L'insurrection générale (52 av. J.-C.)
Après la tenue de l'assemblée de la Gaule à Durocortorum (automne 53 av. J.-C.), César établit ses légions dans leurs quartiers d'hiver. Après avoir pourvu à leur approvisionnement, il regagna l'Italie, alors que celle-ci connaissait une grave crise politique, qui atteignit son paroxysme au cours de l'hiver 53-52 av. J.-C. (1) (César, Guerre des Gaules, VII, 1 ; Dion Cassius, Histoire romaine, XL, 32). Profitant de l'hiver et conscients des troubles qui agitaient Rome auraient tendance à retenir César loin de ses légions, les principaux de Gaule tinrent une assemblée secrète (César, Guerre des Gaules, VII, 1 ; Florus, Abrégé de l'Histoire romaine, III, 11 ; Plutarque, Vies parallèles des hommes illustres : Vie de César, XXV).
Au cours de cette entrevue, les chefs gaulois dénoncèrent l'exécution d'Acco, déplorèrent la soumission de la Gaule et finalement s'accordèrent à profiter de l'absence de César pour engager un soulèvement général. Deux grands axes furent définis pour mener à bien se soulèvement : un premier peuple devait donner le signal de l'insurrection et tous les autres, de proche en proche, devaient entrer en rébellion à leur tour ; dans le même temps, considérant que les légions n'oseraient quitter leurs quartiers d'hiver et se mettre en mouvement tant que César ne leur en donnerait par l'ordre, il fut convenu qu'il faudrait l'empêcher de rejoindre ses légions (Guerre des Gaules, VII, 1). Les Carnutes se portèrent volontaires pour déclencher ce soulèvement. Traditionnellement, ces différents peuples auraient eu recours à des échanges d'otages pour garantir le fait qu'ils ne trahiraient pas leurs engagements, mais ceci aurait nécessairement attiré l'attention des Romains. Ils privilégièrent donc une cérémonie rituelle, la plus sacrée de toutes selon César, consistant à prêter serment au-dessus de leurs étendards réunis (Guerre des Gaules, VII, 2).
D'après les renseignements collectés postérieurement, cette assemblée fut organisée dans des bois, en un lieu reculé (César, Guerre des Gaules, VII, 1 ; Florus, Abrégé de l'Histoire romaine, III, 11 ; Plutarque, Vies parallèles des hommes illustres : Vie de César, XXV), eut une dimension religieuse et vit les Carnutes jouer un rôle prépondérant (Guerre des Gaules, VII, 2). Cette conjonction de faits laisse entendre que cette réunion eut lieu dans le cadre d'une assemblée des druides, sans la moindre certitude.
Quelques temps plus tard, le jour convenu lors de cette cérémonie, les Carnutes engagèrent les hostilités, déclenchant ainsi l'insurrection générale des peuples gaulois.
Notes
(1) Cette crise gagna en intensité avec les tensions extrêmes qui agitaient les rues de Rome, opposant les partisans des candidats Titus Annius Milo (candidat au consulat) et Publius Clodius Pulcher (candidat à la préture), qui se soldèrent par l'assassinat du second par le premier. Rome fut plongée dans l'anarchie, si bien que la rumeur courait que le Sénat pourrait offrir la dictature à Gnaeus Pompeius Magnus (Pompée), pour rétablir l'ordre. Pompée fut finalement désigné consul unique, avec des pouvoirs extraordinaires, fragilisant encore un peu plus l'équilibre du pouvoir avec César, déjà rendu précaire par le refus d'une seconde alliance matrimoniale.
