Vercingetorix adopte la stratégie de la terre brûlée (début 52 av. J.-C.)
Lors de l'assemblée secrète des chefs gaulois (hiver 53-52 av. J.-C.), il fut vraisemblablement convenu de livrer la guerre aux Romains en s'attaquant de manière privilégiée à leurs chaînes d'approvisionnement. Le massacre des commerçants romains de Cenabum, en fut la première démonstration. L'expédition de Lucterios en Gaule méridionale visait tout autant à entraîner ces peuples dans le soulèvement général, qu'à entraver le transit de provisions de provenance locale, ou venant de la province de Gaule transalpine. Ces initiatives furent pertinentes, mais leurs effets furent insuffisants pour contrarier le maintien des forces romaines en Gaule, ou seulement pour réduire leur potentiel de nuisance, comme le démontrèrent les revers essuyés par les Gaulois lors du siège de Vellaunodunum, du siège de Cenabum et du siège et de la bataille de Noviodunum. Ajoutons que la prise de ces différentes places permirent aux Romains de trouver ponctuellement des vivres.
Alors que les Romains faisaient route vers Avaricum (Bourges) et les riches territoires qui l'entouraient, Vercingetorix était conscient que les insuffisances de la stratégie adoptée par les Gaulois aboutirait irrémédiablement aux mêmes effets. Pour y palier, il opta pour une politique de la terre brûlée. Il décida donc de ne pas affronter frontalement l'armée romaine et de ne pas défendre les places qu'elle menacerait, mais de la priver de toute possibilité de subvenir à ses besoins. Cette tactique était d'autant plus opportune qu'en cette fin d'hiver, les mouvements de l'armée romaine étaient dépendants des ressources prélevées dans les greniers des villes, villages et fermes. Ainsi, il ordonna la destruction de toutes les villes, bourgs et fermes des régions accessibles aux fourrageurs romains, afin que ceux-ci ne purent plus y trouver la moindre ressource, les contraignant ainsi à se disperser et à s'éloigner plus imprudemment encore de leurs camps. Contrairement à ces derniers, l'armée gauloise aurait, quant à elle, bénéficié des ravitaillement apportés par les différents peuples impliqués dans le soulèvement (César, Guerre des Gaules, VII, 14 ; Dion Cassius, Histoire romaine, XL, 34).
La décision prise par Vercingetorix fut immédiatement appliquée par les Bituriges, dont le territoire était parcouru par les Romains, si bien qu'ils détruisirent eux-même plus de vingt de leurs oppida, considérés comme peu défendables. En revanche, ils refusèrent de détruire leur principale ville, Avaricum, qu'ils considéraient comme étant la plus belle des villes, et dont ils vantaient l'invulnérabilité. Ils supplièrent donc Vercingetorix de l'épargner. Après s'y être opposé, il céda finalement à leurs prières et confia la défense de cette place à des proches, ce qui constitua un accroc de taille à sa nouvelle stratégie (Guerre des Gaules, VII, 15). Ne pouvant souffrir que cette place et ses riches réserves ne tombassent entre les mains des Romains, il ordonna donc à ses troupes de suivre l'armée romaine, et fit établir son camp à 16 mille pas d'Avaricum, soit 23,6 km. Depuis ce camp, il communiquait ses ordres aux habitants de cette place et organisait des raids pour éliminer les fourrageurs romains, affaiblissant ainsi l'armée de César, alors occupée à organiser le siège d'Avaricum (César, Guerre des Gaules, VII, 16 ; Dion Cassius, Histoire romaine, XL, 34).
Sources littéraires anciennes
César, Guerre des Gaules, VII, 14 : "Vercingétorix, après tant de revers essuyés successivement à Vellaunodunum, à Cénabum, à Noviodunum, convoque un conseil. Il démontre que cette guerre doit être conduite tout autrement qu'elle ne l'a été jusqu'alors ; qu'il faut employer tous les moyens pour couper aux Romains les vivres et le fourrage ; que cela sera aisé, puisque l'on a beaucoup de cavalerie et qu'on est secondé par la saison ; que, ne trouvant pas d'herbes à couper, les ennemis seront contraints de se disperser pour en chercher dans les maisons, et que la cavalerie pourra chaque jour les détruire ; qu'enfin le salut commun doit faire oublier les intérêts particuliers ; qu'il faut incendier les bourgs et les maisons en tout sens, aussi loin que l'ennemi peut s'étendre pour fourrager. Pour eux, ils auront tout en abondance, étant secourus par les peuples sur le territoire desquels aura lieu la guerre ; les Romains ne pourront soutenir la disette ou s'exposeront à de grands périls en sortant de leur camp ; il importe peu de les tuer ou de leur enlever leurs bagages, dont la perte leur rend la guerre impossible. Il faut aussi brûler les villes qui par leurs fortifications ou par leur position naturelle ne seraient pas à l'abri de tout danger, afin qu'elles ne servent ni d'asile aux Gaulois qui déserteraient leurs drapeaux, ni de but aux Romains qui voudraient y enlever des vivres et du butin. Si de tels moyens semblent durs et rigoureux, ils doivent trouver plus dur encore de voir leurs enfants, leurs femmes, traînés en esclavage, et de périr eux-mêmes, sort inévitable des vaincus."
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César, Guerre des Gaules, VII, 15 : "Cet avis étant unanimement approuvé, on brûle en un jour plus de vingt villes des Bituriges. On fait la même chose dans les autres pays. De toutes parts on ne voit qu'incendies : ce spectacle causait une affliction profonde et universelle, mais on s'en consolait par l'espoir d'une victoire presque certaine, qui indemniserait promptement de tous les sacrifices. On délibère dans l'assemblée générale s'il convient de brûler ou de défendre Avaricum. Les Bituriges se jettent aux pieds des autres Gaulois : Qu'on ne les force pas à brûler de leurs mains la plus belle ville de presque toute la Gaule, le soutien et l'ornement de leur pays ; ils la défendront facilement, disent-ils, vu sa position naturelle ; car presque de toutes parts entourée d'une rivière et d'un marais, elle n'a qu'une avenue très étroite. Ils obtiennent leur demande ; Vercingétorix, qui l'avait d'abord combattue, cède enfin à leurs prières et à la pitié générale. La défense de la place est confiée à des hommes choisis à cet effet."
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César, Guerre des Gaules, VII, 16 : "Vercingétorix suit César à petites journées, et choisit pour son camp un lieu défendu par des marais et des bois, à seize mille pas d'Avaricum. Là, des éclaireurs fidèles l'instruisaient à chaque instant du jour de ce qui se passait dans Avaricum, et y transmettaient ses volontés. Tous nos mouvements pour chercher des grains et des fourrages étaient épiés ; et si nos soldats se dispersaient ou s'éloignaient trop du camp, il les attaquait et leur faisait beaucoup de mal, quoiqu'on prît toutes les précautions possibles pour sortir à des heures incertaines et par des chemins différents."
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Dion Cassius, Histoire romaine, XL, 34 : "Enfin ils incendièrent tous les lieux d'alentour, non-seulement les campagnes et les bourgs, mais encore les villes qui leur semblaient pouvoir être de quelque secours aux Romains. Si leurs alliés des pays éloignés leur envoyaient des vivres, les Arvernes s'en emparaient, et les Romains, qui paraissaient être les assiégeants, avaient à souffrir les maux qui d'ordinaire pèsent sur les assiégés" |
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