jusqu'à Vindobona, 4 mille pas."
"A l'empereur César Publius Licinius Valerianus, pieux, chéri des dieux, Auguste, revêtu du pouvoir tribunicien, consul, proconsul et à (Publius) Licinius Gallienius, Auguste. Jusqu'à Vindobona, 4 mille pas."
"A l'empereur […], invincible […], grand pontife, revêtu du pouvoir tribunicien […], [et à …], nobilissime César. Jusqu'à Vindobona, […] mille pas […]."
"L'empereur César Caius Messius Quintus Decius Traianus, pieux, heureux, Auguste, grand pontife, revêtu du pouvoir tribunicien […], consul, proconsul, a restauré les voies et ponts écroulés de vétusté. Jusqu'à Vindobona, [...] mille pas."
Borne milliaire de Vienne (2) (CIL 03, 4647) IMP(ERATORI) CAES(ARI) P(VBLIO) LICINIO CORNEL(IO) VALERIANO NOBILISSIMO C(A)ES(ARI) PRINCIPI IVVENTVTIS V[I]A[S] ET PONTES VETVSTA(TE) CONLAPSA(S) RESTI(TVIT) A VIND(OBONA) M(ILIA) P(ASSVVM) II
"À l'empereur César Publius Licinius Cornelius Valerianus, nobilissime César. Les voies et les ponts, écroulés de vétusté, ont été restaurés. Jusqu'à Vindobona, 2 mille pas."
Briques de Vienne (CIL 03, 4710a-f) ANT(ONI) TIB(ERIANI) VINDOB(ONAE)
"(Faite par Marcus) Antonius Tiberianus, de Vindobona."