Caius Julius Vindex invite Servius Sulpicius Galba à briguer l'empire (printemps 68 ap. J.-C.)
Après la dénonciation de la conspiration orchestrée par Caius Julius Vindex et l'officialisation de celle-ci lors du conseil des délégués des cités gauloises (mars 68 ap. J.-C.), il devint évident que les armées fidèles à Néron ne tarderaient pas à se mettre en marche. Bien qu'ayant réussi à rassembler une armée de près de 100000 hommes (Plutarque, Vies parallèles des hommes illustres : Vie de Galba, V), probablement des vétérans et personnes inexpérimentés, Caius Julius Vindex renouvela ses courriers à destination de Servius Sulpicius Galba. Plutarque estime que les premiers courriers de Caius Julius Vindex laissèrent Servius Sulpicius Galba plus que dubitatif, si bien qu'il ne jugea pas opportun de les dénoncer. Après l'annonce de la défection d'une grande partie de la Gaule, le gouverneur de la province d'Hispanie tarraconaise prit ces nouveaux courriers plus au sérieux, puisque ceux-ci l'exhortaient à prendre la pourpre (1) (Dion Cassius, Histoire romaine, LXIII, 23 ; Plutarque, Vies parallèles des hommes illustres : Vie de Galba, IV ; Suétone, Vies des douze Césars : Vie de Galba, IX).
Outre le fait que dans la province d'Hispanie tarraconaise, Servius Sulpicius Galba disposait de la légion VI Victrix, ce choix dut être considéré comme le plus opportun pour soutenir une éventuelle insurrection en Gaule. Selon Dion Cassius et Plutarque, Caius Julius Vindex invita Servius Sulpicius Galba à briguer l'empire le sachant réputé pour ses compétences dans le domaine militaire et son impartialité (Histoire romaine, LXIII, 23 ; Vies parallèles des hommes illustres : Vie de Galba, IV). Ses vertus étaient d'ailleurs suffisamment connues de tous, pour qu'à la mort de Caligula (41 ap. J.-C.), il fut déjà exhorté à se proclamer empereur, ce qu'il refusa (Suétone, Vies des douze Césars : Vie de Galba, VII). Ajoutons que cet homme n'était aucunement inconnu des Gaulois, puisqu'il avait exercé la charge de gouverneur de la province de Gaule aquitaine en 31-32 ap. J.-C., avant de commander l'armée du district militaire de Germanie supérieure entre 39 et 42 ap. J.-C., à la tête de laquelle il s'illustra. Enfin, plusieurs contentieux semblent avoir émaillé les relations de Servius Sulpicius Galba et de Néron. Ayant été proche de l'empereur Claude (41-54 ap. J.-C.), Galba fut écarté et mis à la retraite de 54 à 61 ap. J.-C. par Néron, avant d'être envoyé en Hispanie tarraconaise. Aussi, Plutarque prétend que les exactions des envoyés de Néron en Hispanie tarraconaise suscitèrent une vive désapprobation de la population et que Galba ne chercha aucunement à empêcher ses administrés d'exprimer leur courroux (Vies parallèles des hommes illustres : Vie de Galba, IV-V). Ces différents éléments font que Servius Sulpicius Galba apparaissait naturellement comme un choix judicieux, capable d'attirer à sa cause les populations exaspérées par les contributions financières exceptionnelles réclamées par Néron, mais aussi les gouverneurs de différentes provinces et des légions, du fait de sa carrière et de sa réputation.
Servius Sulpicius Galba apprit la nouvelle du soulèvement des Gaules lorsqu'il tenait l'assemblée provinciale à Carthago Nova (Carthagène, Espagne) (Suétone, Vies des douze Césars : Vie de Galba, IX). Aussitôt, il délibéra avec son entourage de l'attitude à adopter face à ses événements, mais la réaction de Néron précipita sa décision. Sa non-dénonciation des premiers courriers qui lui furent adressés par Caius Julius Vindex, furent considérés comme une trahison par Néron (Plutarque, Vies parallèles des hommes illustres : Vie de Galba, IV), si bien que l'empereur avait dépêché quelques envoyés pour se défaire de lui (Suétone, Vies des douze Césars : Vie de Galba, IX). Galba fit poser des affiches promettant l'affranchissement à tous les esclaves qui viendraient le lui demander et aussitôt les masses se précipitèrent à son tribunal et le proclamèrent empereur (Plutarque, Vies parallèles des hommes illustres : Vie de Galba, V). D'après Dion Cassius, cette proclamation fut le fait de ses propres troupes (Histoire romaine, LXIII, 23). Après quelques atermoiements, plus animé par la crainte du sort que lui réservait Néron que par l'ambition, il entra de fait dans la conjuration orchestrée par Caius Julius Vindex, sans pour autant accepter la charge que lui offraient ses troupes. Il reçut immédiatement le soutien de Marcus Salvius Otho, gouverneur de la province de Lusitanie, également en conflit avec Néron (Plutarque, Vies parallèles des hommes illustres : Vie d'Othon, I ; Suétone, Vies des douze Césars : Vie d'Othon, IV ; Tacite, Histoires, I, 13).
Notes
Sources littéraires anciennes
Dion Cassius, Histoire romaine, LXIII, 23 : "Ce discours de Vindex fut accueilli par un accord général. Mais, comme ce n'était pas pour lui que Vindex cherchait la souveraineté, ce fut à Servius Sulpicius Galba, homme supérieur par son équité et son expérience à la guerre, qui commandait en Espagne et qui était à la tête d'une puissante armée, qu'il déféra l'empire ; et celui-ci fut proclamé empereur par les soldats."