Sources littéraires anciennes
César, Guerre des Gaules, VII, 1 : "Voyant la Gaule tranquille, César, comme il l'avait résolu, va tenir les assemblées en Italie. Il y apprend la mort de P. Clodius, et, d'après le sénatus-consulte qui ordonnait à toute la jeunesse de l'Italie de prêter le serment militaire, il fait des levées dans toute la province. La nouvelle en est bientôt portée dans la Gaule transalpine. Les Gaulois supposent d'eux-mêmes et ajoutent à ces bruits, ce qui semblait assez fondé, que les mouvements de Rome retiennent César, et qu'au milieu de troubles si grands il ne peut se rendre auprès de l'armée. Excités par ces circonstances favorables, ceux qui déjà se voyaient avec douleur soumis au peuple romain commencent à se livrer plus ouvertement et plus audacieusement à des projets hostiles. Les principaux de la Gaule s'assemblent dans des lieux écartés et dans les bois ; ils s'y plaignent de la mort d'Acco ; ils se disent qu'il peut leur en arriver autant ; ils déplorent le sort commun de la Gaule ; ils offrent toutes les récompenses à ceux qui commenceront la guerre, et qui rendront la liberté à la Gaule au péril de leur vie. Tous conviennent que la première chose à faire, avant que leurs projets secrets éclatent, est d'empêcher César de rejoindre l'armée ; ce qui sera facile parce que, pendant son absence, les légions n'oseront sortir de leurs quartiers d'hiver, et que lui-même n'y pourra parvenir sans escorte ; qu'enfin il vaut mieux périr dans une bataille que de ne pas recouvrer leur ancienne gloire militaire et la liberté qu'ils ont reçue de leurs ancêtres."
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César, Guerre des Gaules, VII, 2 : "A la suite de cette discussion, les Carnutes déclarent qu'ils s'exposeront à tous les dangers pour la cause commune ; qu'ils prendront les armes les premiers de tous ; et comme, afin de ne rien découvrir, ils ne peuvent se donner des otages, ils demandent que les alliés engagent leur parole, et sur les étendards réunis (cérémonie qui, dans leurs moeurs, est ce qu'il y a de plus sacré), on leur jure de ne pas les abandonner, quand ils se seront déclarés. On comble d'éloges les Carnutes ; tous ceux qui sont présents prêtent le serment exigé ; on fixe le jour pour l'exécution, et l'assemblée se sépare."
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Dion Cassius, Histoire romaine, XL, 32 : "L'approche de l'hiver et les troubles qui agitaient Rome ne lui permirent pas de se venger. Il envoya ses soldats dan les quartiers d'hiver et se rendit en Italie, sous prétexte de veiller sur la Gaule cisalpine, mais, en réalité pour observer de près ce qui se passait à Rome."
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Florus, Abrégé de l'Histoire romaine, III, 11 : "Mais la plus grande et en même temps la dernière de toutes les ligues gauloises fut celle où les Arvernes, les Bituriges, les Carnutes et les Séquanes se coalisèrent sous la direction d'un chef que sa taille, ses armes et son courage rendaient terrible et dont le nom même semblait fait pour engendrer l'épouvante, Vercingétorix. Aux jours de fêtes et dans les assemblées, quand il les voyait réunis en très grand nombre dans les bois, il les excitait par des paroles véhémentes à recouvrer leur ancienne liberté. César n'était pas là ; il levait alors des troupes à Ravenne. L'hiver avait accru la hauteur des Alpes, et les Gaulois pensaient que le passage était fermé."
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Plutarque, Vies parallèles des hommes illustres : Vie de César, XXV : "Pour remplacer les légions qu'il avait perdues, il lui en était venu trois d'Italie, dont deux lui avaient été prêtées par Pompée, et la troisième venait d'être levée dans la Gaule aux environs du Pô. Cependant on vit tout à coup se développer, au fond de la Gaule, des semences de révolte, que les chefs les plus puissants avaient depuis longtemps répandues en secret parmi les peuples les plus belliqueux, et qui donnèrent naissance à la plus grande et à la plus dangereuse guerre qui eût encore eu lieu dans ces contrées. Tout se réunissait pour la rendre terrible : une jeunesse aussi nombreuse que brillante, une immense quantité d'armes rassemblées de toutes parts, les fonds énormes qu'ils avaient faits, les places fortes dont ils s'étaient assurés, les lieux presque inaccessibles dont ils avaient faits leurs retraites : on était d'ailleurs dans le fort de l'hiver ; les rivières étaient glacées, les forêts couvertes de neige ; les campagnes inondées étaient comme des torrents ; les chemins, ou ensevelis sous des monceaux de neige, ou couverts de marais et d'eaux débordées, étaient impossibles à reconnaître. Tant de difficultés faisaient croire aux Gaulois que César ne pourrait les attaquer." |
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