Latobiques [Neviodunenses] - Peuple celte de Pannonie, mentionné par Pline sous la forme Latobici (Histoire naturelle, III, 148) et sous la forme Λατόβικοι par Ptolémée (Géographie, II, 14, 2). On peut identifier plusieurs termes gaulois dans cet ethnonyme : lato- qui signifie "ardeur / fureur" et possiblement "plaine", associé à -vic--vico- qui signifie "combat / combattant". Pline ne situe pas avec précision le territoire des Latobiques, tandis que Ptolémée les place dans l'ouest de la Pannonie supérieure (Géographie, II, 14, 2). Plusieurs inscriptions officielles des Ier et IIe s. ap. J.-C., attestent du fait que Neviodunum (Drnovo, Krško, Slovénie) était leur métropole à l'époque romaine. On trouve par ailleurs, la mention d'une localité dénommée Praetorio Latovicorum sur l'Itinéraire d'Antonin (259, 13), qui correspond à l'actuel Trebnje (Basse-Carniole, Slovénie). Aussi, un réseau de bornes milliaires découvertes à Drnovo (AE 1997, 1249), Gorenje Karteljevo (AE 2006, 1031), Krakovski gozd (CIL 03, 11325), Krško (CIL 03, 4618) et Sticna (CIL 03, 4616 ; 11322), toutes posées par cette cité au cours du règne d'Antonin le Pieux, vient compléter ces premiers indices. Si on ajoute à cela ce que l'on sait de l'extension des cités voisines, il est possible d'affirmer que le territoire des Latobiques correspondait donc à la région comprise entre les collines de la Save (Posavsko hribovje) au nord, les plateaux de Carniole-Intérieure à l'ouest et au sud, et les monts Gorjanci / Zumberak au sud et à l'est. Ce domaine correspond, dans une certaine mesure, à la région traditionnelle de Basse-Carniole.
L'histoire de ce peuple est totalement méconnue. Un peuple du même nom fut mentionné par César (Guerre des Gaules, I, 5) dans le voisinage des Helvètes, Rauraques et Tulinges, alors qu'ils entreprenaient projet de migration dans l'ouest de la Gaule. Quels liens entretenaient-ils avec leurs homonymes de Pannonie ? Nous n'en savons rien. On remarquera cependant qu'ils apparaissent aux côtés de Boïens de Pannonie ayant fui leur territoire, exposé à l'expansionnisme des Daces de Burebista. Aux yeux de G. Alföldy (1974), M. Gustin (2011), les Latobices étaient une des composantes des Taurisques, peuple qui fut vaincu par les Daces en même temps que les Boïens de Pannonie selon Strabon (Géographie, V, 1, 6 ; VII, 3, 11 ; 5, 2). Ainsi, il est tout à fait envisageable de croire que les Latobiques mentionnés par César aient été mis en mouvement par la pression de ces mêmes Daces, mais rien ne le prouve formellement.
On peut aisément conjecturer qu'ils sont entrés dans le giron romain à la fin du Ier s. av. J.-C., à l'occasion des campagnes d'Octavien en Illyrie (35-33 av. J.-C.), qui mirent un terme à la confédération menée par les Taurisques. Les Latobices acceptèrent visiblement facilement la main-mise romaine, à en juger par le fait qu'ils ne furent pas mentionnés par les différentes sources ayant évoqué la guerre de Pannonie (14-9 av. J.-C.), parmi les peuples insurgés.
Les Latobiques furent intégrés à la province d'Illyrie, puis la province de Pannonie. les institutions de la cité des Latobiques furent calquées sur celles des Romains, si bien que du temps des empereurs flaviens (entre 69 et 96 ap. J.-C.), elle fut érigée au rang de municipe de droit latin. Cette datation nous est fournie par une inscription votive provenant de Drnovo sur laquelle le municipe est désigné FL(AVII) NEVIOD(VNI) (CIL 03, 3919). Ainsi, sur les inscriptions ultérieures, la cité des Latobiques fut indistinctement dénommée "municipe des Latobiques" ou "municipe Flavium de Neviodunum". Comme le voulait la tradition, les magistrats de la cité bénéficièrent du droit romain au terme de leur mandat et furent intégrés à la tribu Quirina.
