La portion centrale et septentrionale du Pays niçois
Capitale:
Cemenelum (Cimiez)
Védiantes [Cemenelenses] - Peuplade de la province des Alpes maritimes qui fut mentionnée sous la forme Vediantiorum ciuitatis par Pline (Histoire naturelle, III, 47), puis sous le nom de Οὐεδιαντίων (génitif de Οὐεδιαντίοι) par Ptolémée (Géographie, III, 1, 43). Leur nom est peut-être basé sur la racine celtique *uediiu-, qui signifie "prier". Si l'on accepte cette possibilité, ceci ferait des Védiantes, "les prieurs" (Delamarre, 2003). Autre hypothèse, plus incertaine, il est envisageable de penser que leur nom puisse être issu de celui de leurs déesses topiques, les Vediantiae. Dans sa plus grande extension (à l'époque impériale), le territoire des Védiantes correspondait à celui qui fut celui du diocèse de Nice (avant 1790), soit l'actuel Pays niçois, auquel il convient néanmoins de soustraire la haute-vallée du Var, la vallée de l'Estéron et celle de la Roya(1). Leur métropole était Cemenelum (Cimiez).
Les Védiantes entrèrent très tôt au contact des Grecs de Massalia. Pas moins de trois postes massaliotes furent édifiés sur le littoral ; Μονοίκος "Monoikos" (Monaco) au VIe-Ve s. av. J.-C., Νίκαια "Nikaia" (Nice) dans la seconde moitié du IVe s. av. J.-C. et l'énigmatique Ἡρακλέους λιμήν "le port d'Héraclès" (non-localisé). Les fonctions des deux postes orientaux ne sont pas connues, par contre celui de Νίκαια (Nice) a été établi pour protéger les intérêts des Massaliotes des assauts des populations ligures (Strabon, Géographie, IV, 1, 5 ; 9). Ceci témoignerait donc d'une dégradation des relations entre les indigènes et les Grecs au IVe s. av. J.-C.
La dégradation des relations entre les Massaliotes et les populations de la région atteint son paroxysme dans la première moitié du IIe s. av. J.-C. Les pirates ligures menaçant sans cesse les possessions grecques, ceux-ci réclamèrent le soutien des Romains pour en venir à bout (182 av. J.-C.). La réaction romaine fut violente et sous la direction de Lucius Aemilius Paullus, les Ingaunes et les Intéméliens furent écrasés (181 av. J.-C.). Rien ne permet de dire Védiantes prirent part à ces actes de piraterie, toujours est-il qu'à l'issue de ce conflit, les Romains avaient étendu leur dominations jusqu'aux frontières orientales de ce peuple.
Quelques décennies plus tard, les Déciates et les Oxybiens reprirent les hostilités contre les Massaliotes et mirent le siège devant Nikaia et Antipolis (155-154 av. J.-C.). Les sources ne mentionnent en aucun cas les Védiantes à cette occasion, bien que Νίκαια (Nice) ait été installée sur leur territoire. Les Védiantes n'étaient-ils alors qu'une des composantes d'un autre peuple, tel que les Déciates ? Se sachant frontaliers de territoires tenus par les Romains, préférèrent-ils demeurer neutres ? Nous n'en savons rien. A l'issue de la campagne de Quintus Opimius (154 av. J.-C.), les Déciates et Oxybiens furent désarmées et contraintes de livrer tous les ans des otages à la cité de Massalia. En plus de cela, leurs possessions littorales cédées aux Massaliotes. De fait, Déciates et Oxybiens perdirent toute autonomie. Si l'on se fie à la Géographie de Ptolémée, on constate que les Védiantes étaient privés d'accès à la mer. L'ensemble de leur littoral était rattaché administrativement à la Ligurie, jusqu'à l'embouchure du Var, tandis que Μονοίκος (Monaco), Τρόπαια Σεβαστου (La Turbie), Ἡρακλέους λιμήν ("le port d'Héraclès") et Νίκαια (Nice) demeuraient dans l'escarcelle des Massaliotes (Géographie, III, 1, 43). La perte de l'ensemble du littorale était-elle contemporaine de l'installation des Massaliotes, ou constituait-elle l'une des conséquences de l'intervention de Quintus Opimius ? La question demeure ouverte. Par la suite, le territoire des Védiantes semble avoir conservé une autonomie toute relative, sous la dépendance des Massaliotes ou des Romains.
