Les Éduens maltraitent les citoyens romains sur leur territoire (avril-mai 52 av. J.-C.)
Lorsque Litaviccos souleva ses propres troupes contre César, il fit parvenir aux différents pagi éduens des courriers annonçant le massacre de la cavalerie et de la noblesse éduenne par les Romains. La démarche de Litaviccos eut l'effet escompté, et fut amplifiée par Convictolitavis et ses proches, acquis à la cause de l'indépendance gauloise. En réaction, les Éduens pillèrent, tuèrent ou encore prirent en otage les citoyens romains présents sur leur territoire. Les commerçants romains furent quant à eux expulsés, et dépouillés sur la route. Le légat militaire Marcus Aristius, alors qu'il rejoignait sa légion, fut traité avec plus de clémence. Il fut obligé de quitter l'oppidum de Cavillonum (Chalon-sur-Saône), après lui avoir promis qu'il quitterait la place en toute sécurité, et il ne fut visiblement pas inquiété outre mesure (Guerre des Gaules, VII, 42).
Quelques jours tout au plus après le déclenchement de ces violences, les courriers de César dénonçant les mensonges de Litaviccos et annonçant le ralliement des 10000 fantassins éduens qu'il commandaient, arrivèrent. Immédiatement, une partie des Éduens accourut auprès de Marcus Aristius pour tenter de le convaincre que ces événements n'engageaient pas l'ensemble de la cité. Pour soigner les apparences, les Éduens lancèrent une enquête sur les pillages dont les Romains avaient été les victimes, confisquèrent les biens de Litaviccos et de ses frères, et députèrent auprès de César. Selon le général romain, les Éduens étaient avant-tout inquiets du sort qu'il réserverait à leur cavalerie et aux 10000 fantassins engagés auprès de lui dans le siège de Gergovia (Guerre des Gaules, VII, 43).
Parallèlement, les Éduens n'ignoraient pas que le fait d'avoir ainsi maltraité des citoyens romains était un casus belli, et que nombre de leurs compatriotes s'étaient enrichis par ces pillages. Inévitablement, les personnes considérées comme responsables (sinon la cité elle-même) seraient châtiées. Dans ces circonstances, il est fort probable que les Éduens ayant jusqu'alors soutenu l'alliance avec Rome, aient vu un engagement aux côtés des Gaulois coalisés contre Rome comme une perspective moins périlleuse. Ainsi, les Éduens se préparaient à la guerre et certains de leurs délégués travaillaient déjà à enflammer les cités ne s'étant pas encore jointes à l'insurrection générale (Guerre des Gaules, VII, 43).
Le général romain n'était pas dupe, il savait que les Éduens jouaient un double-jeu, mais il lui importait avant-tout qu'ils n'entrassent en guerre que le plus tard possible, de manière à ne pas se trouver complètement enveloppé par les Gaulois, alors qu'il se trouvait en difficulté pour mener à bien le siège de Gergovia. Les troupes auxiliaires éduennes pouvaient apparaître tout autant comme un danger potentiel en cas d'entrée en guerre, que comme un outil pour retarder cette même entrée en guerre. Conscient du péril qui le guettait et de la valeur des cartes qui lui restaient à jouer, César accueillit les députés éduens avec une certaine douceur, de manière à retarder une guerre que tous les protagonistes savaient inévitable (Guerre des Gaules, VII, 43).
La stratégie de César fonctionna, puisque ce ne fut qu'après sa défaite face à Gergovia (mai 52 av. J.-C.), alors que l'armée romaine avait quitté le territoire arverne, que l'entrée en guerre des Éduens fut officialisée. Dés lors, la priorité de César fut de rejoindre le territoire des Sénons afin de rassembler son armée.
Sources littéraires anciennes
César, Guerre des Gaules, VII, 42 : "Tandis que ces événements se passent auprès de Gergovie, les Éduens, aux premières nouvelles qu'ils reçoivent de Litaviccos, ne donnent pas un instant à la réflexion. Les uns sont poussés par la cupidité, les autres par la colère et par cette légèreté qui est si naturelle à ce peuple qu'il prend pour chose avérée ce qui n'est qu'un simple ouï-dire. Ils pillent les citoyens romains, les massacrent, les traînent en prison. Convictolitavis seconde l'impulsion donnée, et précipite la multitude dans les excès les plus coupables, afin que le crime une fois commis, elle ait honte de revenir à la raison. M. Aristius, tribun des soldats, rejoignait sa légion ; on le fait sortir sur parole de la place de Cavillonum ; on force à s'éloigner ceux qui s'y étaient établis pour leur commerce. Harcelés sans relâche sur la route, ils sont dépouillés de tous leurs effets ; ceux qui résistent sont assaillis nuit et jour ; enfin, après beaucoup de pertes de part et d'autres, on excite une plus grande multitude à prendre les armes."
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César, Guerre des Gaules, VII, 43 : "Cependant, à la nouvelle que toutes leurs troupes sont au pouvoir de César, les Éduens accourent près d'Aristius ; ils l'assurent que rien ne s'est fait de l'aveu général ; ils ordonnent une enquête sur le pillage des effets, confisquent les biens de Litaviccos et de ses frères, et députent vers César pour se justifier. Leur seul but était de recouvrer leurs troupes ; mais souillés d'un crime, enrichis par le profit du pillage auquel un grand nombre d'entre eux avait eu sa part, et, frappés de la crainte du châtiment, ils ne tardent pas à former secrètement des projets de guerre, et font, par des agents, intriguer auprès des autres cités. César, quoique instruit de ces menées, parla à leurs députés avec toute la douceur possible. L'aveuglement et l'inconséquence de la populace ne lui feront jamais penser désavantageusement des Éduens, et ne peuvent diminuer sa bienveillance pour eux. S'attendant néanmoins à un mouvement plus général dans la Gaule, et ne voulant pas être investi par toutes les cités, il pensait aux moyens de s'éloigner de Gergovie, pour réunir de nouveau toutes ses forces ; mais il fallait que son départ, qui venait de la crainte d'un soulèvement, n'eût pas l'air d'une fuite." |
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