Un certain nombre de Latobiques s'engagèrent dans l'armée romaine. Plusieurs diplômes militaires et inscriptions lapidaires témoignent du fait qu'il existait une cohorte mêlant des recrues provenant des cités des Latobiques et des Varcians : la cohorte I Latobicorum et Varcianorum, basée en Germanie inférieure, dont des détachements servirent jusqu'en Judée (AE 1909, 19 ; 235 ; 1912, 264 ; 1938, 13).
Sources littéraires anciennes
Pline, Histoire naturelle, III, 148 :"Là commence la Pannonie, féconde en glands ; les sommets décroissants des Alpes vont, par le milieu de l'Illyrie, du nord au midi, s'abaissant, par une douce pente, à droite et à gauche. La partie qui regarde la mer Adriatique forme la Dalmatie et l'Illyrie, de laquelle il a déjà été parlé. La Pannonie s'étend vers le nord, où elle a pour limite le Danube. Elle renferme les colonies Aemona et Siscia ; des rivières renommées et navigables se jettent dans le Danube : la Drave, qui arrive de la Noricie avec impétuosité ; la Save, qui descend plus tranquillement des Alpes Carniennes, à 120.000 pas l'une de l'autre : la Drave, traversant les Serrètes, les Serrapilles, les Iases, les Andizètes ; la Save, traversant les Colapians et les Breuques. Ce sont là les peuples principaux ; on y trouve en outre les Arivates, les Azales, les Amantes, les Belgites, les Catares, les Cornacates, les Eravisces, les Hercuniates, les Latoviques, les Osériates, les Varcians ; le mont Claudius, au-devant les Scordisques, en arrière les Taurisques, dans la Save l'île Métubarris, la plus grande des îles fluviales ; de plus, d'autres rivières dignes d'être citées : le Co!apis, qui se jette dans la Save auprès de Siscia, et qui, par un double lit, y forme l'île appelée Segestica ; le Bacuntius, qui se jette aussi dans la Save à Sirmium, au territoire des Sirmiens et des Amantins ; de là, à 45.000 pas, Taurunum, où la Save se joint au Danube, au-dessus de ce confluent ceux du Valdasus et de l'Urpanus, rivières qui, elles-mêmes, ne sont pas sans quelque renom."
"Consacré à Jupiter, très bon et très grand et au Génie du municipe Flavium Neviodunum. Lucius Pompeius Ingenuus, bénéficiaire consulaire, s'est acquitté de son voeu, de bon gré, comme il se doit."
Inscription de Drnovo (Krsko) (CIL 03, 3921) INVICTO DEO CHARITO NEVIOD(VNENSIVM) SVMM(ARVM)
"A l'invincible dieu Charitus, les principaux des Neviodunenses (ont fait)."
"A Titus Eppius Latinus fils de Titus, (de la tribu) Quirina, duumvir pour dire le droit du municipe des Latobiques, procurateur de l'empereur César Traianus Auguste, père de la patrie, chargé de négocier le tribut, procurateur des troupes de gladiateurs dans les provinces d'Hispanie, mais aussi procurateur des 4 recettes publiques d'Afrique. (Sur les fonds) publics, par décret des décurions."
"[...] en charge du cens de la province de Germanie inférieure, légat d'Auguste propréteur des provinces d'Hispanie, quindecimvir sacris faciundis. Les Latobiques à leur patron. (Sur les fonds) publics, par décret des décurions."
Inscription de Sabastiyah (AE 1909, 19 ; 235 ; 1912, 264 ; 1938, 13) I(OVI) O(PTIMO) M(AXIMO) MIL(ITES) VEXIL(LATIONIS) COH(ORTIVM) PA(NNONIAE) SVP(ERIORIS) CIVES SISCI(ANI) ET VARCIAN(I) ET LATOBICI SACRVM FECER(VNT)
"Pour Jupiter très bon et très grand, les militaires des détachements des cohortes de Pannonie supérieure, les citoyens Siscians, Varcians et Latobiques, ont accompli le rite."
Sources
• G. Alföldy (1974) - Noricum, Routledge and Kegan Paul, collection : The Provinces of the Roman Empire, Londres et Boston, 413p.
• M. Gustin (2011) - "On the Celtic tribe of Taurisci Local identity and regional contacts in the ancient world", in : M. Guštin & M. Jevtić (Eds.), The Eastern Celts : the communities between the Alps and the Black Sea, Znanstveno-raziskovalno središče, Annales Mediterranei, Koper-Beograd, pp.119-130
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique