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Circius
Ancien nom d'un vent divinisé. Le caractère théonymique de ce nom ne nous est connu que par Sénèque, selon qui les Gaulois "rendent grâce" à ce vent et que lors d'un séjour en Gaule, l'empereur Auguste lui aurait dédié un temple (Questions naturelles, XVII, 5). L'idée d'un culte rendu à un dieu vent n'est évidemment aucunement problématique, puisque tous les principaux vents étaient divinisés par les Gréco-Romains, tels que Ζέφυρος / Zephyrus, Νότος / Notus, Βορέας / Boreus, Εὖρος / Eurus, etc. Pour autant, à ce jour, aucun monument ni aucune attestation épigraphique ne témoigne d'un quelconque culte qui aurait été rendu à un vent divinisé dénommé Circius.
Le nom de ce vent est attesté par de nombreuses sources antiques, uniquement romaines, sous la forme circius. Nous savons par ailleurs par Aulu-Gelle qu'il fut également mentionné par Caton l'Ancien sous la forme cercius (Origines, III, apud. Aulu-Gelle, Nuits attiques, II, 22). Le nom circius serait quant à lui basé sur le celtique *circo-, qui signifie "impétueux" (Delamarre, 2003 ; 2019 ; Savignac, 2004), ou de manière un peu plus satisfaisante "tourbillonnant" (Lajoye, 2008).
Dans sa Géographie, Strabon dénomme ce vent μελαμβόρειος, qui signifie littéralement "borée noire / sombre" (IV, 1, 7). Ainsi, à ses yeux, il s'agissait d'un vent de secteur nord. Isidore de Séville, quant à lui, indique que ce vent était également nommé thrascias (Traité de la nature, XXXVII, 1). Dans ce dernier cas, il semble toutefois qu'il ne s'agisse pas d'un synonyme, mais plutôt une manière d'exprimer l'idée que le circius était un vent de même secteur que le θρᾳσκίας, soit un vent du Nord-Nord-Ouest. Enfin, Vitruve le range avec le corus et le caurus, faisant de lui un vent de secteur nord-ouest (De l'Architecture, I, 6, 10). Tous les textes antiques en font un vent froid, violent, impétueux et tourbillonnant. Les mentions de ce vent sont très majoritairement associées à la Gaule méridionale. Suivant le philosophe gaulois Favorinus d'Arles, le circius souffle depuis la Gaule (apud. Aulu-Gelle, Nuits attiques, II, 22). Strabon mentionne ce vent dans la Crau et plus en amont, dans la vallée du Rhône (Géographie, IV, 1, 7), tout comme Pline, qui le dit spécifique à la Narbonnaise. Ce dernier ajoute que dans la vallée du Rhône, ce vent fait son apparition au sud de Vienna, l'actuelle Vienne, dans le département de l'Isère (Histoire naturelle, II, 121). Depuis la vallée du Rhône et le Sud-Est de la Gaule, ce vent affecte également une partie de la Méditerranée. Suétone le signale au large des Stoechades, les actuelles Îles d'Hyères, mais également en Mer de Ligurie (Vies des douze Césars : Vie de Claude, XVII), tout comme Lucain, au large de Monoecus, Monaco (Pharsale, I, v.405-408) ou Pline, qui indique que son influence se fait ressentir jusqu'à Ostie (Histoire naturelle, II, 121). Ce vent ne peut être que l'actuel mistral. Notons enfin que Caton l'Ancien fut confronté à ce même vent dans la province d'Hispanie citérieure, dans la vallée de l'Ebre (Origines, III, apud. Aulu-Gelle, Nuits attiques, II, 22). Il est évident que le cercius mentionné par ce dernier correspond au cierzo, vent affectant la Ribera de Navarre et La Rioja, dont le nom est hérité de celui du vent antique. Une même origine est décelable dans le nom du cers, vent de secteur nord-ouest affectant le Languedoc, et dans le cerç de la Catalogne méridionale. Tous ces vents sont de secteurs proches, car influencés par la topographie, mais possèdent les mêmes caractéristiques générales ; il s'agît de vents de traine, violents, froids et secs, associés à un ciel dégagé.
