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| La bataille du mont Haemus [-298] |
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La bataille du mont Haemus (298 av. J.-C.)
 Certaines reconstructions chronologiques situent vers 298 av. J.-C. une incursion de Celtes en Macédoine ou en Thrace, repoussée par Cassandre sur les pentes du mont Haemus. L'idée selon laquelle des " Gaulois " auraient été battus à cette occasion - parfois présentée comme la première défaite des mouvements celtiques dans la région - repose toutefois sur des hypothèses fragiles, en l'absence de sources directes. Des traditions postérieures, relayées notamment par des auteurs secondaires ou des récits locaux, suggèrent qu'à la suite de ces affrontements, certains groupes celtiques auraient pu s'installer en Thrace, contribuant à la formation de communautés qui seraient à l'origine, ou du moins en partie liées, au futur royaume de Tylis.
Mais, le passage relatif au mont Haemus, rapporté par Sénèque (Questions naturelles||,III, 17) et expressément attribué à Théophraste, ne figure dans aucune oeuvre conservée du philosophe et doit être considéré comme un fragment perdu transmis de façon indirecte (testimonium) par la tradition latine. Pline (Histoire Naturelle, II, 167) reprend l'exemplum sous une forme très proche, sans mentionner ni Cassandre ni les Gaulois ni le mont Haemus, ce qui laisse penser qu'il s'appuie sur la même source péripatéticienne plutôt que sur Sénèque. L'anecdote s'inscrit dans le cadre d'observations concernant les phénomènes hydrologiques et géologiques, caractéristiques de la réflexion théophrastéenne sur les causes naturelles, aujourd'hui disparue. Son emploi par Sénèque illustre la manière dont les auteurs stoïciens mobilisent des matériaux antérieurs pour servir une argumentation morale fondée sur l'instabilité du monde physique. Quant au fait historique lui-même - la présence de Gaulois retranchés sur le mont Haemus lors d'un siège mené par Cassandre - il n'est attesté par aucune autre source, et ne peut dès lors être retenu que comme une information transmise par le biais philosophique, sans garantie de fiabilité historique au-delà de sa valeur exemplaire.
Deux hypothèses
Existence d'un affrontement ancien sur le mont Haemus.
Selon certaines lectures anciennes de la tradition (notamment via les fragments transmis par des auteurs comme Sénèque puis recopiés par Pline), un groupe de Celtes aurait été assiégé sur le mont Haemus par Cassandre de Macédoine. Ce siège, s'il a eu lieu, pourrait correspondre à une étape des grandes invasions celtiques des IIIᵉ s. av. J.-C. - ce que certains historiens modernes considèrent comme plausible ou comme une possibilité historique. Cette hypothèse cherche à faire du récit transmis un témoignage d'un affrontement réel, et à l'inscrire dans le cadre des migrations et des conflits qui ont suivi la désintégration des royaumes successeurs d'Alexandre.
Arguments en faveur... : coïncidence chronologique avec les grandes migrations celtiques, chroniques anciennes évoquant des Celtes sur le Haemus, accord avec des phénomènes de flux de population.
... et en défaveur : Aucun texte historique ancien " sérieux " et indépendant (chronique, inscription, récit de guerre) ne confirme ce siège ou cette bataille. La source originale (un texte de Théophraste) est perdue - on en a seulement des versions indirectes, via Sénèque ou Pline → l'information est donc fragile. Le récit est davantage utilisé pour décrire des phénomènes naturels (apparition d'eau), pas pour documenter un événement militaire.
K. Müllenhoff (1887), considèrait l'affrontement comme un épisode historique lié aux mouvements celtiques vers le sud-est. P. de Witte (1891), envisageait une activité guerrière ancienne des Celtes en Thrace, ce que certains ont relié à l'épisode rapporté par Sénèque". J. Rhys (1901), l’interprétait comme la trace d'une présence celte ancienne en Thrace. H. Hubert (1906), n’évoquait pas directement l’épisode du mont Haemus, mais admet l’hypothèse de mouvements celtiques précoces avant 280 av. J.-C.. W. Ridgeway (1910), l'utilisait pour soutenir des migrations celtiques précoces vers les Balkans. S. Reinach (1915), l'envisageait comme plausible, mais déjà avec réserve croissante. B. Sergent (1995), mentionne l'épisode sans critique approfondie, tendance à l'intégrer dans une logique de migrations. J.-L. Brunaux (2005) replace l’épisode du mont Haemus dans une séquence chronologique associée aux incursions celtiques en Grèce puis en Asie Mineure, mais sans prendre position quant à sa réalité historique. Cette hypothèse reste locale, incertaine, hypothétique - intéressante comme piste, mais non démontrée. Elle n'est d'ailleurs plus plus vraiment soutenue.
Les Celtes en Thrace mais sans trace d'une bataille sur Haemus
Plusieurs chercheurs contemporains (parmi les contribuants du colloque In Search of Celtic Tylis) soutiennent que la présence celtique en Thrace - et la formation du royaume de Tylis - est mieux expliquée comme implantation post-migratoire, non forcément suite à un combat massif sur le mont Haemus. Dans ce cadre, le passage transmis par Sénèque/Pline serait une tradition symbolique ou mythifiée, destinée à expliquer l'apparition d'eau, et non un récit de bataille historique. L'accent est mis sur l'analyse archéologique : mobilier de type laténien, traces d'occupation, nécropoles, influence culturelle - mais aucune preuve tangible d'un affrontement. Arguments en faveur : Données archéologiques réelles d'établissement celtique en Thrace (objets, tombes, poterie) - ce qui confirme une présence, mais non un combat. Variabilité des toponymes, hybrides linguistiques - Ce qui suggère une assimilation ou un métissage plutôt qu'une conquête violente suivie d'un contrôle politique stable. Absence de sources classiques (chroniques, inscriptions) corroborant la bataille ou le siège. (Boteva, 2010 ; Dimitrov, 2010).
Selon cette hypothèse, le récit ancien est une héritage littéraire / mythologique, valorisé par les Anciens pour illustrer des phénomènes naturels - mais sans valeur historique fiable pour un affrontement.
Sources littéraires anciennes.
| Pline, Histoire naturelle, XXXI, 53 : "Souvent, après qu'on a coupé des bois, naissent des sources que les arbres consommaient pour leur nourriture : par exemple sur le mont Haemus, lorsque Cassandre assiégeait les Gaulois, qui coupèrent une forêt pour se faire un retranchement. Souvent, en abattant les bois qui couvraient une colline, et qui retenaient les nuages et s'en alimentaient, on a vu se former des torrents désastreux. il est important, pour avoir des eaux, de cultiver et de remuer la terre, de détruire les duretés de la couche supérieure : du moins on rapporte que, dans la Crète, une ville nommée Arcadia ayant été rasée, les sources et les cours d'eau qui étaient abondants en cette contrée se tarirent; la ville ayant été rebâtie au bout de six ans, les eaux reparurent au fur et à mesure de la culture des terres."
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| Sénèque, Questions naturelles, III, 11 : "Ce phénomène, dit Théophraste, eut lieu au mont Coryque, où, après un tremblement de terre, on vit jaillir des sources jusqu'alors inconnues. On fait encore intervenir d'autres accidents d'où naîtraient des sources, ou qui détourneraient et changeraient leur cours. Le mont Haemus était jadis dépourvu d'eau ; mais une peuplade gauloise, assiégée par Cassandre, s'étant retranchée sur cette montagne dont elle abattit les forêts, on découvrit de l'eau en abondance, que, sans doute, les arbres absorbaient pour s'en alimenter. Ces arbres coupés, l'eau qu'ils ne consommaient plus parut à la surface du sol. Le même auteur dit qu'un fait pareil arriva aux environs de Magnésie." |
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Sources:
D. Boteva, (2010) - "The Ancient historians on the Celtic Kingdom in South-Eastern Thrace", Search of Celtic Tylis in Thrace, National Archaeological Institute and Museum (Sofia), pp. 33-50
J.-L. Brunaux, (2005) - Les Gaulois, Belles Lettres, Paris, 314p.
K. Dimitrov - "Celts, Greeks and Thracians in Thrace during the Third Century BC. Interactions in History and Culture", Search of Celtic Tylis in Thrace, National Archaeological Institute and Museum (Sofia), pp. 51-66
H. Hubert, (1906) - Les Celtes et l’expansion celtique jusqu’à l’époque de La Tène, Paris, Alcan, 476p.
K. Müllenhoff, (1887) - Deutsche Altertumskunde, Bd. III. Berlin : Weidmannsche Buchhandlung, 452p.
W. Ridgeway, (1910) - The Early Age of Greece, Cambridge, Cambridge University Press, 481 p.
J. Rhys, (1901) - Lectures on the Origin and Growth of Religion as Illustrated by Celtic Heathendom, Londres, Williams & Norgate, 720p.
S. Reinach, (1915) - Cultes, mythes et religions, Tome IV, Paris, Ernest Leroux, 254p.
B. Sergent, (1995) - Les Indo-Européens, histoire, langues, mythes, Payot , 540p.
P. de Witte, (1891) - les Celtes et les Gaulois, Paris, Ernest Leroux, 312p.
Pierre Crombet pour l'Arbre Celtique
Julien Quiret pour l'Arbre Celtique
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