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Plutarque, Vies parallèles des hommes illustres : Vie de Galba, IV : "A cette époque, Junius Vindex, qui commandait en Gaule, se révolta contre Néron. Avant que la rébellion eût éclaté, Galba reçut des lettres de Vindex, auxquelles il ne voulut pas croire ; mais il ne le dénonça pas, comme plusieurs autres commandants, qui firent passer à Néron les lettres que Vindex leur avait écrites, et qui par là arrêtèrent, autant qu'il était en eux, l'effet de l'entreprise : reconnus dans la suite pour complices de cette révolte, ils convinrent qu'ils ne s'étaient pas moins trahis eux-mêmes qu'ils n'avaient trahi Vindex."
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Plutarque, Vies parallèles des hommes illustres : Vie de Galba, V : "Après que ce chef des révoltés eut ouvertement déclaré la guerre à Néron, il écrivit à Galba une seconde lettre, dans laquelle il l'exhortait à accepter l'empire, à se donner pour chef à un corps puissant, à la province des Gaules, qui, ayant déjà cent mille hommes sous les armes, pouvait en lever encore un plus grand nombre. Galba en délibéra avec ses amis, dont quelques-uns lui conseillèrent de ne pas se presser, et d'attendre à voir quels mouvements exciterait dans Rome la nouvelle de ce changement. Mais Titus Vinnius, chef d'une cohorte prétorienne, prenant la parole : " Galba, lui dit-il, pourquoi délibérer ? chercher, si nous serons fidèles à Néron, c'est déjà lui être infidèles. Il faut ou accepter l'amitié de Vindex, comme si Néron était déjà notre ennemi, ou l'accuser sur-le-champ et lui faire la guerre, parce qu'il veut que les Romains vous aient pour empereur, plutôt que Néron pour tyran ". Dès le jour même Galba assigna, par une affiche publique, un jour où il donnerait l'affranchissement à tous les esclaves qui viendraient le lui demander. Dès que cette publication fut connue, il se rassembla auprès de lui une grande multitude de ces hommes qui désiraient des nouveautés ; et à peine le virent-ils monter sur son tribunal, que tout d'une voix ils le proclamèrent empereur. Il ne voulut pourtant pas d'abord accepter ce titre ; mais après avoir accusé Néron, et déploré la mort de tant de personnes illustres que ce tyran avait fait périr, il promit de donner tous ses soins à la patrie, sans prendre les noms de césar ni d'empereur, et avec le seul titre de lieutenant du sénat et du peuple romain."
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Plutarque, Vies parallèles des hommes illustres : Vie d'Othon, I : "Le lendemain, au point du jour, le nouvel empereur se rendit au Capitole ; et, après y avoir offert un sacrifice, il se fit amener Marius Celsus, le reçut et lui parla avec bonté, et l'exhorta à oublier la cause de sa détention, plutôt que de se souvenir de la liberté qu'il lui rendait. Celsus, sans montrer ni bassesse ni ingratitude, lui répondit que le crime même dont on l'accusait était un garant de son caractère, puisqu'on ne lui reprochait que sa fidélité à Galba, à qui il n'avait eu aucune obligation particulière."
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Suétone, Vies des douze Césars : Vie de Galba, IX : "Il tenait à Carthagène une assemblée provinciale, lorsqu'il apprit le soulèvement des Gaules. Le lieutenant d'Aquitaine lui demandait des secours quand il reçut une lettre de Vindex qui l'exhortait à se déclarer le chef et le libérateur du genre humain. Il ne balança pas longtemps, et y consentit non moins par crainte que par ambition ; car il avait surpris des ordres que Néron avait envoyés en secret à ses agents pour se défaire de lui. D'ailleurs il avait pour lui les auspices et les présages les plus heureux, ainsi que les prédictions d'une vierge respectable qui lui inspiraient d'autant plus de confiance, qu'elles avaient été prononcées déjà plus de deux cents ans auparavant par une jeune fille qui lisait dans l'avenir, et que, dans la ville de Clunie, le grand prêtre de Jupiter, averti par un songe, venait de retirer les vers qui les renfermaient. Cet oracle annonçait qu'un jour ce serait de l'Espagne que sortirait le souverain maître de l'univers."
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Suétone, Vies des douze Césars : Vie d'Othon, IV : "Lorsque enfin se présenta l'occasion de la vengeance, Othon s'associa le premier aux efforts de Galba, et dès ce moment, il conçut l'espoir de régner, d'abord à cause de l'état présent des affaires, et surtout à cause des assurances de l'astrologue Seleucus. Cet homme, qui lui avait prédit qu'il survivrait à Néron, vint alors le trouver à l'improviste, et lui promit qu'il parviendrait bientôt à l'empire."
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Tacite, Histoires, I, 13 : "Aussi était-ce à lui, comme au confident de ses voluptés, que ce prince avait donné en garde la courtisane impériale Poppaea Sabina, en attendant qu'il se fût délivré d'Octavie son épouse. Bientôt, le soupçonnant d'abuser de son dépôt, il l'avait exilé en Lusitanie sous le nom de gouverneur. Après une administration douce et populaire, Othon passa le premier dans le parti de Galba. Il y montra de l'activité, et, tant que dura la guerre, il effaça par sa magnificence toute la suite du prince. L'espoir d'une adoption qu'il conçut dès lors, il l'embrassait chaque jour avec plus d'ardeur, encouragé par les voeux de la plupart des soldats, agréable surtout à la cour de Néron, auquel il ressemblait." |
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