Sources littéraires anciennes
| Aulu-Gelle, Nuits attiques, II, 22 : "Les Gaulois, mes compatriotes appellent circius, ce vent piquant et glacé qui souffle dans leur pays, pour peindre sans doute sa violence et l'impétuosité de ses tourbillons [...] Quant au vent qui souffle des Gaules et qu'il (Favorinus) appelait circius, M. Caton au troisième livre de ses Origines, l'appelle cercius. Dans un passage où il s'occupe des Espagnols qui habitent en deçà de l'Hiberus, il dit : 'On trouve dans cette contrée de très-belles mines de fer et d'argent, et une montagne considérable de sel pur, dans laquelle on voit sans cesse se former de nouvelles couches à la place de celles qu'on enlève. Là, le vent cercius se déchaîne avec violence : quand on parle, il vous remplit la bouche ; il renverse un homme armé et une voiture chargée'."
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| Isidore de Séville, Traité de la nature, XXXVII, 1 : "Le Circius, qu'on nomme aussi Thrascias, grondant à la droite du Septentrion, provoque les neiges et la formation des grêlons."
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| Isidore de Séville, Traité de la nature, XXXVII, 5 : "Certains vents, dit Tranquillus, portent des noms propres tirés des lieux qu'ils affectent, et en font partie : en Syrie, le Syrus ; en Cilicie, le Carbasus ; dans la Propontide, les Thracidas ; en Attique, le Sciron ; en Gallaecie, le Circius ; en Hispanie, le Sucronensis."
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| Lucain, Pharsale, I, v.405-408 : "On quitte le port qui, sous le nom sacré d'Hercule, resserre la mer entre ses rochers creux. Le Corus et le Zéphyr ne peuvent rien sur lui. Le Circius trouble seul ses rivages et défend la station de Monoecus."
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| Pline, Histoire naturelle, II, 121 : "Dans la Narbonnaise, il est un vent très célèbre, le circius, qui ne le cède en violence à aucun, et qui la plupart du temps porte à Ostie en droite ligne, à travers la mer de Ligurie. Non seulement il est inconnu dans les autres contrées, mais même il ne se fait pas sentir à Vienna, ville de la même province : à peu de distance, ce vent si terrible est arrêté par l'interposition d'une chaîne de médiocre hauteur."
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| Sénèque, Questions naturelles, XVII, 5 : "Ces vents ne prennent pas leur essor dans les extrémités latérales du monde : l'atabulus désole l'Apulie ; l'iapyx, la Calabre ; le sciron, Athènes ; le crageus, la Pamphylie ; le circius, la Gaule. Bien que ce dernier ébranle les maisons, les habitants lui rendent grâces, car ils lui attribuent la salubrité de leur climat. En tout cas, le divin Auguste, pendant le séjour qu'il fit en Gaule, lui voua et lui dédia un temple."
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| Strabon, Géographie, IV, 1, 7 : "Toute cette plaine, ainsi que le pays situé au-dessus, se trouve fort exposée aux vents, mais surtout aux ravages du mélamborée, bise glaciale assez forte, dit-on, pour soulever et faire rouler une partie de ces cailloux, voire même pour précipiter des hommes à bas de leurs chariots, en leur enlevant du coup armes et vêtements."
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| Suétone, Vies des douze Césars : Vie de Claude, XVII : "Il ne fit qu'une seule expédition militaire, et elle fut peu considérable. Le sénat lui avait décerné les ornements du triomphe. Mais, trouvant que c'était trop peu pour la majesté de son rang, il voulut un triomphe complet, et choisit pour le champ de ses exploits la Bretagne, qui n'avait pas été attaquée depuis Jules César, et qui se soulevait à l'occasion de quelques transfuges qu'on n'avait pas rendus. Il s'embarqua à Ostie ; mais il faillit être deux fois submergé par un circius impétueux sur la côte de Ligurie, et près des îles Stoechades. Aussi vint-il par terre de Massilia à Gesoriacum où il opéra son passage."
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| Vitruve, De l'Architecture, I, 6, 10 : "C'est pourquoi à droite et à gauche de l'auster soufflent ordinairement le leuconotus et l'altanus ; aux côtés de l'africus, le libonotus et le subvesperus ; aux côtés du favonius, l'argeste, et les étésiens, à certaines époques ; aux côtés du caurus, le circius et le corus ; aux côtés du septentrion, le trascias et le gallicus ; à droite et à gauche de l'aquilon, le supernas et le boréas ; aux côtés du solanus, le carbas et en certains temps les ornithies ; et enfin aux cotés de l'eurus, qui est le dernier de la série, et qui occupe un des milieux, sc trouvent l'eurocircias et le vulturnus. Il existe encore plusieurs autres vents qui doivent leurs noms à certains lieux, à certains fleuves, à certaines montagnes d'où ils viennent."
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