Siège d'Intercatia (151 av. J.-C.)
Après le siège et le pillage de Cauca (Coca, province de Ségovie, Espagne), l'armée du consul Lucius Licinius Lucullus fit route à travers une région peu peuplée du pays des Vaccéens. Compte-tenu des crimes commis par les Romains à Cauca, à l'approche de l'armée romaine, les Intercatienses quittèrent leurs foyers et vinrent trouver refuge dans leur principale place-forte, Intercatia (Montealegre, province de Valladolid, Espagne). Au final, lorsque les Romains gagnèrent cette localité, 20000 fantassins et 2000 cavaliers y avaient trouvé refuge (Appien, Ibérique, 53).
Contre toute attente, après s'être illustré par le non-respect du traité imposé aux Caucenses et de nombreux crimes à leur encontre, le consul Lucius Licinius Lucullus proposa un traité aux Intercatienses. Légitimement, ceux-ci n'accordèrent pas leur confiance au consul, en réponse à quoi ce dernier fit ravager leur territoire et organisa le siège d'Intercatia. Dans un premier temps, les assiégés ne tentèrent pas de sortie, mais se contentaient de répondre aux attaques des Romains par des jets de projectiles. Une autre fois, l'un des assiégés au physique impressionnant défia les Romains à un combat singulier. Aucun Romain n'osa réponse positivement à cette invitation, hormis Publius Cornelius Scipio Aemilianus (Scipion Émilien), qui remporta la victoire dans des circonstances inconnues (Pseudo-Aurelius Victor, Des hommes illustres de la ville de Rome, LVIII ; Florus, Abrégé de l'Histoire romaine, II, 17 ; Appien, Ibérique, 53).
Ce ne fut pas ce combat singulier qui mit fin à ce siège, mais la famine qui affectait les deux camps. En effet, compte-tenu de la situation tout aussi précaire pour les uns que pour les autres, Publius Cornelius Scipio Aemilianus tenta de négocier la paix avec les Intercatienses ; il leur proposa alors conclure un traité, et garantissait que celui-ci ne serait pas violé. En contrepartie, il exigea d'eux 10000 manteaux, du bétail, 50 otages, mais également de l'or et de l'argent. Les Intercatienses répondirent positivement à cette demande à une exception près : ils ne possédaient ni or, ni argent, métaux dont ils ne se souciaient pas (Appien, Ibérique, 54). Bien qu'Appien n'en dise rien, il semblerait que les Romains s'en soient contentés et que le traité fut bel et bien conclu, au grand soulagement des deux partis.
Sources littéraires anciennes
Pseudo-Aurelius Victor, Des hommes illustres de la ville de Rome, LVIII : "Publius Scipion Émilien, fils de Paul Émile le Macédonique, fut adopté par Scipion l'Africain ; pendant la campagne qu'il fit en Macédoine avec son père, il poursuivit avec tant d'opiniâtreté Persée après sa défaite, qu'il ne rentra au camp que vers le milieu de la nuit. Lieutenant de Lucullus en Espagne, il vainquit, auprès de la ville d'lntercatia, un barbare qui l'avait provoqué à un combat singulier. Le premier, il escalada les remparts de la place ennemie."
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Florus, Abrégé de l'Histoire romaine, II, 17 : "Il est plus difficile de conserver une province que de la conquérir. Aussi envoya-t-on des généraux dans les différentes parties du pays contre des peuples extrêmement farouches, jusque-là encore libres, et par suite incapables de supporter le joug ; il fallut de pénibles efforts et de sanglants combats pour leur apprendre à endurer la servitude. Caton, le censeur bien connu, brisa en quelques combats les Celtibères, le peuple le plus fort de l'Espagne. Gracchus, l'illustre père des Gracques, punit ces mêmes peuples par la destruction de cent cinquante de leurs villes. Le fameux Métellus, qui avait mérité le surnom de Macédonique, mérita aussi celui de Celtibérien à la suite de la prise mémorable de Contrébie et du pardon plus glorieux encore, qu'il accorda à Nertobrige. Lucullus dompta les Turdules et les Vaccéens ; le jeune Scipion avait déjà tué en combat singulier leur roi qui l'avait provoqué, et il avait remporté les dépouilles opimes."
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Appien, Ibérique, 53 : "Ce dernier, après avoir traversé un pays désert, arriva à la ville d'Intercatia où plus de vingt mille fantassins et deux mille cavaliers s'étaient réfugiés. Lucullus, dans son inconscience, les invita à signer un traité. Ils lui reprochèrent le carnage des Caucéens, et lui demandèrent s'il leur donnait les mêmes garanties qu'il avait données à ceux-là. Lui, comme tous les coupables, irrité contre ses accusateurs, au lieu de se faire des reproches, ravagea leur territoire. Alors, il fit le siège de la ville, fit élever plusieurs terrasses, et à plusieurs reprises, mit ses forces en ordre de bataille pour engager le combat. L'ennemi n'y répondit pas, mais lança seulement des projectiles. Il y avait un Barbare qui se distinguait par son armure splendide, et qui souvent s'installait entre les armées et défiait les Romains à un combat singulier, et comme personne ne relevait le défi, il se moquait d'eux, les insultait par des gestes, et s'en allait. Après l'avoir fait plusieurs fois, Scipion, qui était encore tout jeune, en fut fort chagriné, s'élança et accepta le défi. La fortune fit qu'il remporta la victoire sur ce géant bien qu'il fût lui-même de petite taille."
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Appien, Ibérique, 54 : "Cette victoire releva le courage des Romains, mais la nuit suivante, ils furent saisis de panique. Un corps de cavalerie de l'ennemi, sorti pour faire du fourrage avant que Lucullus n'arrivât, revint et ne put entrer dans la ville parce qu'elle était encerclée par les assiégeants. Ils se mirent à pousser des cris et créèrent de la perturbation tandis que ceux qui se trouvaient à l'intérieur des murs criaient à leur tour. Ces bruits causèrent une terreur étrange dans le camp romain. Leurs soldats étaient malades à cause du manque de sommeil et en raison de la nourriture inhabituelle que ce pays fournissait. Ils n'avaient ni vin ni sel ni vinaigre ni huile, mais se nourrissaient de blé et d'orge, de la chair bouillie et sans sel de cerfs et de lapins, ce qui amena la dysenterie, dont beaucoup moururent. Enfin, quand la terrasse fut terminée, ils purent avec leurs machines de guerre marteler les murs de l'ennemi. Ils en abattirent une partie, et se précipitèrent dans la ville, mais ils furent rapidement repoussés. Obligés de se retirer et ne connaissant pas l'endroit, ils tombèrent dans un réservoir où beaucoup périrent. La nuit suivante, les Barbares réparèrent leur mur écroulé. Comme les deux parties souffraient alors énormément, la famine s'étant abattue sur les deux camps, Scipion promit aux Barbares que s'ils concluaient un traité, celui-ci ne serait pas violé. Ils avaient tellement confiance en ses paroles que la guerre prit fin aux conditions suivantes : les Intercatiens donnèrent à Lucullus dix mille manteaux, du bétail, et cinquante otages. Quant à l'or et à l'argent que Lucullus réclamait -c'était le seul but de sa guerre, pensant que toute l'Espagne regorgeait d'or et d'argent- il n'en obtint pas. Non seulement, ils n'en avaient pas, mais les Celtibères ne faisaient aucun cas de ces métaux." |
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