Au cours du règne de Néron, la province des Alpes maritimes fut déduite et ses habitants reçurent le droit latin (63 ap. J.-C.). Cemenelum (Cimiez), la capitale des Védiantes, devint la métropole de la nouvelle province. A la même époque, à la mort du roi Cottius II (64/66 ap. J.-C.), une partie des territoires qu'il administrait échut à la cité des Védiantes. En effet, si la localisation proposée pour les territoires des Ésubiens (vallée de la Vésubie ?) et les Ectiniens (vallée de la Tinée ?) est correcte, leur territoire constitua dés lors les prolongements septentrionaux de la cité des Védiantes.
Avec le temps, le nom de la cité changea pour devenir la ciuitas Cemenelensium, "la cité des Cemenelenses / habitants de Cemenelum". Leur nom indigène demeura indirectement dans celui des déesse mères Vediantiae, honorées à Tourrette-Levens (CIL 05, 7872 et 7873).
Notes
(1)Ptolémée leur a attribué à tord Σανίτιον, l'actuelle Senez, laissant supposer une très grande extension de cette cité vers l'ouest et l'intérieur des terres. Il s'agît d'une erreur, Σανίτιον était la métropole des Sanitienenses.
Sources littéraires anciennes
Pline, Histoire naturelle, III, 47 :"A partir du Var on trouve Nice, ville fondée par les Marseillais : le fleuve Palo ; les Alpes et les peuples alpins portant un grand nombre de noms, particulièrement les Chevelus ; le peuple des Védiantiens, et Cemenelum leur ville ; le port d'Hercule Monoecus, la côte ligustine. Ligures les plus célèbres : au delà des Alpes, les Salluviens, les Déciates, les Oxubiens ; en deçà des Alpes, les Vénènes, les Vagiennes descendants des Caturiges ; les Statyelles, les Vibelles, les Magelles, les Euburiates, les Casmonates, les Véliates, et ceux dont nous nommerons toutes les villes en parlant du rivage suivant."
Strabon, Géographie, IV, 1, 5 :"Ajoutons qu'ils avaient employé leurs forces militaires à fonder un certain nombre de places destinées à leur servir de boulevards contre les Barbares : les unes, situées sur la frontière d'Ibérie, devaient les couvrir contre les incursions des Ibères, de ce même peuple à qui ils ont communiqué avec le temps les rites de leur culte national (le culte de Diane d'Ephèse), et que nous voyons aujourd'hui sacrifier à la façon même des Grecs ; les autres, telles que Rhodanusia et Agathé, devaient les défendre contre les Barbares des bords du Rhône ; d'autres enfin, à savoir Tauroentium, Olbia, Antipolis et Nicaea, devaient arrêter les Salyens et les Ligyens des Alpes."
Strabon, Géographie, IV, 1, 9 :"Quant à la côte qui se prolonge dans la direction du Var et de la partie de la Ligystique attenante à ce fleuve, elle nous présente, avec les villes massaliotes de Tauroentium, d'Olbia, d'Antipolis et de Nicaea, la station navale, fondée naguère par César-Auguste sous le nom de Forum Julium : cette station se trouve située entre Olbia et Antipolis, à 600 stades de Massalia. Le Var coule entre les villes d'Antipolis et de Nicaea, mais passe à 20 stades de l'une et à 60 de l'autre, de sorte qu'en vertu de la délimitation actuelle Nicaea se trouve appartenir à l'Italie, bien qu'elle dépende effectivement de Massalia. Nous l'avons déjà dit, ce sont les Massaliotes, qui, se voyant entourés de Barbares, ont bâti ces différentes places : ils voulaient les contenir et s'assurer au moins le libre accès de la mer, puisque du côté de la terre tout était aux mains de leurs ennemis."
Sources épigraphiques
Inscription de Vence (CIL 12, 3) MARTI VINTIO M(ARCVS) RVFINIVS FELIX SAL(INIENSIS) IIIIIIVIR ET INCOLA CEMENEL(ENSIS) EX VOTO S(OLVIT)
"À Mars Vintius. Marcus Rufinus Felix, saliniense, sévir et habitant chez les Cemenelenses, s'est acquitté de son voeu."