Peuplade du Préalpes brescianes, leur territoire correspondait au Val Trompia, petite région de la haute-vallée de la Mella (province de Brescia), dont le nom a conservé le souvenir de ce peuple. Selon une inscription découverte à Bovegno (province de Brescia), la métropole des Trumpilins n'était autre que cette même ville, alors connue sous le nom de Vobenum (CIL 05, 4910).
Attestations et étymologie
Les Trumpilins furent mentionnés sous la forme Trumplini par Caton (Origines, cité par Pline, Histoire naturelle, III, 134), sur le trophée de La Turbie sous le nom de TRIVMPILINI selon la transcription de Pline (Histoire naturelle, III, 136) et TRVMPILI[NI selon les fragments de ce même monument exhumés par J. Formigé (1955). La forme TRVMPLINI est cependant dominante dans l'épigraphie, comme l'attestent les inscriptions de Bovegno (CIL 05, 4910) et Brescia (CIL 05, 4310 & 4313). Une inscription provenant de la base d'une statue découverte à Aphrodisias (Geyre, province d'Aydın, Turquie) mentionne le ΕΘΝΟΥΣ ΤΡΟΥΝΠΕΙΛΩ[Ν] "peuple des Trunpeiles" (Reynolds, 1981 ; Smith, 1988). Le nom de ce peuple est ici figuré au génitif pluriel, supposant un nominatif pluriel en Τρουνπείλοι. Enfin, on trouve la mention de TRVMPLI sur la Table de Peutinger.
Histoire
● Protohistoire
D'après les Origines de Caton l'Ancien (cité par Pline, Histoire naturelle, III, 134), les Camunes, Stoènes et Trumpilins étaient des Euganéens, peuple ancien dont la tradition veut qu'ils aient étés dépossédés de leurs territoires à l'arrivée des Vénètes, avant de trouver refuge auprès des Rhètes. Les liens envisagés par Caton l'Ancien entre les Camunes, Stoènes et Trumpilins semblent coïncider avec la réalité archéologique, puisque ces trois peuples constituaient le groupe du Valcamonica et de la Valteline, une culture matérielle spécifique à la Lombardie orientale qui fut soumise simultanément ou successivement aux influences étrusques, rhètes, vénètes et celtiques. Au VIe-Ve s. av. J.-C. ils furent fortement influencés par les Étrusques, alors que ces derniers s'étaient répandus dans la plaine du Pô. C'est à cette époque que ces populations développèrent l'alphabet dit "camunien", qui leur était propre, influencé par les alphabets nord-étrusques. À partir du IVe-IIIe s. av. J.-C., les influences celtiques y progressèrent notablement, à la faveur de l'installation des Cénomans, aussi bien sur un plan culturel que matériel.
● La conquête romaine
Les sources anciennes sont muettes au sujet des événements qui conduisirent à leur assujettissement. Cependant, le seul fait que le nom de ce peuple figure sur l'inscription que supportait le trophée de La Turbie implique que les Trumpilins ont été vaincus au cours d'une des campagnes menées du temps d'Auguste dans les Alpes. On peut, sans guère de doute, supputer qu'ils le furent au cours de la campagne de Publius Silius Nerva contre les Camunes et les Vennons (17-16 av. J.-C.), leurs voisins immédiats.
Au niveau du portique du Sebasteion d'Aphrodisias (Geyre, province d'Aydın, Turquie), édifié du temps de Tibère en l'honneur d'Auguste, la base d'une statue portant la mention ΕΘΝΟΥΣ ΤΡΟΥΝΠΕΙΛΩ[Ν] a été découverte. Selon toute vraisemblance, il s'agissait d'une statue allégorique représentant ce peuple, sculptée afin de rendre hommage à Auguste (Reynolds, 1981 ; Smith, 1988). Au regard des ethnonymes qui figurent à la base des autres statues de cet ensemble monumental, il s'agissait ici de commémorer les victoires d'Auguste.
● La romanisation
Les Trumpilins furent rattachés administrativement à la colonie ciuica Augusta de Brixia avec le statut de gentes adtributae. De ce fait, ils versaient annuellement un tribut à cette colonie. Deux inscriptions honorifiques érigées par ce peuple à Brixia (Brescia), témoignent de cet état de fait (CIL 05, 4310 & 4313), tout comme Pline (Histoire naturelle, III, 134). Ils conservèrent une administration propre, issue de l'élite locale. Ainsi, sur l'inscription de Bovegno, un indigène pérégrin dénommé Staius, occupa successivement la fonction de PRINCIPI TRVMPLINORVM "premier des Trumplins" et de PRAEFECTO COHORTIS TRVMPLINORVM "préfet de la cohorte des Trumplins" (CIL 05, 4910). Dans un cadre assez mal déterminé, ils bénéficièrent du droit latin, ce dont témoigne une fois encore ce même passage de l'Histoire naturelle.
Contrairement aux Camunes, les efforts de municipalisation des Trumplins n'aboutirent jamais à leur érection au rang de cité. Ils se fondirent progressivement dans celle de la colonie Ciuica Augusta Brixia.
Sources littéraires anciennes
Pline, Histoire naturelle, III, 133-134 :"On regarde les Rhètes comme issus des Étrusques, expulsés par les Gaulois et conduits par le chef Rhétus. Sur le versant des Alpes qui regarde l'Italie, sont les nations Euganéennes, jouissant du droit latin, et dont Caton énumère trente-quatre villes ; parmi elles sont les Triumpilins, peuplade vendue avec son territoire ; puis les Camunes et plusieurs autres semblables, attribuées aux municipes voisins."
Bovegno (CIL 05, 4910 ; ZPE-70-203 ; AE 1979, 297) STAIO ESDRAGASS(I) F(ILIO) VOBEN(ENSI?) PRINCIPI TRVMPLINORVM PRAEF(ECTO) [C]OHORT(IS) TRVMPLINORVM [S]VB C(AIO) VIBIO PANSA LEGATO PRO [PR(AETORE) I]N VINDOL(ICIS) I[M]MVNIS CAESARIS [...] ET SVIS MESSAVA VECI F(ILIA) VXOR
"À Staius, fils d'Esdragassus, de Vobenum, Prince des Trumpliniens, préfet de la cohorte Trumplinorum, sous la direction de Caius Vibius Pansa, légat propréteur en Vindolicie, qui a reçu l'immunité de César, [...], et pour les siens. Messava, fille de Vecus, son épouse (a érigé ce monument)."
"À Nero Claudius Drusus, fils de Tiberius. Les Camunes et les Trumplins (ont fait ce monument)."
Brescia (CIL 05, 4313) IVLIA[E] AVGVST[AE] DIVI TIT[I F(ILIAE)] TRVMPLIN[I] ET BENACENS[ES]
"À Iulia Augusta, fille du divin Titus. Les Trumplins et les Benacenses (ont fait ce monument)."
Sources
• J. Formigé, (1955) - "La dédicace du Trophée des Alpes (La Turbie)", Gallia, tome 13, fasc. 1, pp.101-102
• J. Reynolds, (1981) - "New Evidence for the Imperial Cult in Julio-Claudian Aphrodisias", Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, vol.43, pp.317-327
• R. R. R. Smith, (1988) - "Simulacra gentium : The Ethne from the Sebasteion at Aphrodisias", Journal of Roman Studies, vol.78, pp.50-77
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique