Bibracte (Mont-Beuvray), puis Augustodunum (Autun)
Très puissant peuple de Gaule Celtique. Au premier siècle av. J.-C., ils sont installés entre la Seine, la Loire, et la Saône, où ils occupaient une position stratégique sur la ligne de séparation des eaux entre la Méditerranée, l'Atlantique et la Manche. Ils entretenaient autour d'eux un ensemble de peuples - la Confédération éduenne - à savoir les Ambarres, les Ambivarètes, les Aulerques Brannovices, les Bellovaques, les Bituriges Cubi, les Blannovi, les Mandubiens, les Parisii, les Ségusiaves et enfin les Sénons. Selon César, les Éduens étaient au Ier s. av. J.-C. le peuple le plus puissant de Gaule, du fait du nombre de leurs clients, et détenaient le principat sur l'ensemble de la Gaule. Ceci devait être une fonction provisoire attribuée au chef d'une tribu par l'Assemblée des Gaules. Leur capitale était Bibracte (Mont-Beuvray) dans le Morvan, qu'ils l'abandonnèrent vers 15 av. J.-C. pour s'installer à Augustodunum (Autun). Leur nom signifie "Les ardents".
Les Eduens font leur apparition dans l'histoire sous le nom d'Aidousioi, antérieurement à 144 av. J.-C., dans la chronique d'Apollodore d'Athènes. Il ne reste plus grand chose de cette chronique, le seul passage qui nous est connu concernant les Eduens se trouve dans les abrégés des Ethniques d'Etienne de Byzance. On apprend alors qu'au moins deux décennies avant la victoire de Cneius Domitius Ahenobarbus en Gaule, Eduens et Romains étaient alliés.
Etienne de Byzance, Abrégés des Ethniques : "Les Aidousioi, alliés des Romains, dans la Galatie celtique. Apollodore, en ses Chroniques, livre IV."
Strabon, Géographie, IV, 3, 2 : " Les Aeduens se faisaient appeler aussi les frères du peuple romain, et ils avaient été effectivement les premiers d'entre les peuples de la Gaule à rechercher l'amitié et l'alliance des Romains."
En 122 av. J.-C., les Eduens font appel à Gnaeus Domitius Ahenobarbus pour se détacher de l'emprise des Arvernes. Florus (Histoire Romaine, III, 3) nous explique que les Eduens étaient alors déjà alliés à Rome. Dans quelles circonstances cette alliance fut-elle conclue, nous n'en savons rien. Quoiqu'il en soit, Gnaeus Domitius Ahenobarbus prendra pour excuse cette alliance pour intervenir chez les Allobroges en 121 avant J.-C. Perpétuels adversaires des Arvernes, ils profitèrent de la défaite de ces derniers face aux Romains en 121 av. J.-C., pour prendre une position dominante en Gaule.
Tite-Live, Periochae, LXI : "Le proconsul Cn. Domitius remporte, près de Vindalium, une victoire sur les Allobroges, qui s'étaient attiré cette guerre pour avoir reçu dans sa fuite. et aidé de tous leurs moyens, Teutomatius, roi des Salluviens, et pour avoir ravagé le territoire des Éduens, alliés du peuple romain"
Florus, Histoire romaine, III, 3: "Puis ce furent les Allobroges et les Arvernes contre lesquels les Eduens nous adressèrent des plaintes analogues, en réclamant notre aide et notre secours. Nous eûmes pour témoins de nos victoires sur ces deux peuples l'Isère, la Sorgue et le Rhône, le plus rapide des fleuves."
Strabon, Géographie, IV, 3, 1: "Entre le Doubs et la Saône habite le peuple des Eduens, qui possède la ville de Cabyllinum sur la Saône et la place forte de Bibracte. Les Eduens étaient aussi nommés les frères des Romains : ils furent en effet, dans ces contrées, les premiers admis à leur amitié et à leur alliance."
De nombreux peuples contestaient ce nouvel ordre, parmi lesquels les Séquanes et les Arvernes qui firent appel aux Suèves d'Arioviste pour leur venir en aide. Les Gaulois, coalisés contre les Eduens obtinrent quelques victoires, mais se trouvèrent rapidement dépassés par cet allié encombrant. Les Gaulois furent écrasés à Admagetobriga vers 70 / 60 av. J.-C., la conséquence en était alors que plus aucun peuple de l'Est de la Gaule n'était en mesure de s'interposer et de faire face aux invasions germaniques.
Strabon, Géographie, IV, 3, 2 : " Les Séquanes, au contraire, qui habitent au delà de l'Arar, avaient été de bonne heure en butte à la haine des Romains, comme aussi des Aeduens, pour avoir pris part à plusieurs reprises aux incursions des Germains en Italie, d'autant que ces incursions avaient révélé leur supériorité militaire, ayant toujours été terribles ou impuissantes, suivant qu'ils avaient prêté ou refusé leur concours aux Germains. Avec les Aeduens, la haine était de plus envenimée par des contestations incessantes au sujet du fleuve qui les sépare, chacun des deux peuples prétendant à la possession exclusive du cours de l'Arar et revendiquant la perception des péages. Mais aujourd'hui les Romains sont maîtres de tout.
Jules César, La guerre des gaules, I, 31 : "Après une lutte de plusieurs années pour la prééminence, les Arvernes, unis aux Séquanes, attirèrent les Germains en leur promettant des avantages. Quinze mille de ces derniers passèrent d'abord le Rhin ; la fertilité du sol, la civilisation, les richesses des Gaulois, ayant charmé ces hommes grossiers et barbares, il s'en présenta un plus grand nombre, et il y en a maintenant cent vingt mille dans la Gaule. Les Héduens et leurs alliés leur ont livré deux combats, et ont eu, outre leur défaite, de grands malheurs à déplorer, la perte de toute leur noblesse, de tout leur sénat, de toute leur cavalerie. Épuisé par ces combats et par ces revers, ce peuple, que son propre courage ainsi que l'appui et l'amitié des Romains, avaient précédemment rendu si puissant dans la Gaule, s'était vu forcé de donner en otage aux Séquanes ses plus nobles citoyens, et de s'obliger par serment à ne jamais réclamer pour sa liberté ni pour celle des otages, à ne point implorer le secours du peuple romain, à ne pas tenter de se soustraire au joug perpétuel de ses vainqueurs. Il est le seul de tous ses concitoyens qu'on n'ait pu contraindre à prêter serment ni à donner ses enfants en otage. Il n'a fui de son pays et n'est venu à Rome demander du secours au sénat que parce qu'il n'était retenu par aucun de ces deux liens. Mais les Séquanes vainqueurs ont éprouvé un sort plus intolérable que les Héduens vaincus : en effet, Arioviste, roi des Germains, s'est établi dans leur pays, s'est emparé du tiers de leur territoire, qui est le meilleur de toute la Gaule, et leur ordonne maintenant d'en abandonner un autre tiers à vingt-quatre mille Harudes qui, depuis peu de mois, sont venus le joindre, et auxquels il faut préparer un établissement. Il arrivera dans peu d'années que tous les Gaulois seront chassés de leur pays, et que tous les Germains auront passé le Rhin ; car le sol de la Germanie ne peut pas entrer en comparaison avec celui de la Gaule, non plus que la manière de vivre des deux nations. Arioviste, une fois vainqueur de l'armée gauloise dans la bataille qui fut livrée à Admagétobrige, commanda en despote superbe et cruel, exigea pour otage les enfants de tous les nobles, et exerce contre eux tous les genres de cruauté, si l'on n'obéit aussitôt à ses caprices ou à sa volonté"
Appien, Celtique, 12: "Arioviste, roi des Germains d'outre-Rhin, ayant passé le fleuve, faisait, déjà avant l'arrivée de César, la guerre aux Eduens."
Peu avant la Guerre des Gaules, en 63 av. J.-C., les Eduens dépêchèrent à Rome le druide Diviciacos, afin d'obtenir leur soutien pour débarrasser l'Est de la Gaule des Suèves d'Arioviste, et vaincre les Séquanes. Il n'obtint que des bonnes paroles. Quelques temps plus tard, il fit appel à César pour dénoncer le complot fomenté par les Helvètes. Son complot était soutenu par le propre frère de Diviciacos, Dumnorix.
Florus, Histoire romaine, III, 11: "La première guerre contre les Germains fut entreprise pour les motifs les plus légitimes ; les Eduens, en effet, se plaignaient de leurs incursions."
En 58 av. J.-C., les Helvètes et leurs alliés s'engagèrent sur le territoire de la Province, puis sur celui des Eduens, décidant César à intervenir. Les Helvètes furent finalement vaincus, non loin de Bibracte. Sur décision de Jules César, les Eduens cédèrent une partie de leur territoire aux Boïens qui accompagnaient les Helvètes, considérant certainement que c'était ainsi, la meilleure façon de contenir ce peuple. Le vergobret éduens, Liscos, restera fidèle à Rome.
Une partie de cette cité gauloise, sous la direction de quelques chefs se tourna vers le camp gaulois. Les Eduens furent d'ailleurs, aux côtés des Arvernes, les vainqueurs de la bataille de Gergovie. Sous la conduite de Viridomaros et Eporedorix, les Eduens massacrent les Romains de Noviodunum et participent au soulèvement des peuples gaulois indécis. Ils organisent à Bibracte l'assemblée générale des Gaules, laquelle verra Vercingetorix prendre la conduite de la rébellion, à leur grand désespoir. Cet évènement marqua d'une certaine façon, un retour à la suprématie arverne. ls fournirent par la suite trente cinq mille hommes à la coalition gauloise en 52 av. J.-C.
Le rôle des Eduens lors du siège d'Alesia reste trouble, peut-être virent-ils alors l'occasion de reprendre leur position dominante en Gaule, en se voyant accorder le pardon de César. Il faut effectivement noter que César ne leur en tint pas rigueur, bien au contraire, il les qualifia de "frères consanguins des Romains".
En 48 ap. J.-C., l'empereur Claude fit un discours au Sénat à Rome (retranscrit dans les Tables Claudiennes), plaidant pour que les notables de Gaule accèdent aux droits romains et puissent entrer dans cette assemblée. Le Sénat accorda ce droit aux seuls Éduens, lesquels furent, plus tard, rejoins par les autres peuples gaulois. Cette faveur a été accordée aux Éduens, considérant que l'ancienneté de leur alliance et le titre de "frères consanguins des Romains" justifiaient l'acquisition de tels droits.
Au Bas-Empire, la cité des Éduens fut divisée en trois entités autonomes : la ciuitas Aeduorum à proprement parler, avec pour métropole Augustodunum (Autun), castrum Cabilonnense "le château des Cabilonnenses", avec pour métropole Cabilonnum (Châlons-sur-Saône) et castrum Matisconense "le château des Matisconenses", avec pour métropole Matisco (Mâcon) (Notice des Gaules). Ce démembrement de la cité des Éduens est très certainement antérieur à la rédaction de la Notice des Gaules (fin du IVe s.- début du Ve s. ap. J.-C.), puisque Châlons-sur-Saône fut le siège d'un évêché dés le milieu du IVe s. ap. J.-C. (mais seulement à partir du VIe s. pour Mâcon).
Ausone, Parentales, II :"À toi le second rang, Éonia, ma mère, qui naquis de l'union d'une Tarbelle et d'un Éduen. Toutes les vertus d'une épouse débonnaire furent ton partage : chasteté renommée, mains filandières, foi conjugale, souci de l'éducation de tes enfants, gravité mêlée de douceur, et sérieuse avec enjouement. Puisque tu embrasses pour toujours les mânes paisibles de ton époux, si vivante autrefois tu réchauffais sa couche, morte aujourd'hui réchauffe son tombeau."
Ausone, Parentales, IV :"Poursuis ton oeuvre pieuse, page reconnaissante. Après eux, rappelons mon aïeul maternel, Arborius, illustre nom d'origine éduenne, dont la noblesse embrassait plusieurs familles, et dans la province Lugdunaise, et dans la puissante cité des Éduens, et dans la Viennaise aux cimes alpestres. Mais des revers jaloux ruinèrent notre maison et son opulente magnificence. Mon aïeul et son père furent proscrits lorsque Victorinus vainqueur eut l'empire, et que le pouvoir retomba ensuite aux mains des Tetricus. Il s'enfuit dans ces contrées où l'Adour s'échappe vers la mer, où l'océan des Tarbelles mugit en fureur, et. redoutant toujours les traits de la fortune qui le poursuivait depuis si longtemps, il s'attacha au sort de la pauvre Émilia."
Ausone, Préfaces, II :"Ausonius est mon père ; je porte le même nom. Je vais dire qui je suis, quelle fut ma vie, mon origine, ma famille, nia patrie, afin que tu apprennes à me connaître, excellent homme, et que mon souvenir conserve une place en ton coeur. Vasates est la patrie de mon père. Ma mère, par son père, est Éduenne ; mais sa mère était d'Aquoe Tarbelloe. Moi, je suis né à Burdigala : ainsi, quatre villes antiques se partagent l'origine de ma famille. Aussi notre parenté s'étend loin."
Avenches (CIL 13, 5110) C(AIO) VALER(IO) C(AI) F(ILIO) FAB(IA) CAMILLO QVOI(!) PVBLICE FVNVS HAEDVORVM CIVITAS ET HELVET(II) DECREVERVNT ET CIVITAS HELVET(IORVM) QVA PAGATIM QVA PVBLICE STATVAS DECREVIT IVLIA C(AI) IVLI CAMILLI F(ILIA) FESTILLA EX TESTAMENTO
"À Caius Valerius Camillus, fils de Caius, (de la tribu) Fabia, pour lequel la cité des Héduens et les Helvètes ont décrété les funérailles publiques. En outre, la cité des Helvètes lui a dédié des statues, soit au nom de chaque pagus, soit au nom de toute la cité. Iulia Festilla, fille de Caius Iulius Camillus, conformément au testament (a fait ériger le monument)."
Lyon (CIL 13, 1714) ...] AEDVO SVMMIS [HONORIBVS] APVD SVOS FVNCTO SACERDOTI AD TEMPL(VM) ROM(AE) ET AVG(VSTORVM) AD CONFLVENT(ES) ARARIS ET RHODANI […
"[…], éduen, parvenu parmi les siens à tous les plus hauts honneurs, prêtre au temple de Rome et des Augustes au confluent de l'Arar et du Rhodanus […]."
"[1ère colonne] À Sextus Iulius Thermianus, sénon. [2ème colonne] À Aquilia Flaccilla, citoyenne éduenne, son épouse. [3ème colonne] À Sextus Iulius Sextilianus, son fils. [4ème colonne] À l'auguste dieu Mars. [5ème colonne] À l'auguste déesse Vesta. [6ème colonne] À l'auguste dieu Vulcain. [7ème colonne] À Iulia Regina, fille de (Marcus) Magilius Honoratus, sa petite-fille. [8ème colonne] À Iulia Thermiola, sa fille. [9ème colonne] À Marcus Tullius Thermianus, son petit-fils."
"À l'empereur César Marcus Cassianius Latinius Postumus, pieux, favorisé des dieux, invaincu, Auguste, grand pontife, le grand Germanique, revêtu de la puissance tribunicienne, 2 fois consul, proconsul. Depuis la frontière (de la cité) des Éduens, jusqu'à Augustodunum, 72 mille pas. Le mont Vosegus [...]."
"En l'honneur de la maison d'Auguste, à Mars, à Vulcain et à la sanctissime déesse Vesta. Marcus Magilius Honoratus a posé (ce monument), conformément à son voeu, pour lui-même et les siens. [1ère colonne] À Sextus Iulius Thermianus, prêtre à l'autel du confluent de l'Arar et du Rhodanus, parvenu chez les siens à tous les honneurs, son beau-père. [2ème colonne] À Aquilia Flaccilla, citoyenne éduenne, épouse de (Sextus) Iulius Thermianus. [3ème colonne] À Iulia Thermiola, fille de (Sextus) Iulius Thermianus, son épouse. [4ème colonne] À Iulia Regina, fille de (Marcus) Magilius Honoratus et de Iulia Thermiola. [5ème colonne] À Marcus Magilius Honoratus, flamine augustal, munéraire, parvenu chez les siens à tous les honneurs. [6ème colonne] À Marcus Aemilius Nobilis, flamine augustal, munéraire, parvenu chez les siens à tous les honneurs, son frère."
"Caius Licinius Campanus, fils de Latinus, (de la tribu) Pomptina, éduen, prêtre des 3 provinces des Gaules, parvenu dans son pays à toutes les charges et honneurs. Les Séquanes (ont érigé ce monument, sur les fonds) publics."
"Cosuobnus Priscus, fils de Tatirus, éduen, cavalier dans l'aile Tauriana, âgé de 45 ans, repose ici. Que la terre te soit légère ! 24 années de service. Son héritier, conformément à son testament, a pris soin de faire (ce monument)."
Sources
• V. Kruta, (2000) - Les Celtes - Histoire et dictionnaire, Laffont, Paris, 1020p. • D. Garcia & F. Verdin, (2002) - Territoires celtiques, Espaces ethniques et territoires des agglomérations protohistoriques d'Europe occidentale, Errance, Paris, 420p.
• V. Guichard, (2007) - "De Bibracte à Autun", Communication Orale, Colloque International de l'INRAP " Comment les Gaules devinrent romaines ", le 15 septembre 2007, Paris
• Pierre Crombet pour l'Arbre Celtique
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique